Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 19 décembre 2017

Le 18 décembre, les AES, membres du CADM 70 - Collectif d'Aide et de Soutien aux Migrants, étaient présents, à Vesoul, devant la Préfecture. Nous étions entre 60 et 70, dont une grande majorité d'exilés pour marquer cette journée internationale des migrants et l'ouverture des Etats Généraux de la migration (avec 470 organisations). 
A cette occasion nous avons affirmé

La parole est une arme de résistance !
Nous ne devons pas nous taire

Que l’on soit citoyen,
Que l’on soit fonctionnaire, ouvrier, salarié, étudiant, sans travail
Que l’on soit vieux, jeune, homme, femme
Que l’on soit riche ou pauvre

Comment rester muet face à la mise en place, par le gouvernement Macron, mais aussi en Europe, chaque jour un peu plus, de la chasse aux migrants ? 

Ces exilés – ceux qui cherchent un refuge, ici,
Ces exilés ne voient que des murs se dresser sur la route de leur exil

Ils errent depuis leur pays d’origine, celui qu’ils ont dû quitter à cause de la guerre et de la misère
Ils errent de squats en camps, de camps en hébergements d’urgence, pour être assignés à résidence puis placés en centres de rétention et expulsés. Cela peut durer plusieurs années pour les « déboutés » mais cela va être de plus en plus rapide : les « dublinés », eux, se voient privés de liberté sans même avoir pu déposer leur demande d’asile en France !

Ils ne croisent que des murs
-        des murs dressés pour qu’ils ne passent pas, pour qu’ils n’entrent pas en Europe
-        des murs dressés par ceux qui font les lois (députés, ministres de Macron)
-        des murs de règlementations toujours plus liberticides
-        des murs dressés dans les têtes de nos concitoyens, abrutissant les cerveaux pour se transformer en haine raciste et xénophobe

Jusqu’où iront-ils nos gouvernants dans leur volonté de rejeter, d’expulser, de refuser – même - un droit fondamental : le dépôt de la demande d’asile dans le pays de son choix ?

Ils construisent des murs dans les cœurs et dans les têtes jusqu’à ce que nous ne soyons plus capables de penser avec nos têtes pour ânonner derrière eux : On ne peut pas accueillir toute la misère du monde !!!
Alors, qu’apparemment on peut accueillir toute la richesse du monde ! Celle qui, par ces actionnaires et ces dividendes, nous appauvrit, nous met au chômage, nous met à la rue ?

NON ! Nous disons NON !



Et nous appelons toutes celles et ceux qui refusent la politique du rejet de l’Autre

à  résister face à la ligne dure que Macron compte appliquer et nombreuses sont les organisations qui ne se taisent pas pour lui rappeler les Droits de l’Homme et le respect de leur dignité, 

à dénoncer les politiques actuelles. Elles nous inquiètent profondément, dans une Europe où ne cesse de monter la haine raciste et xénophobe

à abattre tous les murs de la haine, du rejet de l’autre et du racisme

Nous appelons  toutes celles et ceux qui ont un cœur et une tête
à désobéir à des circulaires et à des décrets iniques (comme l’ont fait certaines ONG récemment)

Là où nous sommes, exerçons notre droit à la désobéissance : dans notre travail, dans notre engagement politique, associatif, militant

Là où nous sommes, ne laissons pas commettre des expulsions en nous bouchant les yeux et les oreilles

Si, là où nous sommes, tous, nous résistons

Alors, nous pouvons rêver d’une France, d’une Europe et d’un monde où les murs de la haine et du rejet de l’Autre tomberont, abattus grâce à toutes les solidarités qui existent et se multiplient

Alors, nous pourrons construire, ensemble, pour demain, une société d’égalité et de fraternité entre les peuples

Nous ferons tomber les murs !
Vive les Droits de l’Homme
Exilés – Français – solidarité





Odile Mangeot, AES, le 18.12.2017  

samedi 16 décembre 2017


Ce 16 décembre 2018, rassemblement en soutien des exilés et migrants
face à la politique de rejet du gouvernement Macron, et au-delà, de l'Europe forteresse prête à tout arrangement inacceptable pour "contenir" celles et ceux qui cherchent refuge, 
au mépris des Droits de l'Homme.
Ce rassemblement a eu lieu à Champagney (Haute-Saône), devant la maison de la Négritude.
 Gérard Deneux est intervenu au nom des Amis de l'Emancipation Sociale, 


  
Nous sommes aujourd'hui, ici, pour que l’on ne puisse pas dire demain
que l’on ne savait pas
ce qui se passait hier et aujourd’hui, ici et ailleurs

La Maison de la Négritude de Champagney témoigne de l’irréparable,
de cette tache indélébile de la mise en esclavage.
Elle est aussi le symbole que la liberté défie toujours les pires oppressions.
Ces nègres que l’on disait marrons, se révoltaient, fuyaient la répression
pour constituer des communautés précaires de liberté.
Pourchassés, repris, enchaînés, par leurs complaintes, encore, ils résistaient.
Ce passé qui ne passe pas, plus jamais cela, disait-on,
et pourtant il revient
et sous d’autres formes, le marronnage est de retour en ces temps. 

Nous sommes aujourd’hui, ici, pour que l’on ne puisse pas dire demain
que l’on ne savait pas
ce qui se passait hier et aujourd’hui, ici et ailleurs

En ces temps de guerres, de misères, d’inégalités galopantes,
de politiques de ventes d’armes, d’accaparement de terres,
Des hommes, des femmes, des enfants sont des errants,
à la recherche d’un refuge qu’on leur refuse.
Ils sont frappés, torturés, mis en esclavage en Libye
Mais, jamais, leur énergie ne s’use
Parvenus à Calais, aujourd’hui, lorsqu’ils dorment à terre,
on les chasse à coups de gaz lacrymogènes,
leurs piètres biens conduits à la décharge.
D’autres, cloîtrés dans des hébergements où leur avenir est limité
persistent à espérer, confortés par la solidarité d’une trop étroite minorité.

