Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 24 octobre 2016

Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté,
Cinéma et rien d’autre de Montbéliard
vous invitent à la projection du film

On revient de loin
Opération Corréa, épisode 2
de Pierre Carles et Nina Faure

 Film suivi d’un débat en présence de la co-réalisatrice
Nina FAURE

Mardi 8 novembre 2016 à 20h15
au cinéma le Colisée à MONTBELIARD (tarifs habituels)

Depuis son arrivée au pouvoir en Equateur, Raphaël Corréa a mené une politique de redistribution des richesses, de lutte contre la pauvreté et les inégalités, à l’opposé de ce qu’attendent les institutions internationales et les multinationales. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pierre Carles et Nina Faure ont décidé d’aller sur place pour enquêter sur les réalités de ce « nouvel Eldorado ». Face à la presse et à la bourgeoisie qui se déchaînent contre ce pouvoir, entraînant derrière elles une partie des classes moyennes, Corréa réussit-il à mener une politique économique redistributive souveraine ?                                                                                                                               

 et le                               
                 Jeudi 10 novembre 2016 à 20h30
au cinéma Majestic à VESOUL (tarifs habituels)
avec 
Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, le Comité de Soutien aux Peuples d’Amérique latine et les Amis du cinéma de Vesoul




Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, la Ligue des Droits de l’Homme 90 et Cinémas d’aujourd’hui
vous invitent à la diffusion du film

Fuocoammare,
par-delà Lampedusa
de Gianfranco Rosi
jeudi 3 novembre 2016 à 20h15
au cinéma des quais à BELFORT (6.20€)

Gianfranco Rosi nous montre une opération récurrente de sauvetage de naufragés éperdus, entassés sur un rafiot (un de plus), diffusée à la radio locale. Nous les voyons par le regard de Samuele, 12 ans, qui fabrique des frondes pour tirer sur les oiseaux. Il se sert toujours du même oeil pour viser et se rend compte que son autre œil est déficient, il doit le ré-entraîner à voir. Voilà métaphoriquement la question soulevée : quelle vision avons-nous des réfugiés, des exilés ? Savoir regarder pour ne pas tomber dans l’indifférence face aux tragédies humaines qui se déroulent sous nos yeux. Car rien ne distingue les migrants et les habitants de l’île, pauvres, sinon que les seconds sont nés du « bon » côté de la Méditerranée.                                                                                             Contact : aes@orange.fr









Domination

L’exploitation est une forme de domination
Elle se développe dans nos vies comme un poison
Régie par des stratégies proches de la colonisation
Elle est digne du temps de la collaboration
En montrant du doigt une catégorie de population
Voulant toujours organiser la discrimination
Dealers de haine et de machination
L’horreur n’a pas de classes
Elle forme une chaîne par-delà les nations
Le lien, c’est la source du pognon.


La vermine

La politique reprend nos droits
Comme si nos vies méritaient tout cela
Nous travaillons pour des ingrats
Se prenant pour des rois
Pour certains nous sommes le peuple d’en bas
De ce fait, nous  n’avons pas le choix
Nous sommes réduits au débarras
L’égalité ne fait pas partie des lois
La fraternité est une valeur du peuple qui naît
De la pauvreté
A l’opposé, le riche développe en toute liberté
L’individualité
C’est une monoculture où il n’y a pas d’égalité
La France se cache derrière un miroir immaculé
Nos politiques ont les mains sales bien avant les colonisés

