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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 27 février 2017

La Sécu elle est à nous !

« On s’est battu pour la gagner » : la protection sociale n’est pas née du seul Conseil National de la Résistance. Elle a été un long combat, au cours du siècle précédent. Elle fut et est toujours un compromis entre les salariés et le patronat. « On se battra pour la garder !», encore faut-il s’entendre sur ce que l’on veut défendre ou reconquérir. Les éléments ci-dessous sont extraits d’un texte de Pascal Franchet dans AVP - Les Autres Voix de la planète -  du CADTM(1)


La Sécu, on s’est battu pour la gagner !

La protection sociale universelle (chômage/maladie/retraite), avec celles du salaire et du temps de travail, est la revendication la plus ancienne du mouvement ouvrier. Depuis la lutte des Canuts (1831) à celle des ouvriers du Creusot (1899) en passant par la Commune (1871), il y a plus d’un siècle de luttes sociales avant l’ordonnance d’octobre 1945 qui crée la Sécurité Sociale. La revendication d’une protection sociale universelle a commencé avec l’instauration du capitalisme industriel au 19ème siècle. La première loi visant à mutualiser les coûts liés à un risque est votée le 8 avril 1898, assurant la protection de salariés de l’industrie contre les accidents du travail. Elle contraint l’employeur à s’assurer contre ce risque auquel il doit faire face. Dans la foulée, au début des années 1900, deux députés socialistes, revendiquèrent la même protection contre le chômage et la misère, inhérents au capitalisme ; pour eux, il n’est pas question de faire porter les risques de chômage, de maladie ou de misère par une cotisation des salariés. Au même titre que l’employeur doit les salaires aux salariés, il doit la cotisation qui protège la force de travail.  Cette revendication n’aboutit pas en 1900 mais servit de base à la construction de la protection des salariés. C’est en 1928 qu’est instauré le premier système complet et obligatoire d’assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès) au bénéfice des salariés de l’industrie et du commerce, instituant la cotisation sociale. Qui doit la payer ? Cette question a imprégné tout le mouvement ouvrier du 20ème siècle et est toujours présente au 21ème siècle.

La Sécurité sociale, inscrite dans le programme du Conseil National de la Résistance « Les jours heureux », naît des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. En 1945, toutefois, il n’y eut ni grèves, ni manifestations pour imposer cette avancée sociale. La bourgeoisie patronale-collabo sortait très affaiblie de la 2ème guerre mondiale et le puissant mouvement ouvrier du siècle précédent s’était encore renforcé par son engagement dans la Résistance. Dans ce contexte, le programme du CNR fut un compromis accepté par le gouvernement et le patronat pour consolider cette « entente » face au bloc soviétique ; ce ne fut pas un projet partagé de transformation radicale de la société. Bien entendu, ce progrès social est une avancée indiscutable et doit être conservé à tout prix le principe suivant : « la cotisation sociale est un prélèvement sur la richesse créée par le travail dans l’entreprise, qui n’est affectée ni aux salaires ni aux profits, mais mutualisé pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs résultant des aléas de la vie, indépendamment de l’Etat et de la négociation collective et dont le montant est calculé à partir des salaires versés ». Autrement dit, la richesse créée par le travail contraint l’employeur à verser du salaire différé (la cotisation) ; il ne peut être question de fiscaliser ce risque. On le verra plus loin, la création de la CSG et de la CRDS ont ouvert une brèche contraire à l’esprit des ordonnances de 1945. Dans la conception initiale, Etat et syndicats (par la négociation collective) ne peuvent influer ou modifier les principes de fonctionnement de la Sécurité Sociale. L’Etat intervient en tant que garant de ce droit humain fondamental, inscrit dans le préambule de la Constitution en 1946. La Sécurité Sociale fut conçue comme un service public original et indépendant de l’Etat, directement géré par les assurés eux-mêmes, par l’intermédiaire de leurs élus.

Ce rappel historique doit nous servir à renforcer notre détermination à garder (voire reconquérir) le système de protection sociale, tel qu’imaginé par ses fondateurs, qui subit régulièrement des attaques et des régressions.

On se battra pour la garder !

Oui, mais sous quelle forme ?

La Sécurité Sociale, issue de ce « compromis » contraignant pour la bourgeoisie subit depuis 40 ans des remises en cause, concernant notamment son financement. Même si les ordonnances affirment que la cotisation sociale est un prélèvement sur la richesse produite par le travail, les textes fondateurs, écrits par des hauts fonctionnaires et non par les organisations ouvrières, maintiennent le flou sur la double cotisation patronale et salariale. De cette confusion entretenue par le patronat qui n’a comme objectif que de reprendre aux salariés ce « cadeau » qu’il ne veut pas payer, ont émergé des modifications profondes, et ce, malgré les luttes sociales importantes ; toucher à la Sécu, c’est mettre dans la rue toutes celles et ceux qui ne veulent pas voir ce conquis disparaître.