Nous sommes aujourd’hui, ici, pour que l’on ne puisse pas dire demain
que l’on ne savait pas
ce qui se passait hier et aujourd’hui, ici et ailleurs

Ceux de Navenne et d’Echenoz, venus d’ailleurs,
du Tchad, du Soudan, de l’Erythrée, de Guinée et d’ailleurs,
sont comme leurs ancêtres,
des nègres marrons à la recherche d’une communauté de liberté.
Et l’on voudrait que l’on ne sache pas le pourquoi du comment.
Pourquoi ces guerres d’invasion, d’interventions en Irak, en Libye ?
Pourquoi hier Saddam Hussein, ami de la France ?
Pourquoi hier Ben Ali encensé, Kadhafi reçu en grandes pompes à l’Elysée ?
Et demain peut-être, Bachar Al Assad, le boucher, réhabilité ?
Comment l’accaparement des matières premières, des terres en Afrique
par les multinationales, les Villegrain, Bolloré… réduisent les paysans à la misère ?
Et l’on voudrait que l’on ne sache rien
des pires liaisons troubles, corruptrices, des chefs d’Etats occidentaux
avec ces tristes sires, ces dictateurs corrompus, instrumentalisés
du Tchad, du Mali et d’ailleurs.

Nous sommes aujourd’hui, ici, pour que l’on ne puisse pas dire demain
que l’on ne savait pas
ce qui se passait hier et aujourd’hui, ici et ailleurs

Ceux qui nous gouvernent voudraient que l’on reste indifférent,
Mais, peut-on l’être vis-à-vis des « dublinés »,
menacés d’être renvoyés en Italie, pour être expulsés ?
Peut-on ignorer, rester indifférent face à la circulaire Collomb/Macron ?
Cette volonté, venue d’en haut, cette volonté d’intrusion
dans les centres d’hébergement,
qui veut obliger les ONG, du Secours Catholique, d’Emmaüs, de la Cimade…
les obliger à la délation
et, ainsi, mieux expulser ceux qu’ils jugent indésirables,
les contraignant ainsi à la rue, aux squats, à l’errance

Aujourd’hui, ici, nous devons refuser le retour de l’irréparable,
Le retour des nègres marrons.
Ces étrangers, ces Africains venus d’ailleurs
pour trouver refuge, ici,
qui veulent vivre, ici
Il est de notre devoir d’être avec eux activement solidaires
face aux menaces réelles qui pèsent sur eux.



Gérard Deneux, AES, le 16 décembre 2017 à Champagney



lundi 11 décembre 2017

Dans le cadre des actions de lutte contre les discriminations organisées par le Bureau Information Jeunesse de Lure, Les Amis du Monde Diplomatique, les Amis de l’Emancipation Sociale vous invitent à la diffusion de

Le Brio
de Yvan Attal
au cinéma Méliès à LURE
vendredi 15 décembre 2017 à 20h30 (5.50€)
Comédie française avec Daniel Auteuil, Camélia Jordana, Yasin Houicha… Neïla Salah a grandi à Créteil et rêve de devenir avocate. Inscrite à la grande université parisienne d’Assas, elle se confronte dès le premier jour à Pierre Mazard, professeur connu pour ses provocations et ses dérapages. Pour se racheter une conduite, ce dernier accepte de préparer Neïla au prestigieux concours d’éloquence. A la fois cynique et exigeant, Pierre pourrait devenir le mentor dont elle a besoin… Encore faut-il qu’ils parviennent tous les deux à dépasser leurs préjugés…
Film suivi d’un débat sur le thème « Les discriminations liées à l’origine »
En présence de Jean-Françoid Gaudeaux, Institut Ethique et Diversité
Gérard Deneux, Amis de l’Emancipation Sociale
Odile Mangeot,Amis du Monde diplomatique Nord Franche-Comté





Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, les Créatures et l’AFPS Association France Palestine Solidarité 90
  vous invitent au ciné-débat
Mercredi 20 décembre 2017
à 20h30  au Bar Atteint, 25 rue de la Savoureuse à BELFORT

Palestine : la colonisation continue
Un débat suivra en présence de Guy Peterschmitt, AFPS Haut-Rhin
Suite à la projection d’images de Palestine
 sur la colonisation dans la région de Bethléem/Wadi Fukin

L’accroissement à marche forcée des constructions dans les colonies et le récent projet de l’Etat d’Israël d’annexer toujours plus de terre  autour de Jérusalem, visent à déposséder totalement les Palestiniens. La dernière provocation inacceptable de Trump, à savoir reconnaître Jérusalem capitale d’Israël et y transférer l’ambassade des Etats-Unis, procède de la même volonté, au mépris de l’ONU et de ses résolutions. Elle suscite la colère des Palestiniens et au-delà pourrait enflammer le monde arabe. Mais les Palestiniens ont-ils encore un rapport de forces suffisant pour un soulèvement généralisé ? Pour l’heure, ils ne doivent pas demeurer isolés et notre solidarité est indispensable.

               Accueil à partir de 19h. Il est possible de manger sur place à 19h15 (10€ à 12€),
réservation au Bar Atteint : 09.83.91.84.99. Le bar est ouvert toute la soirée.
Contact : aesfc@orange.fr     03.84.30.35.73   http://www.les-creatures.org/





Editorial – PES n° 39


UE fracturée, son  pilier allemand fissuré

Au-delà du bruit médiatique agitant le landernau français autour des figures de d’Ormesson et de Johny, illustrations, certes différentes, d’une génération qui s’éteint, celle de l’après-guerre et du baby-boom desdites 30 Glorieuses, le monde d’aujourd’hui craque, tout particulièrement en Europe. L’improbable consensus autour de l’Europe néolibérale austéritaire connaît, dans ses fondations, des fractures que l’on peut penser irréparables : son pilier allemand désormais se fissure.

Les élections d’octobre ont permis l’entrée inattendue de l’extrême droite au Bundestag (94 députés sur 709) et l’effondrement relatif de la grande coalition SPD/conservateurs. Le SPD avait fait le choix de s’opposer à Merkel pour tenter de reconquérir un électorat populaire désabusé. Mal lui en prit. Quant à Mutty Merkel, affaiblie, elle qui croyait encore se maintenir dans une nouvelle coalition avec les Verts et les Libéraux eurosceptiques, a depuis, déchanté. Alors, gouvernement minoritaire ou de nouveau avec le SPD en perdition ? Toutes les tractations en cours révèlent les divisions des castes régnantes, leur désarroi idéologique, leur incapacité à rétablir un nouveau consensus : la CSU bavaroise entonne les propos xénophobes de l’AFD, les Verts, effondrés, sont effarés par le choix du charbon d’abord et Schulz se renierait (prêt à se rallier ?), tout en entonnant le chant fédéraliste macronien. Rien ne va plus ! Le score belge d’un pays sans gouvernement sera-t-il battu ? De nouvelles élections, au risque d’une possible aggravation de la crise politique avec la montée des extrêmes libéraux et des xénophobes ?