Hassen


Afrique sous pression

La seule raison d’être de l’Europe c’est le commerce et la libéralisation des échanges. Pour compter dans le monde, elle doit gagner des marchés, sur tous les territoires, et a jeté ses filets en Afrique, où elle est en concurrence avec les impérialismes asiatiques et chinois. Pour pouvoir inonder l’Afrique des productions européennes, il faut lever  toutes les « contraintes » tarifaires et non tarifaires. Sur le modèle des accords  bilatéraux, comme le TAFTA avec  les Etats-Unis ou le CETA avec le Canada ou encore avec le Mercosur(1), le  Vietnam, les Philippines, etc. l’Europe mène, donc, en Afrique une politique de pressions et d’influences pour arracher des accords qui annihilent  les protections des pays en voie de développement ou des pays les moins avancés. L’outil : les APE, Accords de Partenariat économique, certains les nomment (plus justement !) les Accords de Paupérisation Economique. On en parle peu,  mais les APE méritent que l’on  s’y attarde, tant ils sont une menace pour les Africains. Jacques Berthelot(2) parle du « baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique ».  

Les accords de libre-échange au service des prédateurs   

Pour l’heure, le TAFTA  semble mis en sommeil grâce aux mobilisations des Européens qui ont perturbé l’agenda prévu par les négociateurs ; il resurgira après les élections américaines, et françaises, même si M. Fekl, secrétaire d’Etat au commerce, s’est agité pour dire stop. L’enterrement définitif d’un tel accord est une décision formelle des 28 (devenus 27), or, en juin dernier, l’ensemble des chefs d’Etats européens a confirmé le mandat de négociation du TAFTA face à Jean-Claude Junker. De plus, juste derrière le TAFTA, se cache son vilain frère jumeau, le CETA (entre l’UE et le Canada). Il devrait être adopté par le Conseil européen  le 18 octobre prochain, puis, s’agissant d’un accord mixte (qui concerne plusieurs secteurs d’activités), ratifié par chaque Etat membre de l’UE. Ce parcours de ratification ne plaît guère à ceux qui, majoritairement, veulent l’application la plus rapide possible, et qui vont devoir attendre la décision des Parlements nationaux, avec le risque de mobilisations citoyennes et de frilosité des Assemblées… Mais cette crainte a vite été levée, la Commission européenne a trouvé le tour de passe-passe en proposant « l’application provisoire » ; dans le droit européen, un accord commercial validé par le conseil des ministres, peut être mis en œuvre immédiatement, sans devoir attendre l’approbation des parlements nationaux ! Si cette proposition est maintenue,  plus de 90% de l’accord entrera en vigueur dès la bénédiction du Conseil. Oser traiter les peuples européens avec autant de mépris, c’est renforcer le sentiment anti-européen et favoriser d’autres Exit.      

Pendant que nous sommes occupés à nous battre contre ces dénis de démocratie et contre la marchandisation entre les grandes puissances des pays du Nord, les pays du Sud, l’Afrique plus particulièrement, subissent des pressions, depuis 20 ans, pour signer des accords bilatéraux les livrant totalement à la concurrence.

La volonté européenne de nouer des liens étroits avec l’Afrique au plan économique, commercial et financier s’est manifestée, dès les indépendances ; les relations  Afrique/Europe ont toujours été déséquilibrées au profit de l’Europe, par le biais des accords économiques ACP (Afrique/Caraïbes/Pacifique)-CEE puis ACP-UE. Les conventions de Yaoundé (1963/1975), puis les conventions de Lomé (1975-2000), veulent intégrer l’Afrique dans le libre-échange, même si elles sont  assorties d’aides financières et techniques et de règles exceptionnelles de protection. Les résistances n’ont pas manqué, associations et ONG mobilisant les Africains (notamment lors des marches de protestation à Dakar en 2000) prônant un autre modèle de développement. En juin 2000, l’accord de Cotonou (79 Etats ACP + 28 Etats UE) fixe, jusqu’à 2020, un nouveau cadre de coopération économique et commerciale : les APE – Accords de Partenariat Economique. La logique est toujours la même : l’Afrique doit s’ouvrir totalement à la mondialisation et abandonner ses protections.  Depuis leur indépendance, les pays africains ont obtenu le droit de vendre leurs marchandises en Europe sans payer de droits de douane ; ils ont maintenu des taxes sur les importations en provenance d’Europe, pour se protéger de la concurrence au nom de leur auto-développement car, entre pays se trouvant dans des situations économiques et sociales différentes, le libre-échange ne fait qu’enfermer le pays le moins développé dans son sous-développement. Toutes ces « partenariats » n’ont pas permis de lutter contre la pauvreté, la misère, alors que des pays africains, à l’exemple du Nigéria, ont des ressources. Au contraire, le « partenariat » économique, annihile les possibilités d’un projet industriel et économique souverain. Les mécanismes dits de stabilité des recettes d’exportation des produits de base ou de compensation de chute des prix introduits dans les partenariats n’ont eu que des effets marginaux.

