Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 29 mai 2017

Faire front

Prenant racine dans le mouvement contre la loi Travail, les Nuits Debout…, le Front social est à l’initiative de rassemblements, appelant à s’organiser pour surmonter l’éclatement et faire converger ceux qui se définissent comme « mouvements » avec les forces syndicales représentatives et des Collectifs de défense (contre les violences policières, pour l’accueil des migrants et contre leurs expulsions, contre les Grands Projets Inutiles, pour les services publics etc.).
Le Front social a lancé l’appel au « 1er tour social », le 22 avril, la veille des élections : plus de 3000 personnes rassemblées à Paris, place de la république. Pour une mobilisation lancée en moins de deux mois par près de 70 structures syndicales, associations et collectifs : pas mal ! Puis l’appel du 1er mai « Peste ou choléra : Front social, c’est dans la rue que ça se gagne ! » face aux programmes des deux « outsiders » en lice pour le 2ème tour,  mortifères pour le monde du travail, la jeunesse et les classes populaires. Mais, le mouvement n’a pas imposé la question sociale sur le devant de la scène, pourtant, des grèves, des contestations, il y en avait dans cet entre-deux-tours.
Le 8 mai, 1er jour de mandature de Macron, le Front social rassemblait plus de 5 000 personnes à Paris   « Régression sociale élue, tous, toutes dans la rue ». Des manifestations ont été organisées dans toutes les grandes villes de France (Besançon, Clermont-Ferrand, Grenoble, Le Havre, Orléans, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg, Tours...) ; même si  elles n’ont pas mobilisé largement, elles se sont tenues.
Il est urgent de ne pas attendre… Toutes les forces sont à mobiliser contre les attaques annoncées du gouvernement Macron : contre le code du travail, la nouvelle baisse des dotations aux collectivités territoriales et la suppression de la taxe d’habitation, par conséquent, la poursuite de la privatisation des services publics (à la Poste, en 2016, il y a eu 400 fermetures de bureaux), la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires annoncée, mais aussi les nouveaux déremboursements de la Sécurité Sociale, etc. Le « dialogue social » à la Macron, c’est de la poudre de Perlimpinpin ! Il veut passer en force contre le code du travail. L’enjeu est de taille si « nous ne voulons plus nous mobiliser en réaction à une attaque, il faut constituer un front social actif sans attendre ».

Pour être à l’offensive
 Ne nous lamentons pas. Organisons-nous(1)

Pour faire grandir le Front social, il nous faut trouver des espaces de convergence et ou d’alliance, à l’exemple de la Marche pour la Justice et la Dignité du 19 mars, mener le débat démocratique dans les organisations constituées pour rassembler le mouvement social et les luttes d’aujourd’hui, plutôt qu’à y « découper » des franges radicales. Cela permettra de renforcer nos outils de lutte et de résistance dans la durée et évitera le « zapping » militant pour, à l’inverse, convaincre de se syndiquer, de rejoindre une association de lutte, un collectif… pour agir sur les lieux de travail, dans nos villes et quartiers...

Pour reconstruire quoi ? Les appels à reconstruire « la gauche » se multiplient. Qu’est-ce que cela signifie ? Rien ne sera possible si cette gauche des rues et des grèves ne se renforce pas, si elle ne porte pas par elle-même son propre imaginaire social. Faire le choix délibéré de la subordonner à des intérêts partidaires ce serait l’appauvrir, la dessécher et faire courir un grave danger à toutes celles et ceux qui veulent changer la société parce que c’est bien de ses réalités et de ses contradictions qu’il faut partir pour la transformer.

Reconstruire de l’action collective, c’est partir de la réalité de l’exploitation et ou de l’oppression vécue, celle que l’on subit au travail nous enjoignant à accepter n’importe quel « boulot de merde » et celle que l’on subit parce qu’on n’en n’a pas ou pas assez pour subvenir à ses besoins. Partir de là permet d’intégrer les nouvelles formes de travail ubérisées, si chères à Macron. L’action collective existe dans ce champ d’intervention : le syndicat des coursiers à vélo lancé par la CGT en Gironde, le CLAP (collectif des livreurs autonomes de Paris), etc.

Faire avancer l’action collective c’est faire avancer la solidarité. Tout comme le combat féministe a progressé dans nos structures (même s’il reste beaucoup à faire), il faut que le racisme et la lutte contre l’islamophobie soient plus pris en charge dans les syndicats. « Si les discriminations ne se réduisent pas à la domination sociale, elles s’articulent à celle-ci pour la renforcer. Combat social et antiraciste, loin d’être antagoniques, doivent se nourrir l’un l’autre ». (cf encart)

Ces enjeux posent la question de l’interprofessionnel. Un syndicat ça n’est pas fait pour défendre des intérêts particuliers mis bout à bout, c’est partir des luttes « corporatives », de la réalité du travail vécu pour bousculer les murs des corporatismes et poser la question du changement de société et des intérêts communs que nous avons, en tant que classe. Si on parlait un peu plus d’alternatives pour vivre et travailler mieux et autrement, on sortirait d’un certain nombre de débats mortifères. Qu’un Collectif syndical contre l’aéroport à NDDL et son monde se soit constitué en lien avec la ZAD va dans ce sens : « C’est que ce besoin de reprendre sa vie en main concerne effectivement beaucoup de salariés militants. Défendre la ZAD c’est donc pour nous aussi soutenir une expérience d’émancipation du capitalisme et des rapports marchands ». De même, remettre sur le métier la question de l’autogestion de la production, comme l‘ont fait entre autres les Scop-ti (2) ici, et les entreprises récupérées en Argentine ou en Grèce, ne serait pas une si mauvaise idée.