Cette fin de l’ère Merkel exprime, dans la confusion idéologique, le rejet des politiques d’austérité, de paupérisation, de déshérence des services publics sur fond de montée de xénophobie. Mais il y a peut-être pire, la possible absorption des banques allemandes (Commerz Bank et Deutsche Bank), ces 2 éclopées de la crise de 2007-2008. Quant à la BCE, désolée, face à l’impuissance de sa politique de stimulation par le crédit, sans effet sur l’économie réelle, elle s’inquiète. L’abondance du capital fictif (les fameuses « liquidités ») pourrait bien provoquer une nouvelle crise financière.

Faute de leadership, l’UE est aux abois, enferrée qu’elle est dans le Brexit, la fragilité du gouvernement anglais confronté aux velléités de l’Ecosse, voire de la City de Londres, de rester dans le marché européen. Et c’est sans compter avec les rebondissements en Catalogne, en Autriche où le nouveau chancelier s’apprête à gouverner avec l’extrême-droite raciste.

A l’Est, que ce soit avec la Hongrie nationaliste et anti-immigrés, la Pologne réactionnaire et liberticide… les contradictions s’accumulent. Et comme si de rien n’était,  l’Euro-groupe, cette caste des ministres des finances, s’apprête à désigner son nouveau président. Lui qui a étranglé la Grèce dans la plus grande opacité, lui qui n’a de comptes à rendre à personne, lui qui prône avec la Commission la poursuite de la fuite en avant (accords de libre-échange tous azimuts, Canada, Mercosur, Vietnam…) et les coupes sombres dans le budget étriqué de l’UE : 10 à 20% de moins pour le fonds de cohésion et pour la Politique Agricole Commune.

Bref, la maison européenne, tant vantée, est mal en point. Et ce n’est pas l’énergumène Trump, le durcissement possible des conflits en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique qui vont la consolider. Pour le malheur des peuples, inconscients ou sidérés, les politiques guerrières semblent avoir de l’avenir.


GD le 6.12.2017 
Manifestation de soutien aux exilés, à Vesoul, le 29 novembre 2017
Organisée par le Collectif d’Aide et de Soutien aux Migrants 70

Intervention de Gérard Deneux,
au nom des Amis de l’Emancipation Sociale


Ceux qui sont venus d’ailleurs, ceux qui sont parmi nous,
Portent en eux la réalité du monde d’aujourd’hui qu’il nous faut changer.
A travers les épreuves qu’ils ont subies, ils nous obligent
A ouvrir les yeux sur la montée du racisme et de la haine.
Cette haine pourrit les rapports sociaux, désigne des boucs émissaires
C’est une véritable gangrène dont il faut se débarrasser
avant qu’elle ne nous contamine.

Et les autorités de nous dire qu’il n’y a pas de preuves de leurs épreuves
Sont-elles ignares, au point de ne pas entendre ces cris de souffrance ?
En Libye : rapts, tortures, extorsions d’argent, travail forcé,
exécutions sommaires pratiquées par des milices maffieuses,
en connivence avec le gouvernement de Tripoli…
L’argent de l’Union européenne, détourné au profit de ces tortionnaires

Sont-elles à ce point, ignares, les autorités, pour ne pas avoir lu
les rapports des ONG dénonçant les cargos de viagra arrivant à Tripoli,
pour souiller, détruire et répandre la honte et la terreur ?

La rage nous prend de constater la résurgence de la vente aux enchères d’esclaves !

Sont-elles, ces autorités, à ce point ignares ou cyniques
pour exiger des victimes des preuves de leurs épreuves ?

Il nous faut ouvrir les yeux sur les politiques attisant le racisme et la haine.

Qui peut, aujourd’hui, ignorer le trafic de chair humaine,
la vente d’organes pour survivre, dans l’espoir de passer les frontières ?
Qui peut ignorer la Méditerranée devenue un grand cimetière marin ?
Et que, face à cette honte universelle, les autorités pratiquent
la sous-traitance des migrations auprès des dictateurs sanguinaires ?

Cette barbarie qui se répand comme une gangrène
C’est celle qui considère l’homme comme une marchandise
C’est celle qui rejette l’étranger, jusqu’aux délires des autorités
polonaises et hongroises notamment, de maintenir leur pays ethniquement pur
Comme un moyen politique
de briser les trop faibles chaînes de solidarité entre les peuples.

Et que dire du nettoyage ethnique de masse des Rohingya, en Birmanie,
pays dirigé par une junte militaire et une prix nobel de la paix ?
Assassinés, brûlés, violés, chassés,
les survivants parqués dans la boue, avec  comme horizon leur propre détresse.

Et que l’on ne vienne pas nous dire que dans les pays dits civilisés
ce serait vraiment différent                                                                              …/…

L’Australie est-elle un pays hautement civilisé ?
Celle qui pour quelques dollars à la Papouasie et à l’Etat du Nairu,
parque dans des camps grillagés, sur des îles perdues au milieu du Pacifique,
Ces hommes, femmes, enfants, Afghans, Iraniens, Sri-Lankais,
enfermés comme des bêtes sauvages
Sans autre horizon que le désespoir, la dépression ou le suicide.

Et la France, l’Allemagne, qui,
malgré les preuves avancées par Amnesty international des tortures et des morts,
expulsent les Afghans notamment, les livrant à un régime corrompu et aux talibans

En France,
Qui a donné l’ordre, à ces brigades militaires et policières, de refouler,
de rejeter en Italie, les exilés de la guerre et de la misère ?
Pourquoi toute cette armada dans le Briançonnais, dans la vallée de la Roya,
sur les cols, dans les gares ?
Les autorités, disent les ONG, sont prises en flagrant délit d’inhumanité !
Elles violent ouvertement le droit de circulation au sein de l’UE

En France,
Qui a donné l’ordre de pourchasser ceux qui sont encore à Calais ?
Qu’en est-il de la promesse de Cazeneuve de mise en place
d’un dispositif pérenne d’accueil des migrants ?
Qui a donné l’ordre de les disperser, en les aspergeant de gaz lacrymogènes
comme des insectes nuisibles ?

