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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 27 février 2017

Une police gangrenée par le racisme ? 

Avec le tabassage et le viol de Théo par des policiers, la limite du supportable est dépassée. Rien ne pourra rétablir la paix dans les quartiers et la confiance dans les institutions de la police et de la justice, si les violences perpétrées par certains policiers n’aboutissent pas à des sanctions à l’encontre de professionnels qui usent de méthodes « dignes » d’une dictature.

Est-il encore temps ? En tout cas, les « daronnes »(1) d’Aulnay-sous-Bois, toutes celles et ceux qui marchent pour la dignité, pour la vérité, ne cessent d’appeler à la justice. S’ils n’étaient pas entendus, les conséquences seraient sans aucun doute d’autres violences. Et si justice est faite pour Théo, tant d’autres humiliations, blessures voire morts restent non condamnées que cela ne suffira pas. Car les tensions sociales sont profondes, faites de discriminations subies par celles et ceux qui sont considérés comme de la « racaille », des « rien du tout » ou des « dangereux » du fait de leur origine (supposée), de leur couleur de peau ou de leur lieu d’habitation.       

Alors, nous en sommes là ! Après plus de 30 ans de « politique de la Ville » pour réduire les inégalités territoriales au profit des habitants des quartiers ? Poudre aux yeux que tous ces moyens promis, en éducateurs et polices de proximité, en formation pour « l’égalité des chances » !  Qui y croit encore ? Sûrement plus les habitants et encore moins les ministres successifs aux méthodes de plus en plus policières. C’est Sarkozy qui crée (en 2003) les BST (Brigades spécialisées de terrain) auxquelles appartiennent les 4 policiers qui ont tabassé et violé Théo. Cette police musclée intervient dans les ZSP (Zones de Sécurité Prioritaires) comme la cité des 3000 à Aulnay. « Ce ne sont pas des policiers d’ambiance ou des éducateurs sociaux », ni des « grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage » affirmait Hortefeux. Ces patrouilles, munies de matraques télescopiques, LBD40, flash-ball, grenades lacrymogènes, armes de services, gilets pare-balle, jambières et manchettes, interviennent pour rétablir l’ordre. Incorporés sur la base du volontariat, ils sont souvent inexpérimentés et peu aguerris à la réalité des quartiers sensibles(2). Les jeunes les appellent : « les tabasseurs ». Et malgré sa promesse (en 2012) du retour à la police de proximité, Hollande n’en fit rien. Valls sut se montrer « ferme », et même « mieux », grâce à l’état d’urgence, il élargit ces méthodes contre des militants écolos, syndicaux. Le changement, ce n’est vraiment pas pour maintenant !

Si cette séquence (du 2 février à Aulnay) n’est hélas que le dernier épisode d’une très vieille série, c’est parce que, depuis 27 ans, aucun gouvernement n’a modifié les éléments du scénario (3). La terminologie utilisée, au fil des politiques gouvernementales, en dit long : de développement social des quartiers, on est passé aux Zones Urbaines Sensibles pour finir par en classer un grand nombre en  Zones de Sécurité Prioritaire.      

Mais les quartiers pauvres et dégradés le sont toujours. Des milliards ont pourtant été engloutis dans la rénovation urbaine sans rien changer au chômage, qui dans les ZUS(4), dépasse les 50% chez les jeunes de moins de 30 ans. Rien n’a changé non plus sur le terrain des discriminations qui compliquent toujours l’accès d’une partie de nos concitoyens à l’emploi, au logement et à quantité de biens et services. Les discriminations « ethno-raciales » se sont muées en discriminations religieuses, notamment islamophobes, et les femmes en sont les principales victimes quand elles décident de porter le « voile ». Les inégalités scolaires sont flagrantes : le taux de réussite au brevet est de 95% pour les enfants de collège d’un quartier aisé, de moins de 50% pour ceux d’un quartier ZUS. En 27 ans, rien n’a changé malgré les innombrables alertes, rapports et livres publiés à ce sujet.   

Tant que les thèmes de la sécurité, des banlieues, de la violence, etc., serviront avant tout aux politiciens à faire carrière, tant que la nécessité de l’ordre fera taire celle de l’analyse, tant que l’institution policière continuera à former et envoyer sur le terrain le même type de policiers et tant que les habitants des quartiers pauvres seront enfermés dans les mêmes problèmes, l’on peut déjà prédire sans risque qu’il y aura beaucoup d’autres Aulnay-sous-Bois.

Qu’est-ce qu’un Etat qui use de la force et de la violence face à des populations précarisées, sans espoir en l’avenir ? Qu’est-ce qu’un Etat «démocratique» qui pratique la justice à deux vitesses, condamnant en comparution immédiate ceux que la police « attrape parce qu’ils courent moins vite » à de la prison ferme et  qui, par ailleurs, permet que l’IGPN tente de requalifier le « viol délibéré » de Théo en « violences volontaires » ? Qu’en sera-t-il de la condamnation des auteurs de ces actes ? Et pour répondre à ceux qui répètent à chaque incident dans les quartiers populaires : « la République et la police doivent être respectées », il faut dire « Qu’elles commencent par être respectables ! ».

Les commentateurs médiatico-politiques ont vite fait de présenter les violences policières comme des actes individuels, qu’il suffirait donc d’extirper les brebis galeuses du troupeau pour que tout rentre dans l’ordre républicain. Mais les « bavures » ne sont pas des dérapages individuels, il faut y dénoncer l’humiliation pratiquée comme système de domination. Le discrédit participe de l’arsenal répressif. Les habitants des quartiers subissent l’injonction de docilité et de soumission qu’ont combattue les ouvriers immigrés par des grèves dans l’automobile en région parisienne (1982-1984). De l’exploitation ouvrière à l’asservissement des banlieues, les procédés sont les mêmes : les assignations sans motif, les insultes racistes dénoncées par les ouvriers de l’époque sont les mêmes mécanismes qui opèrent maintenant dans les quartiers. Leurs revendications et nos solidarités doivent résonner de la même façon aujourd’hui, pour refuser l’humiliation comme support privilégié de la domination de classe, méprisant le droit de l’individu. 

Odile Mangeot

(1)    Les mères
(2)    Selon Unité SGP Police FO
(3)    en italique, extraits d’un article de Laurent Mucchielli https://www.laurent-mucchielli.org
(4)    Zone Urbaine Sensible