Il faut évoquer, ici, la création de l’OMC (1995) qui a accéléré la stratégie du capitalisme occidental, en tentant de passer des accords multilatéraux, facilitant la libre circulation des capitaux et des marchandises, assurant la domination globale de la finance et des multinationales.  Elle s’est accompagnée de l’endettement des pays du Sud et leur dépendance vis-à-vis des produits importés ; ils se sont vu imposer des plans d’ajustement structurels pour rembourser les emprunts  souscrits auprès des marchés financiers. Ces PAS ont provoqué la misère, les migrations et un rejet des solutions imposées. Les pays du Sud ont mis en échec la stratégie de négociations de l’OMC en refusant d’être à la merci du capitalisme transnational. Mais les règles de l’OMC, auxquelles les Etats ont accepté de se soumettre, sont implacables en matière de libre-échange(3). C’est ainsi que celle-ci exigea l’abandon par l’Europe du traitement jugé préférentiel  grâce auquel les pays d’ACP peuvent exporter sans droits de douane vers l’UE, tout en maintenant des taxes à l’importation pour les marchandises européennes. Changeant de stratégie, l’UE avec la signature de l’accord de Cotonou, espérant sortir de l’impasse par des négociations bilatérales, se donna d’abord jusqu’à 2007 pour y réussir.

Mais, qui peut encore penser que l’UE et autres puissances économiques mondiales veulent le développement de l’Afrique ? L’UE veut imposer au continent africain une libéralisation du commerce, en supprimant les droits de douane qui protégeaient leurs économies fragiles, pour ouvrir aux multinationales et à leurs actionnaires des marchés nouveaux partout dans le monde, poursuivant cette fuite en avant de la croissance sur le continent africain, au mépris des besoins des peuples, de l’auto-détermination et de la démocratie alors que, comme le précise Mamadou Cissokho (4) :  « Tous les pays qui se sont développés ont commencé par créer les conditions pour le faire en se protégeant et ce n’est qu’après qu’ils se sont ouverts aux autres. On ne peut demander aujourd’hui à l’Afrique d’être le premier exemple qui montrera que c’est en s’ouvrant d’abord au commerce qu’elle va se développer »

Qu’en est-il des accords signés et des résistances ?

Nouvel échec. A l’expiration du délai (2007), seules les Caraïbes avaient conclu un accord régional. 43 pays n’avaient pas bougé et 20 avaient signé des accords individuels dits « intérimaires ».  Parmi les non signataires, figuraient la majorité des Pays Moins Avancés (PMA) qui relèvent du programme « Tout sauf les armes » adopté par l’UE en 2001 : tous leurs produits, hors les armements, entrent sans droits de douane sur le marché européen.  Pour vaincre les résistances, les 28 adressèrent un ultimatum aux dirigeants africains : à défaut de ratification des APE régionaux avant le 1er octobre 2014, les exportations des pays hors PMA en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana, Cap Vert et Nigeria), seront taxées à leur entrée sur le marché commun.