Avec ceux qui sont parmi nous, pour ceux qui sont venus d’ailleurs
Nous voulons contribuer à changer le monde d’aujourd’hui
C’est pourquoi, avec eux, nous devons exiger
la fermeture des centres de rétention et  la fin des expulsions
Nous devons exiger l’arrêt du renvoi des dublinés, des déboutés du droit d’asile
Nous devons exiger, pour eux, la mise en place
d’une véritable politique d’intégration avec des cours de français et le droit au travail

Avec ceux d’Echenoz-la-Méline et de Navenne
Nous avons tissé une chaîne de solidarité
que nous devons renforcer, étendre pour toujours proclamer

Halte au racisme et à la haine
Migrants. Français. Solidarité




Catalogne : la répression !

Résumé de l’épisode précédent. La Catalogne est une région à fort potentiel mais en crise : la plus riche d’Espagne car la  plus peuplée mais ramenée au nombre d’habitants, elle est beaucoup moins prospère que le pays basque et pas plus que la Navarre et la région de Madrid. Culturellement, elle est radicalement différente du reste de l’Espagne de par sa langue et de par l’état d’esprit des Catalans. Un exemple parmi tant d’autres : le 18 février 2015, 160 000 personnes ont manifesté à Barcelone pour l’accueil de migrants rappelant à l’Espagne son engagement à en accueillir 16 000. Seulement 1 000 ont été accueillis. Cette manifestation, comme toutes les autres à Barcelone, se déroula sans aucun incident et pacifiquement.  Historiquement, la Catalogne a été indépendante durant 7 siècles, jusqu’en 1714, puis a subi l’oppression de l’Espagne avec une intensité variable. Le désir d’indépendance très prégnant chez les Catalans resurgit régulièrement. Ce fut le cas en 2010  face au refus du gouvernement espagnol de Mariano Rajoy d’accorder à la Catalogne le même statut d’autonomie que celui du Pays Basque. En 2015 fut élu un Parlement catalan à majorité indépendantiste qui s’engagea à organiser un référendum d’auto-détermination en 2017. Celui-ci, jugé illégal par le gouvernement central, se déroula le 1° octobre 2017. Ce fut le 1° jour d’un mois d’octobre qui marquera l’histoire catalane.

Octobre 2017 : des prisonniers politiques au cœur de l’Europe

Chronologie :
1° octobre : le référendum en chiffres : 2,2millions de votants, soit 42% des inscrits. 90% de OUI, 800 000 personnes empêchées de voter ou dont les bulletins de vote ont été confisqués. Gérard Onesta, observateur français délégué par le Parlement Européen, déclare « …à Barcelone, j’ai vu une violence insupportable et disproportionnée ». En effet la garde civile ne s’est pas contentée d’empêcher les gens de voter mais s’est livrée à des actes d’une très grande violence ce qui a fait dire aux Catalans français venus observer le vote  que « la garde civile y était allée Franco ! »
2 octobre : d’après les engagements pris en septembre 2015 par Carles Puigdemont, l’Indépendance aurait dû être déclarée ce jour-là mais espérant un dialogue avec Madrid et un soutien international, il ne le fit pas.
3 octobre : discours du Roi Felipe VI, qui soutient totalement le gouvernement central, ne dit pas un seul mot concernant les violences policières.
7 octobre : manifestation de Podemos et du Parti d’Ana Colau. Ils sont pour l’Indépendance et réclament un référendum légal. Ils s’opposent à une Déclaration d’Indépendance unilatérale.
8 octobre : manifestation des anti-indépendantistes
10 octobre : Carles Puigdemont, face à l’absence de soutien international et au refus de Madrid d’engager un dialogue, proclame l’Indépendance (sans vote du Parlement) et la suspend immédiatement dans une ultime tentative de dialogue.
11 octobre : ultimatum de Madrid qui donne au gouvernement catalan jusqu’au 19 pour clarifier sa position. En cas d’un vote par le parlement catalan, Madrid annonce qu’il mettra la région sous tutelle (article 155 de la Constitution).
16 octobre : Jordi Sanchez, Président de l’Assemblée Nationale Catalane, et Jordi Cuixar, Président de l’Omnium Cultural, sont placés en détention provisoire pour avoir perturbé les forces de l’ordre.
21 octobre : Madrid applique l’article 155 : limogeage du gouvernement catalan, encadrement du Parlement, de la police catalane (Les Mossos), de la radio et de la télévision catalanes et propose des élections anticipées.
26 octobre : Carles Puigdemont refuse cette proposition par manque de garanties.
27 octobre : face au refus de dialogue de la part de Madrid, à l’absence du soutien international, poussé par les indépendantistes « les plus virulents » (la CUP), le Parlement vote officiellement l’Indépendance de la Catalogne. Carles Puigdemont l’annonce à 18h et à 18h05 il est destitué par Madrid ainsi que le Gouvernement et le chef de la Police. Quant au Parlement catalan il est dissous. Madrid annonce les élections anticipées en Catalogne le 21 décembre.
28 octobre : Soraya Saenz de Santa Maria, bras droit de Rajoy, remplace C Puigdemont à la tête de la Catalogne, 150 hauts fonctionnaires catalans sont démis de leurs fonctions.
30 octobre : une plainte est déposée contre les membres de l’exécutif catalan pour rébellion, sédition, malversations (15 à 30 ans de prison). Les partis indépendantistes (sauf la Cup) annoncent qu’ils participeront aux élections du 21 décembre.
31 octobre : C. Puigdemont et 4 de ses ministres arrivent à Bruxelles.
2 novembre : 8 membres du gouvernement catalan sont placés en détention provisoire. Un mandat d’arrêt est lancé contre C. Puigdemont et 4 de ses ministres. Ils risquent 25 années de prison pour rébellion, 15 années pour sédition et 8 années pour détournement de fonds publics (organisation du référendum). A noter qu’en Espagne les peines sont cumulables.
5 novembre : C. Puigdemont et 4 de ses ministres se rendent à la police belge. Actuellement, ils sont en attente d’une décision concernant leur extradition. Si celle-ci devait intervenir, ce ne sera pas rapidement. Ils mèneront leur campagne électorale depuis la Belgique. Concernant leur présence en Belgique, les anti-indépendantistes la présentent comme une fuite et une trahison. Leurs partisans, en revanche, comprennent cette décision et considèrent qu’ils seront plus utiles à Bruxelles que dans une prison madrilène.