Ces « reprises en main » de l’Etat et du patronat se manifestent dans trois domaines principaux :

1 - De la caisse unique aux caisses par types de risques. En 1945, l’ordonnance crée un régime général ayant vocation universelle pour rassembler les protections à toute la population et étendre les risques couverts. Ce projet ne sera pas réalisé du fait de l’opposition des régimes spéciaux et des travailleurs indépendants. Plusieurs caisses sont donc créées : régime général, agriculteurs, non-salariés et régimes spéciaux, formant un réseau de caisses uniques départementales, cogérées majoritairement (75%) par les représentants des salariés.
Le 21 août 1967, les ordonnances Pompidou/Jeanneney séparent financièrement les risques en créant 4 caisses nationales autonomes : CNAM (assurance maladie), CNAV (assurance vieillesse), CNAF (allocations familiales) et ATMP (Accidents du travail/maladies professionnelles) ; la gestion de l’ensemble de la trésorerie est confiée à l’Agence Centrale des Organismes de SS (ACOSS), tous ces organismes relèvent du droit privé. Signalons qu’une 5ème branche avait vu le jour en 1958 : l’UNEDIC (assurance chômage), hors Sécurité Sociale et paritaire, suite à un « coup » de De Gaulle s’appuyant sur FO  pour contrer l’influence de la CGT qui, elle, revendiquait l’intégration dans la Sécurité Sociale.     
La CGT s’opposa aux ordonnances de 1967 qui effaçaient la lisibilité et remettaient la gestion financière aux mains d’organismes dont les directions étaient nommées par l’Etat, ne laissant guère de place aux administrateurs attachés au principe du « chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

2 - De la gestion majoritaire par les assurés à un paritarisme bien arrangeant pour le patronat. Depuis 1945, la gestion de la SS a été modifiée à plusieurs reprises. Au départ, les syndicats, seuls (sans le patronat), désignaient les membres des conseils d’administration puis ce sont les assurés qui élurent leurs représentants parmi ceux proposés par les syndicats. Mais les ordonnances de 1967 séparant les caisses, supprimèrent aussi l’élection des administrateurs et instaurèrent un mode de gestion paritaire entre représentants des assurés et des employeurs. En 1982, le principe de l’élection fut rétabli et la majorité des sièges réservés aux syndicats. Des élections eurent lieu en 1983 (pour 6 ans) puis furent constamment repoussées. En juin 1996 (ordonnances Juppé), la parité entre représentants des employeurs et représentants des salariés désignés (et non plus élus) par les organisations syndicales est rétablie. C’est un arrêté de 1966 ( !) qui établit la liste des syndicats dits représentatifs, sans prendre en compte l’existant et encore moins les mouvements de chômeurs. Pour les salariés : CGT – CFDT – CGC – FO – CFTC et pour les employeurs : Medef – CGPME – UPA -UNPAL/CNPL). De fait, de par la division entre les syndicats de salariés, c’est le patronat qui dirige la Sécurité Sociale. L’Etat, quant à lui, joue un rôle de tutelle et de contrôle nettement renforcé depuis 1996, avec l’institution par le Parlement de la loi de financement de la Sécurité Sociale. Ainsi fut mis fin à la démocratie sociale.

3 - La fiscalisation et la financiarisation de la protection sociale.
Les fondateurs l’avaient décidé : ce n’est pas aux salariés de payer pour être en bonne santé. Ce n’est pas aux contribuables de payer à la place des patrons. La Sécurité Sociale sera financée grâce aux richesses produites par le travail des salariés. Ce « compromis », nous l’avons vu, imposé au patronat, n’a cessé d’être attaqué.
C’est au début des années 1980 que les portes de la fiscalisation et de la financiarisation s’ouvrent, comme signal de la politique de rigueur de Mitterrand. L’idée d’étendre l’assiette des cotisations à tous les revenus disponibles aboutit à la création de la CSG – Contribution Sociale Généralisée – (Rocard, décembre 1990). Cet  impôt proportionnel par types de revenus, est prélevé aujourd’hui à un taux entre 3.8% et 8.2%. Juppé, en 1996, crée la CRDS – contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (0.5%) (qui devait être provisoire !) et, parallèlement, la Cades(2) pour financer la dette sociale via les prêteur privés.  La fiscalisation est en marche.
Dès lors la logique comptable l’emporte sur le choix politique ; l’on a assisté, depuis, au démantèlement progressif de la protection sociale par les gouvernements de droite et de « gauche ». Le capital a pris le pas sur le travail.
Les contre-réformes se sont succédé sur les retraites, sur l’assurance maladie (forfaits, déremboursements, financement des hôpitaux à l’activité, création des ARS (Agences Régionales de Santé) émanations directes de l’Etat, tout en justifiant les régressions sociales par le poids de la dette (le trou de la Sécu !).
Parallèlement, début des années 1980, s’est mise en place la financiarisation de la protection sociale. Des conventions d’objectifs et de Gestion (COG) introduisent la facturation croisée des excédents et des besoins de financement, entre les caisses, avec productions d’intérêts ! On assiste également au financement de la dette sociale par les banques privées : à plusieurs reprises, l’UNEDIC emprunte auprès des assurances et des mutuelles et souscrit des emprunts obligataires à des taux de plus de 5%. Ce recours à l’emprunt garanti par l’Etat marque l’ouverture définitive de la Sécurité sociale à la financiarisation. Il s’agit de « maîtriser les dépenses de santé » et d’accroître le pouvoir de l’Etat et du Parlement : l’ordonnance Juppé (22.02.1996) lui redonne le pouvoir par le vote annuel d’une Loi de Financement de la Sécurité Sociale, l’Etat fixant un ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance-maladie)  à ne pas dépasser. Pire, la LFSS en 2007, autorise l’ACOSS à avoir recours à des billets de trésorerie pour ses besoins de financement à court terme : ainsi, en 2007, l’UNEDIC faisait apparaître dans son bilan, 9.17 milliards d’euros empruntés, répartis en obligations, billets de trésorerie et titrisation, cette technique qui consiste à transformer en titres négociables sur les marchés financiers des créances : les cotisations sociales servent à la spéculation !  En 2016, le site de l’UNEDIC ne rend public que 11 des 31 milliards d’euros souscrits. Elle vante par ailleurs la fiabilité de ses capacités à rembourser et présente les économies à réaliser sur le dos des chômeurs (1.6 milliard en 2 ans) en 2014 !