A force de pressions, après 13 ans d’une sourde bataille, l’UE triomphe : le 10 juillet 2014, 13 des 15 pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont signé l’APE d’Afrique de l’Ouest, l’obligeant à  supprimer ses droits de douane sur 75% de ses importations européennes, à l’horizon 2035. C’est à l’usure que la Commission obtient la signature des Etats africains. Ce peut être aussi à la faveur d’une élection opportune ( !) (dans laquelle la Françafrique peut toujours agir). Ainsi, l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara (2011) en Côte d’Ivoire a permis d’emporter l’adhésion de la Cedeao.

Pourtant, l’Afrique de l’Ouest a tout à perdre dans ces « partenariats »(5).
C’est pourquoi de fortes résistances subsistent : le Nigéria et la Gambie n’ont pas signé. Au Sénégal, il y a de fortes oppositions ; la  société civile et une partie de la classe politique s’inquiètent : les 78 entreprises laitières craignent de devoir faire face à la concurrence du lait en poudre européen, aujourd’hui taxé à 5%. Même inquiétude pour la filière de production d’oignons. Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique et première économie du continent grâce à ses réserves de pétrole, craint de subir un coup d’arrêt dans son développement économique.

Car si les négociations ont lieu par région, les accords sont signés au cas par cas. Si cela permet des refus de signature, par contre cela provoque des divisions comme autant de menaces contre la coopération des pays africains entre eux. Certains pays, comme le Cameroun (région Centre) où les négociations patinent, concluent, seuls, un accord intérimaire. En Afrique de l’Est, par contre, la signature prévue le 18 juillet dernier, a été annulée car la Tanzanie a choisi de s’en dissocier avec le soutien de l’Ouganda.  Mais, le Kenya, s’il continue à s’opposer, pourrait perdre son accès privilégié au marché européen, avec un impact énorme sur sa filière de production de fleurs coupées, qui fait vivre 600 000 personnes et représente 25% de l’économie du pays. Difficile de résister aux menaces réelles. C’est pourtant  le seul moyen de faire dérailler le train infernal d’ouverture totale des marchés qui fait concourir des pays à situations économiques tellement inégales : en 2012, le PNB (produit national brut) par habitant des 4 pays non ACP d’Afrique de l’Ouest était de 1 530 dollars contre 4 828 dollars pour les 6 pays non ACP d’Amérique centrale et 7 165 euros pour les 3 pays andins. L’influence européenne sur les pays africains passe aussi par les sessions de « mise à niveau » de leurs experts « les chefs d’Etat sont mal informés. On ne comprend pas ce qui les empêche de consulter les mouvements sociaux. Mais ils ne se fient qu’aux bureaucrates » s’insurgeait Mamadou Cissokho « Ce n’est pas acceptable : avant d’engager la vie de millions de personnes il faut les consulter »(6).    

Pour entrer en vigueur, l’APE doit être signé par chaque pays de la région et ratifié par les parlements. Il y a des obstacles importants… ce qui fait reculer l’UE, non pas sur la poursuite des négociations, mais sur la date butoir prévue au 1er octobre 2016… reportée à 2017 ? L’Europe sait être patiente, tant le jeu en vaut la chandelle : l’Afrique est un marché potentiel de 400 millions d’habitants, qui doublera d’ici à 2050 avec une classe moyenne grandissante.  D’énormes investissements sont à prévoir pour les infrastructures. De quoi offrir des débouchés aux grands céréaliers, au lobby laitier ou aux géants du BTP. Par ailleurs, il s’agit de reprendre rang en Afrique, face aux puissances émergentes, Brésil, Inde, Chine qui s’y implantent. Pour exemple,  la « part de marché » de la France en Afrique est passée de 10% en 2009 à 4.7% en 2011(5)