Le gouvernement espagnol : dirigé par Mariano Rajoy du Parti Populaire (PP) gouverne sans majorité absolue grâce au soutien de Ciudadanos et la complicité du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol). Le PP est impliqué  dans de multiples affaires de corruption, détournement de fonds publics, enrichissement personnel, financements illégaux. Plus de 30 responsables de ce parti sont sous l’effet d’une enquête de la justice espagnole (affaire GÜRTEL, PUNICA, AGUIRRE…). La CNMC (Commission Nationale des Marchés de la Concurrence) et la CNMV (Commission Nationale des Marchés des Valeurs), organisations de contrôle espagnol, estiment le coût de la corruption à 90 milliards d’euros, dont 45 milliards pour surfacturation des marchés publics. Pour comparaison, le budget de la Catalogne est de 29 milliards. A ce niveau on peut parler de système organisé et non de fautes personnelles de quelques membres. En Espagne, la fraude fiscale est « un sport national ». De nombreux artistes, sportifs, politiciens…. et même la sœur du roi ont été condamnés. A noter que les condamnations sont plutôt légères et permettent aux concernés d’échapper à la prison. Pour dénoncer ce système, Podemos a organisé un circuit touristique à Madrid et dans quelques autres grandes villes, dans un « bus anti-corruption »  (décoré de grandes photos des corrompus) qui sillonne les rues et fait des haltes dans des sites impliqués (banques, entreprises, partis politiques …).  (encart 0)

Bilan de ce mois d’octobre de folie :
après avoir refusé tout dialogue, Rajoy jette les opposants en prison

Les Catalans pro ou anti-indépendance ont tous été choqués et surpris par la violence de la répression du 1° octobre. Ils pensaient que la Guardia Civil allait seulement bloquer préventivement l’entrée des bureaux de vote mais celle-ci est intervenue pendant le scrutin pour saisir les urnes sachant que fatalement cela allait engendrer de la violence.
Les indépendantistes ont été surpris et très déçus de l’absence totale de soutien international. Ils pensaient que leurs luttes pacifiques, pour pouvoir choisir leur avenir, face à un gouvernement central intransigeant, corrompu et brutal, leur attireraient le soutien des démocraties et en particulier celui de la France. Mais TOUTES ont soutenu sans la moindre nuance le gouvernement quasi mafieux.

Les Catalans ont également été très choqués par l’emprisonnement de  responsables politiques, mais surtout par celui des responsables associatifs Jordi Sanchez et Jordi Cuixar (cf encart 1)

Surprise également face à la pression mise par les milieux économiques et par les médias espagnols et catalans (sous tutelle) annonçant chaque jour le départ de banques, d’entreprises, l’absence imminente d’argent liquide… Je tiens à rassurer les personnes inquiètes : à Barcelone aujourd’hui les rues ne sont pas désertes, on peut trouver de la nourriture et dans les campagnes les gens ne mangent pas de racines ! L’ambiance dans les milieux indépendantistes est même très sereine car les gens ont le sentiment du devoir accompli, d’avoir fait ce que leur dictait leur conscience.

Les milieux indépendantistes saluent l’attitude des Catalans français qui les ont soutenus moralement et matériellement, beaucoup de matériel électoral a été placé en sécurité en France.

Perspectives

La mobilisation des indépendantistes reste intacte. Elle se concentre surtout sur la libération des prisonniers politiques. Le prochain objectif suivra les élections anticipées du 21 décembre 2017. La situation de départ est la même qu’en 2015 : mêmes partis, mêmes personnes. Mais alors que la majorité indépendantiste de 2015 connaissait une baisse régulière par les sondages au cours de leur mandat, les évènements du mois d’octobre ont remobilisé les troupes et ont ramené beaucoup d’indécis dans le camp indépendantiste : dans la jeunesse, première victime des violences et chez les anciens qui ont connu le franquisme et qui ont été très très choqués de revoir des gardes civils brutaliser les Catalans. Le dernier sondage fiable donne les partis indépendantistes à 48% avec une majorité de sièges au Parlement, exactement le même résultat qu’en 2015. Pour rappel, Madrid a annoncé que si les Indépendantistes l’emportaient, la tutelle sur la Catalogne serait maintenue, bafouant la démocratie des urnes. (encart 2)

La situation me semble bien résumée dans les paroles de 2 personnes. D’abord Juan Josep Nuet, gauche unie et alternative anti-indépendantiste : « Face à  la répression féroce du gouvernement espagnol, pas question de ne pas être solidaires de la majorité indépendantiste. On ne combat pas les idées indépendantistes en les mettant en détention, il faut faire de la politique ». Puis Carme Forcadell, ex-présidente du gouvernement catalan, écrouée le 9 novembre, libérée le 10, après paiement d’une caution de 150 000 euros : « J’ai la conscience tranquille d’avoir agi correctement, d’avoir garanti la liberté d’expression du Parlement. L’estime et la solidarité de nos soutiens nous rendent plus forts plus libres et plus dignes».

Jean-Louis Lamboley, le 4 décembre 2017
Dans le prochain n° nous analyserons les résultats des élections du 21 décembre.


Encart 0
Petite idée de l’Humanisme et du respect de la démocratie qui règne au sein du parti populaire
Début octobre, Pablo Casado vice-secrétaire chargé de la communication au sein du Parti Populaire a promis à C. Puigdemont le même sort qu’à Lluis Companys. Pour rappel, ce dernier a été Président de la Catalogne de 1934 à 1940. En 1939, il se réfugia en France et fut capturé par les Allemands, livré à Franco et fusillé le 15 octobre 1940 !!!
Concernant le respect de la démocratie, le Parti Populaire a d’ores et déjà annoncé que, si les partis indépendantistes l’emportaient le 21 décembre, Madrid maintiendrait sa tutelle sur la Catalogne. En outre, Madrid étudie très sérieusement  le moyen d’interdire la CUP, parti d’extrême-gauche.

Encart 1
 Jordi Sanchez : Président de l’Assemblea National Catalana, organisation qui a pour but l’indépendance de la Catalogne sous forme d’un Etat de droit démocratique et social. L’ANC compte environ 80 0000 membres organisés par région et par secteur professionnel. Ce sont eux qui organisent les manifestations de la fête catalane, par exemple en 2013, une chaîne humaine de 400 kms reliant le Nord et le Sud de la Catalogne, réunissant 1,6 million de personnes. Ils ont également organisé le référendum du 1° octobre. Son fonctionnement est extrêmement décentralisé, de nombreuses assemblées à l’échelle d’un groupe de villages participent à la réflexion et à l’action pour atteindre l’indépendance.