La Sécu, elle doit être à nouveau à nous !

Si « la Sécu, elle est à nous ! », nous devons nous la réapproprier en la débarrassant du fardeau de la dette sociale qui n’incombe pas à la Sécu  quand, au nom des politiques de l’emploi, les gouvernements de droite et de « gauche » accordent de larges exonérations de cotisations, en particulier sur les bas salaires, au patronat : elles se montent à près de 30 milliards d’euros.
Il nous faut exiger un audit citoyen de cette dette, au nom de laquelle les contre-réformes néolibérales sont appliquées. Il faut intégrer comme une dette du patronat le financement de la misère (RSA, etc.) aujourd’hui (mal) financés par le budget de l’Etat et des collectivités territoriales, c’est-à-dire par les contribuables que nous sommes.
Enfin, l’on doit ré-affirmer que l’accès à la protection sociale est un droit humain fondamental ; sa gestion doit appartenir à ceux qui créent la richesse par leur force de travail. L’Etat a obligation de garantir l’exercice de ce droit. Le patronat n’y a pas sa place ; le paritarisme doit être remplacé par une gestion directe et transparente par et pour les salariés, les privés d’emploi et les retraités.

Telles sont les revendications minimales que nous devrions trouver dans un programme électoral qui se veut résolument de « gauche », afin de nous mobiliser dans les luttes, à l’image des ouvriers du 19ème siècle car « … tout être humain qui (…) se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Odile Mangeot, le 23.02.2017

(1)   Les Autres Voix de la Planète (AVP) dernier trimestre 2016 « Dette sociale. Qui doit à qui ? ». Revue produite par le CADTM : Comité pour l’annulation des Dettes illégitimes 
(2)   Caisse d’amortissement de la dette sociale


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Un petit tour dans les programmes de quelques présidentiables en matière d’assurance maladie

Après son annonce fracassante de remboursement des « gros » risques mais pas des « petits » risques, Fillon a rétropédalé, mais le ripolinage n’est que de surface ! Quant à Macron, il commence à parler programme, qui se révèle déjà bien libéral de droite. Hamon, lui, a déjà oublié son revenu universel ambitieux. Il s’agit de ne pas effrayer ceux qui sont tentés par Macron ou par une gauche de gauche. En y regardant de plus près, les volontés de ces trois présidentiables, se ressemblent  et n’annoncent rien de bien enthousiasmant : pas de diminution du niveau de prise en charge par l’assurance-maladie et une meilleure prise en charge des lunettes, prothèses auditives ou soins dentaires, mais nécessité de maîtriser les dépenses et de faire des économies (Fillon :20 milliards sur 5 ans, Macron : 15 milliards) en annonçant la volonté de rendre les hôpitaux plus autonomes (pour Fillon : retour progressif aux 39h, pour Macron : développer la médecine ambulatoire, vendre les médicaments à l’unité, ne rembourser que les soins « utiles »… Quant à Hamon, il annonce une modification du mode de financement de l’hôpital sans s’engager à l’annulation de la loi Bachelot, base de la concurrence forcenée entre les établissements publics et privés… Pour Mélenchon, la santé publique doit redevenir une exigence de premier ordre : rembourser à 100% tous les soins prescrits, combler les déserts médicaux par la création d’un corps de médecins généralistes fonctionnaires rémunérés pendant leurs études (dommage qu’il ne propose pas l’affectation obligatoire des médecins dans les territoires où il en manque, sur le modèle de l’Education nationale !). Il propose d’abolir les dépassements d’honoraires et de créer un pôle public du médicament pour faciliter l’égal accès aux traitements et revenir sur le financement actuel des hôpitaux, tout en stoppant les suppressions de lits et de personnels, et en engageant un plan de recrutement pour reconstruire le service public hospitalier.

Comme aurait dit Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

Comme l’affirment les Amis de l’Emancipation Sociale : Voter ne suffit pas ! La démocratie c’est définir ensemble les mesures de progrès social et d’égalité et contrôler leur mise en œuvre.