L’UE sait user de la menace pour l’emporter face aux pays réticents craignant légitimement de perdre des recettes : taxes sur les produits européens entrant en Afrique, impôts sur les exportations pour encourager les entreprises à transformer les matières premières sur le sol africain. Si des compensations ont été évoquées, tout reste flou. Rien en compensation de la baisse des droits de douane. Rien  en matière d’aide au développement, dont une partie est transférée dans le PAPED (Programme APE pour le Développement), conditionné à la ratification de l’APE. Les pays les plus développés comme le Cameroun ou le Nigeria sont menacés d’une augmentation des droits de douane à l’entrée du marché européen. C’est une supercherie  de parler de « partenariat » entre l’UE et l’Afrique quand l’économie européenne est 18 fois supérieure à celle de l’Afrique de l’Ouest, quand l’UE subventionne son agriculture ce qui n’est pas le cas en Afrique !

Quant à la France, elle a joué un rôle majeur dans la signature de l’APE de l’Afrique de l’Ouest. A Dakar, le 12 octobre 2012, Hollande prône une relance des négociations « avec des conditions plus favorables pour les pays africains » ( !). Vœu pieux  sans engagement au bénéfice de l’Afrique qui peut, par contre, être très « juteux » pour  le secteur agroalimentaire français. « C’est la Compagnie Fruitière de Robert Fabre (basée à Marseille) qui exporte l’essentiel des bananes et des ananas de Côte d’Ivoire, du Ghana et du Cameroun, avec sa propre flotte de cargos. Il exporte aussi des tomates-cerises du Sénégal. Pour les céréales, le groupe Mimram, basé en Suisse mais dirigé par la famille française du même nom, a fait pression pour ramener à zéro le droit de douane sur le blé puisqu’il possède les Grands Moulins de Dakar et d’Abidjan et la Compagnie Sucrière du Sénégal. Le groupe Bolloré est aussi concerné puisqu’il contrôle la plupart des ports du golfe de Guinée et est impliqué dans l’exportation du cacao. Toutes ces firmes ont intérêt à ce que l’APE entre en vigueur pour pouvoir continuer leurs exportations de l’Afrique vers l’UE sans droits de douane »(7).

TAFTA, CETA, APE, même combat

Les Africains opposés à ce néo-colonialisme résistent. Leur combat est le nôtre qui nous mobilisons contre le TAFTA et le CETA. Elevons-nous aussi contre les Accords de Paupérisation Economique. En Afrique de l’Ouest, les sociétés civiles (organisations paysannes, syndicats, ONG…) se mobilisent dans leurs pays respectifs. Une trentaine d’associations  comme Survie, CADTM, ATTAC, Peuples Solidaires, etc. ont lancé une pétition (8).  Il ne reste que peu de temps mais le Parlement européen peut encore stopper l’APE. C’est bien cette implacable politique prédatrice qui ne sert que les puissantes multinationales, les banquiers et tous ceux qui les servent, qu’il faut dénoncer, mettre à jour pour les anéantir. Les peuples n’ont pas besoin d’eux pour vivre. Au contraire, ils vivent mieux sans eux.

Odile Mangeot, le 27 septembre 2016  
(1)   « marché commun du Sud » : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela
(2)   Economiste, spécialiste des politiques agricoles européennes et africaines, collaborateur régulier du Monde Diplomatique
(3)   Pour la 3ème fois, le 7 avril 1999, l’UE a été condamnée par l’OMC en raison des conditions commerciales accordées aux pays africains à la suite de la plainte de 9 pays d’Amérique latine exportateurs de bananes
(4)   Mamadou Cissokho, président honoraire du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (Roppa)
(5)   Les informations qui suivent sont extraites du dossier spécial « Accords Europe-Afrique : un marché de dupes » dans Politis du 01.09.2016 
(6)   Le Monde Diplomatique septembre 2014 (Jacques Berthelot) http://www.monde-diplomatique.fr
(7)   Survie http://survie.org
(8)   Pétition sur le site d’ATTAC sur https ://blogs.attac.org/ape/article/ape-un-accord-de-pauperisation 




Le Brexit et … après

De quoi le Brexit est-il le symptôme ? Assiste-t-on à la défaisance de l’Europe libérale ? La montée des nationalismes et de l’extrême droite semble confirmer cette tendance du pire. La crise de 2008, contrairement à ce que claironnaient les castes politiciennes, n’a pas été résorbée. Elle est, de fait, en passe de se transformer en crise sociale profonde dont les effets délétères n’ont rien d’émancipateur. En tout état de cause, au vu de la situation au Royaume-(des)Uni, l’euro n’est pas en cause même s’il provoque des dégâts dans les pays les plus faibles.