Jordi Cuixart : Président de l’Omnium Cultural, association qui œuvre pour la promotion de la langue et de la culture catalane. Elle compte environ 40 000 membres répartis sur tout le territoire de la Catalogne.

Encart 2
Les Catalans
La Catalogne n’étant pas encore un Etat, est catalan toute personne domiciliée, familialement, depuis 20 siècles ou depuis une semaine. Les personnes dont les familles sont installées de longue date et qui ont toujours parlé catalan fournissent  la majorité des forces indépendantistes et résident surtout dans les zones rurales du Nord de La Catalogne. Les fiefs étant Gérone et Figueras.

Les néo-Catalans arrivés plus ou moins récemment dans les régions industrielles du Sud (Barcelone….) eux sont beaucoup moins favorables à l’indépendance. Ce qui explique que, malgré une culture catalane et une identité catalane très forte, le mouvement favorable à l’indépendance ne recueille que presque la moitié des suffrages aux élections.
Sus au logement social !

Suite à l’annonce de la baisse, pour les locataires, de 5€ par mois de l’Aide Personnalisée au Logement (APL), Macron a aussitôt décrété, pour prévenir la colère des 6,5 millions de ménages qui la perçoivent, l’obligation pour les bailleurs sociaux de baisser leurs loyers de 60€/mois. Face à la fronde de ces derniers, il a concédé à étaler cette mesure sur 3 ans. Que révèle ces décisions ? Le début de la fin de la politique du logement social ? Une première mesure anti-pauvres qui en annonce d’autres ? Un moyen pour faire d’une pierre deux coups : « soulager » les dépenses sociales du budget de l’Etat et « privatiser » le logement social ?

Le « mieux loger social » n’est plus

Au sortir de la 2ème guerre mondiale, la France se trouve face à une pénurie de logements, dénoncée notamment par l’abbé Pierre et son appel en faveur des « couche-dehors » de l’hiver 1954. L’Etat décide, alors, d’engager une politique publique de construction de logements sociaux, par un interventionnisme keynésien fort, au moyen des aides à la pierre versées aux constructeurs. Dans le même temps, en 1950, le mouvement HLM (Habitation à loyer modéré) remplace la Société Française des HBM (Habitation Bon Marché) créée par le patronat en 1889 dans les cités ouvrières (notamment à Mulhouse, le Creusot, Roubaix). La politique de logement social s’adresse aux familles modestes qui accèdent à des logements confortables dans les grands ensembles à la périphérie des villes. Au rythme de plus de 550 000 par an, ce sont en 20 ans (jusqu’au début des années 1970) plusieurs millions de logements qui sont construits. On est passé de 12 millions de logements en 1946 à 21 millions en 1975.

Outre les financements de l’Etat et des collectivités territoriales, la Caisse des Dépôts et Consignations a  une place centrale dans le financement au moyen de prêts préférentiels aux promoteurs publics et privés s’abreuvant aux livrets d’épargne populaire et notamment le livret A (cf encart 0). Rien qu’en 2016, La Caisse des Dépôts a prêté 14 milliards d’euros aux bailleurs sociaux, ce qui a permis de construire 109 000 logements et d’en réhabiliter 311 000, soit en moyenne 1 logement sur 3 construit. Quand l‘Etat ne donne plus priorité à l’épargne populaire en la rémunérant moins (baisse du taux du livret A), c’est autant de moyens qu’il retire au financement potentiel du logement social.

Autre source de financement du logement social : le 1% logement. En 1953, l’Etat interventionniste oblige les employeurs (d’au moins 10 salariés) à participer à l’effort de construction sur la base de 1% de leur masse salariale, en investissement direct ou en cotisations versées aux comités interprofessionnels du logement (CIL). Ces cotisations permettent l’investissement pour la réservation de logements ou le financement de prêts. Depuis 1998, les gouvernements successifs ont pioché allègrement dans cette importante ressource (pour donner un ordre de grandeur : en 2016, cela a représenté  3.4 milliards d’euros).

A partir du milieu des années 70, l’Etat, considérant que les retards quantitatifs en logements ont été rattrapés, opère un basculement politique visant à favoriser l’investissement privé et multipliant les prêts à bas taux et autres mesures fiscales. Il met en place un système d’intervention de l’Etat plus libéral :
-        les politiques de logement favorisent l’aide à la personne (création de l’Aide Personnalisée au Logement APL en 1977 – R. Barre)
-        en 2005, le 1% logement devient le 0.45% logement, le seuil d’assujettissement des employeurs passe de 10 à 20 salariés. L’Etat décide de reprendre en main la gestion de ce fonds qui se nomme désormais Action Logement.
-        L’aide à la pierre devient marginale et depuis la fin des années 90 se décline principalement en aides fiscales pour inciter les investisseurs privés, via l’Agence nationale pour l’habitat, le prêt à taux zéro et des dispositifs de défiscalisation (Robien 2003, Scellier 2008, Duflot 2014, Pinel 2015) qui sont autant de « manques à gagner » dans le budget national.

Ce faisant, l’Etat diminue d’autant les moyens de la politique publique de logement social et donne priorité à l’accession à la propriété et à la construction d’habitat pavillonnaire. Les grands ensembles, devenus « quartiers défavorisés » ou « quartiers sensibles » font l’objet de rénovation (inachevée), dans le cadre des politiques de la ville dont les crédits d’Etat sont, aujourd’hui, exsangues.

L’Etat ne pourrait plus financer le logement social, affirment les gouvernements successifs, alors qu’au budget, cela représente environ 50 millions par an, soit 2% du PIB ! Macron, pour ne pas démentir les promesses qu’il a  faites, à savoir, augmenter les crédits liés au logement social, va plonger dans la tirelire d’Action Logement, sans débourser un sou de l’Etat. Un accord a été conclu le 21 novembre dernier, entre le président d’Action Logement et le ministre Mezard : jusqu’en 2023, Action Logement versera 3 milliards d’euros par an pour la politique de l’Etat. Un record en montant et une première : ces fonds seront utilisés pour aider le parc privé ! A partir de 2018, 100 millions iront chaque année aux bailleurs privés pour rénover leurs logements mal isolés ! Action Logement alimentera à hauteur de 50 millions par an le FNAP, fonds national des aides à la pierre, pour construire des logements très sociaux et financera 40 000 logements pour les jeunes. Enfin, pour doubler les crédits de la politique de la Ville, Action Logement apportera outre les 5 milliards d’euros déjà promis, 2 milliards de plus sur le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) jusqu’en 2031.