Si eux, ils séparent, nous il faut qu’on unisse.

Lors de chaque manifestation, les journaux télévisés ne nous donnent à voir que les violences, certes, elles existent. Le climat s’est encore durci lors des rassemblements du 1er mai : 2 blessés chez les policiers (dont un gravement brûlé), 124 manifestants blessés. Les préfectures ont prononcé des interdictions de territoire pour des militants identifiés (69 en région parisienne). Ces violences sont-elles provoquées et par qui ? D’aucuns accusent les « anarcho-syndicalistes » ou les « mao-insurrectionnistes », les « cagoulés », le black block… D’autres dénoncent (vidéos tournées par des manifestants à l’appui) les violences policières et leur processus systématique : couper la manifestation, nasser ceux qui sont repérés dans le cortège de tête, tabasser et asphyxier par les lacrymos, lancers en cloche (non conformes) des grenades de désencerclement, pour finir par embarquer ceux qui se font choper… Certes, de quoi décourager les manifestants d’y revenir.
A ces affrontements provoqués, il faut mettre fin déclare un anonyme (sur Paris-luttes.infos) : « On est arrivé à faire du bruit, mais sans structures d’appui, et juste parce qu’il y avait quelques journalistes aventureux qui nous suivaient, en diffusant les images d’affrontements un peu partout… Il faut se rendre compte que chaque pas qu’on fait sur le terrain de la provocation policière est un pas vers un massacre définitif vu que eux ils sont armés et organisés et nous pas du tout ». D’autant que le dispositif de répression mis en place par le gouvernement précédent est efficace, entre lois sécuritaires et état d’urgence (que Macron va prolonger jusqu’au 1er novembre), un service de renseignement numérique et de terrain tout prêt à filtrer des milliers de données. « Il faut qu’on se prenne du temps pour rassembler nos vies fragmentées, la confusion dans la tête des gens qui ne distinguent plus la droite de la gauche et les riches des pauvres… ». Les idées ne manquent pas : « développer des moments de réappropriation concrète de la ville à travers des rencontres un peu partout,  produire de la connaissance et la diffuser en masse, remplir nos yeux et nos oreilles d’histoires fabuleuses de révolutionnaires de tous les temps, s’organiser concrètement en référençant les zones couvertes par les militants et constituer des collectifs de lutte locaux… Se lier à des syndicalistes et des associations de quartier en diffusant et prenant des initiatives ensemble… ».


L’essentiel est de décider ensemble de ce que l’on veut, plutôt que de ce que l’on ne veut pas. Ce processus de convergence, d’organisation est long et Macron sait qu’il doit aller très vite. Si l’on ne décide pas de privilégier ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise, si les appels du Front social ne font pas écho auprès des organisations plus structurées (syndicats, collectifs, associations…), l’on risque, à nouveau, de subir des reculs sociaux importants, au nom de la dette à rembourser, du taux de croissance à retrouver… et de prendre le chemin de la Grèce…

Le Front social est constitué des militants les plus combatifs et les plus touchés par les violences sociales, policières, économiques (3) :
- des syndicats « de base »  de l’éducation, du commerce, de l’énergie, des fonctions publiques d’Etat et territoriales, de l’industrie, de l’information/communication/culture, de la Poste, des privés d’emploi et précaires, de la santé, des transports (principalement  CGT, SUD, CNT, UNEF) et des organisations syndicales territoriales (unions locales)
- des collectifs demandant justice : « Justice pour Théo et tous les autres » et « Urgence notre police assassine »
- des associations (Droit au logement, Droits devant, compagnie Jolie Môme, Images contemporaines, Collectif anti-Linky, SCALP Ile de France, Génération ingouvernable…
- média : Bellaciao    

Il y a urgence à unir ce qui ne l’est pas encore (syndicats, Zadistes de NDDL, organisations de lutte contre les racismes et la xénophobie ou encore convergences de défense des services publics, etc. pour qu’enfin l’on puisse « prendre la rue », ce à quoi nous invite le Front social le 19 juin prochain, devant l’assemblée nationale «Contre Macron et ses ordonnances » (4).

Odile Mangeot

(1)   Extraits d’un billet de Théo Roumier, animateur du mouvement syndical Solidaires, le 10 mai 2017
(2)   Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions
(3)   Pour consulter la liste http://infocomcgt.fr
(4)   Une rencontre nationale du front social est prévue le 10 juin à 10h à la bourse du travail à Paris.  Pour en savoir plus : http://paris-luttes.info.contre-macron-et-ses-ordonannces-8138