Le tournant libéral, en matière de politique du logement social, se produit au moment où la croissance économique est de 2.9% par an ; les gouvernants, tous convertis en « évangélistes du marché », sont convaincus que la hausse continue du pouvoir d’achat des ménages permettra que l’APL ne soit plus nécessaire, sinon aux familles les plus pauvres. Mais, cette espérance dans la croissance continue s’écroule et les « éligibles » à l’APL ne cessent de croître. La Cour des Comptes note qu’entre 1980 et 1993, les aides à la pierre ont baissé d’un tiers alors que les aides à la personne ont été multipliées par 3,6. En 2017, plus de 6,5 millions de ménages touchent l’APL pour un montant mensuel moyen de 300 euros. 

Macron, « digne » héritier des croyants en Dieu Croissance, sonne alors le temps des mesures antisociales.    

 En marche, à reculons !

Faire baisser les dépenses publiques de l’Etat, tel est l’objectif de la Loi de Finances pour 2018. Son article 52 stipule la baisse de l’APL de 5€/mois et l’obligation faite aux bailleurs sociaux de baisser leurs loyers de 60€/mois.
5€/mois d’APL en moins, c’est 400 millions € d’économie sur 18 à 20  milliards, coût global des APL.
400 millions d’euros pour 6.5 millions de locataires = le montant de la ristourne accordée aux 1 000 plus gros contributeurs de l’ISF ! (1)

Cette première mesure anti pauvres de baisse de l’APL satisfait tous les libéraux, des ultra-libéraux aux socio-libéraux, ceux qui dénoncent le caractère inflationniste de l’APL. Selon eux, l’APL est cause de l’augmentation des loyers et ils font porter la responsabilité sur les seuls locataires. Cette affirmation antisociale doit être combattue. En effet, si les loyers augmentent c’est parce qu’il n’y a pas assez d’offres (et des propriétaires peu scrupuleux ont vu dans l’APL, une aubaine), les chiffres relatant le mal-logement sont, d’ailleurs, éloquents (cf encart 1). Et si l’APL augmente c’est que les revenus des ménages n’ont pas augmenté.

Alors, pour éviter la levée de boucliers des ménages percevant l’APL, Macron compense avec l’argent des autres, celui des bailleurs sociaux, ceux qui sont soumis à l’encadrement des loyers : ils devront baisser de 60€ par mois leurs loyers. Cela représente environ 1.7 milliard d’euros.

Cette politique du « je prends à l’un pour donner à l’autre » semble non seulement inutile mais dangereuse. Elle ouvre la porte au démembrement de cette aide sociale permettant d’exercer un droit fondamental, le droit au logement. C’est un pas de plus en marche arrière effaçant l’Etat social chargé de répondre aux besoins en logements sociaux par l’intermédiaire des bailleurs sociaux, constructeurs et gestionnaires publics et privés (sans but lucratif). Leur disparition se profilerait-elle ? En tout cas, plus de 200 organismes ont déjà déclaré qu’ils ne pourraient survivre financièrement. En touchant à leurs recettes, on réduit leurs possibilités d’emprunt, donc d’investissement, ont-ils dénoncé. A quoi le gouvernement répond : vendez votre patrimoine ou fusionnez, estimant que 750 organismes c’est trop ! 2 ou 3 grands groupes, ce serait suffisant ! D’ailleurs, tout est déjà prévu dans l’accord du 21 novembre avec Action Logement : ce dernier va créer une filiale pour acheter des immeubles aux bailleurs sociaux et les revendre aux locataires, soit 40 000 logements contre à peine 8 000 actuellement, pour dégager des fonds et en construire de nouveaux… 2 ou 3 grands groupes pour récupérer un énorme patrimoine et ensuite ? « Ouvrir le capital », c’est-à-dire privatiser le logement social ?

Une autre objection a été avancée : cette incitation à vendre les logements contredit la loi SRU (relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain) de janvier 2013 ; celle-ci a imposé un quota de 25% de logements sociaux aux communes de plus de 1 500 habitants en Ile-de-France et de plus de 3 500 habitants pour les autres communes (situées dans une agglomération de plus de 50 000 h. comprenant au moins 1 commune de 15 000 h.) La parade est prévue, Macron annonce que la loi SRU sera modifiée pour permettre que, dans les 10 ans à venir, ces appartements vendus soient toujours comptabilisés dans le parc social. Ce qui est certain, c’est que les 233 communes en infraction avec la loi (sur 1 152 assujetties à la loi SRU) n’ont guère de souci à se faire puisque le gouvernement envisage de l’assouplir ; sans doute est-ce la raison pour laquelle « les préfets n’ont pas eu, cette année, la main lourde pour appliquer les pénalités prévues (152€/logement non construit) et encore moins pour utiliser la possibilité de multiplier par 5 le montant des amendes aux villes faisant preuve de mauvaise volonté en matière de logements sociaux».  C’est clair, le logement social n’est pas la priorité de Macron. 

Les conséquences de cette politique sont lourdes en matière d’égalité et de cohésion sociale. En effet, les organismes qui vendront, pour en tirer un bon prix, soit cèderont leurs meilleurs logements, aboutissant à la gentrification des derniers quartiers mixtes de centre-ville, les personnes plus aisées s’appropriant un espace occupé préalablement par des usagers moins favorisés. Soit ils se débarrasseront des moins bons à prix cassé, générant des propriétés dégradées ! Resteront aux pauvres, les pauvres logements qui ne pourront être rénovés, faute de moyens des organismes gestionnaires qui ont déjà prévenu : ils ne pourront plus réaliser les travaux d’entretien, encore moins les travaux de réhabilitation thermique. Au diable les objectifs de la COP 21 !

Signalons, aussi, que sont soumis à la baisse obligatoire des loyers les bailleurs sociaux publics et privés (gestionnaires à but non lucratif), ceux dont les loyers sont encadrés, mais pas les bailleurs privés même s’ils louent à des familles bénéficiaires de l’APL !  Inutile de vous dire que Macron n’a prévu aucune mesure pour geler les loyers privés !

Accélérateur d’inégalités, l’antisocial Macron pénalise en même temps les organismes sociaux qui logent les plus pauvres. Par souci d’équilibre financier, ceux-ci seront tentés de « trier » leurs locataires, ce qui va défavoriser les plus modestes car, avec cette mesure, plus les locataires touchant l’APL seront nombreux, plus le bailleur social perdra de l’argent.

L’Union Sociale de l’Habitat (encart 2) s’est mise en colère. Pour la calmer, Macron a avancé, le 3 novembre, quelques mesures : étalement du la baisse des loyers sur 3 ans,  accords avec la Caisse des Dépôts pour alléger la dette des organismes HLM en allongeant la durée des prêts et en stabilisant le taux du livret A. Mesures incertaines et à terme non assurées et non immédiates. A l’inverse, il a annoncé un taux de TVA de 10% au lieu de 5.5% (taux de TVA réduit depuis le 1/1/2014), mesure de compensation du renchérissement de la construction lié à l’augmentation de TVA.

Seuls survivront ceux qui sont forts et qui s’uniront, tant pis pour des organismes constructeurs et gestionnaires répartis par territoire, mettant en œuvre des politiques locales de logements concertées, en fonction des besoins. Avec Macron : mort aux pauvres !

Que faire ?

Informer sur la mise en péril du logement social : cet article 52 n’est pas une mesure d’ordre technique ou comptable, elle est hautement politique. Il s’agit bien d’une attaque idéologique contre le logement social. Dans l’immédiat, Le Collectif Vive l’APL, représentant 70 organisations, a exigé le retrait de l’article 52 de la Loi de Finances. Il organise une manifestation le 9 décembre prochain et appelle à  taxer les riches, pas les locataires et à augmenter le pouvoir d’achat.

Les mouvements politiques et sociaux, militant pour une transformation sociale radicale, ont à défendre et à promouvoir une politique de logement répondant aux besoins, en écho à la fondation Abbé Pierre qui avance le projet « d’une sécurité sociale du logement » impliquant fortement les pouvoirs publics. Cela passe notamment par la construction de 150 000 logements « vraiment » sociaux par an en respectant les règles d’attributions prioritaires ; les personnes les plus mal logées, privées de domicile personnel, obligées de recourir aux différentes solutions d’urgence doivent pouvoir en bénéficier. Le deuxième axe est la régulation des marchés de l’immobilier à l’achat comme à la location, avec encadrement des loyers (il faut signaler qu’en France, le marché immobilier est le plus élevé des pays occidentaux). Il s’agit enfin de construire des logements confortables, à régulation thermique, évitant les gouffres financiers en énergie pour les familles y habitant.

Dans l’immédiat, la mesure urgente serait la décision de réquisition des logements vacants pour loger les sans-abri, qu’ils soient français ou étrangers. Utopie ? Non ! Volonté politique. Réponse sociale à besoins humains urgents.

Le président du Samusocial de Paris alertait, le 19 octobre dernier : chaque nuit à Paris, 500 enfants dorment dans la rue, trouvent refuge dans les services d’urgences d’hôpitaux ou, pour les plus chanceux, chez des tiers. Que les familles soient françaises ou migrantes, l’exigence est la même : les familles doivent pouvoir vivre dignement. 5 enfants naissent chaque jour dans une famille hébergée par le Samu social de Paris et 12 000 enfants vivent reclus avec leurs parents dans une chambre d’hôtel. Notre devoir est d’agir pour leur construire un avenir ». 

Odile Mangeot, le 4 décembre 2017  

(1)   Politis du 26.10.2017 
Autres sources :
Le Monde Diplomatique novembre 2017,  Une torpille contre l’habitat social 
L’état du mal-logement en France - Rapport 2017 – Fondation Abbé Pierre



Encart 0
La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
(institution financière publique, créée en 1816)

Le modèle de transformation de l’épargne du grand public vers des besoins d’intérêt général est très réglementé et « centralisé » : les banques ont obligation de remonter, en moyenne, 59% des sommes déposées sur ces livrets (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire) à la Caisse des Dépôts. Elles peuvent conserver le solde ou choisir de le transférer également. Fin 2016, l’encours de l’épargne réglementée était de 406 milliards €. La CDC en a centralisé 237 milliards. Sur ce montant, 156 milliards ont été investis dans la politique de la Ville et le logement social.


Encart 1
Le mal logement
Selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, en France, la politique publique de logement ne répond pas à la demande :
-        4 millions de mal logés
-        2 millions en attente d’un logement social
-        12 millions de fragilisés par les difficultés liées à l’habitat
-        571 bidonvilles où les gens passent en moyenne 7 ans avant d’avoir un toit !
-        16 000 personnes dont 36% de mineurs sont à la rue
 Le taux d’effort des ménages pour leur logement :
-        30% dans le parc privé
-        24% dans les logements sociaux.


Encart 2
Bailleurs sociaux. Qui sont-ils ?

En France, on compte 755 organismes HLM, répartis en trois grandes familles :
-        275 offices publics de l’habitat
-        278 entreprises sociales pour l’habitat, de droit privé mais à but non lucratif
-        168 coopératives spécialisées dans l’accession sociale et l’accompagnement des acquéreurs.

Rassemblés dans  l’USH – Union Sociale de l’Habitat – ils représentent :
-        4.3 millions de logements sociaux
-        11 millions de locataires
-        Environ 20 milliards collectés en loyers par an

Macron l’a dit. Collomb le fait


« Eloignements », « transferts », « rétentions » des étrangers : c’est la politique migratoire de l’Etat. Collomb, ministre de l’Intérieur, dans sa circulaire du 20 novembre, exige du résultat. Garde-à-vous ! Préfets et préfètes sont chaque mardi en visioconférences avec son cabinet - ça encourage ! Peu importe s’ils renvoient ces déboutés, sans-papiers, « dublinés » (pour ces derniers, avant même d’avoir pu demander l’asile !) dans un camp de rétention, en prison ou à la mort dans leur pays ! Préfets et fonctionnaires de tous poils obéissent, assignent à résidence, privent de liberté, expulsent… Triste époque qui nous en rappelle une autre… La résistance s’organise. Des collectifs naissent partout en France et, petite lueur d’espoir, un « Collectif article 15 », des élèves des dernières promotions de l’ENA, a publié une lettre au ministre et aux préfets les interpelant sur les « atteintes à l’Etat de droit ou les traitements inhumains et dégradants » dont sont victimes les migrants. Ils posent la question : « Quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre afin d’y mettre fin et de nous rendre la dignité attachée à l’exercice de nos fonctions ? ». Ne restons pas silencieux ! Réagissons ! (voir la rubrique Ils, elles luttent et la dernière page).