Il convient d’abord de revenir sur l’arrogant pari du 1er Ministre Cameron, appelant les Anglais à se prononcer pour ou contre la sortie de l’Union européenne. Ensuite, il y a lieu de souligner les conséquences du Brexit pour les Anglais eux-mêmes et leur caste politique, minée de ses contradictions internes, reflet des dégâts sociaux qu’ils ont provoqués. Enfin, le Brexit n’est que l’une des formes que prend la crise du capitalisme mondial. C’est ce qu’il conviendra d’illustrer.

Le pari arrogant de Cameron

Face à la crise de 2008, les conservateurs au pouvoir, après avoir promis de la « compassion pour les pauvres », ont mené une politique d’austérité drastique, réduisant les allocations sociales, sabrant les dépenses budgétaires, développant la précarité du travail (contrat zéro heure), tout en déversant des cadeaux fiscaux pour les riches. Les inégalités sociales et géographiques ont explosé, aggravées encore par la concurrence effrénée entre travailleurs, y compris « ces étrangers » venus de l’Union européenne et tous ces exilés qui se pressent à la porte de Calais et parviennent à la forcer. Quant à la City et tous ses spéculateurs, ils ne se sont jamais mieux portés et prétendent toujours assurer leur prédominance malgré la désindustrialisation qui affecte « leur » pays. La hausse des prix de l’immobilier, à titre d’exemple, est révélatrice. La dette moyenne des propriétaires de logement est de 82 525 euros, soit le double de celle de l’UE. A Londres, les prix ont grimpé de 113% entre 2013 et 2015, de plus de 63% sur l’ensemble du territoire.

Malgré tout, Cameron, en 2014, pouvait se vanter d’avoir évité la sécession de l’Ecosse (55.3% de Non à l’indépendance), tout comme d’avoir contenu les velléités du Pays de Galles (62%). Mieux, en 2015, son succès inespéré aux législatives lui permettait de se passer des (ultra)libéraux. C’était sans compter avec la montée de l’UKIP xénophobe et nationaliste, les divisons des conservateurs et le réveil du travaillisme avec Jérémy Corbyn. Ces contradictions internes à la classe politique n’étaient que le reflet déformé d’une colère montante que le scrutin à un tour et le poids des médias ne pouvaient exprimer.

Tout en surfant sur les crispations nationalistes et xénophobes, Cameron, l’apprenti sorcier, fit pression sur l’Union européenne pour plus de libéralisme et fut autorisé à supprimer les droits sociaux sommaires versés aux immigrés européens, et ce, pendant plusieurs années. Il s’agissait, pour les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, de lui donner des gages pour engager la campagne du référendum en faveur du maintien dans le marché européen. Ce ne fut pas suffisant au grand dam de la City persuadée que le Oui à l’Europe l’emporterait. Il faut dire que la campagne référendaire fut particulièrement affligeante démontrant, si besoin en est, la décrépitude des dirigeants des partis dominants : surenchère sécuritaire et anti-immigré et démagogie outrancière. Le pompon du graveleux est sans conteste à attribuer à Boris Johnson qui assimila les réglementations européennes à de la nazification, traitant Obama de moitié kényan, comparant Hillary Clinton à l’infirmière sadique d’un hôpital psychiatrique et, summum, insulta Erdogan « ce branleur fantasque », pour finalement avouer récemment qu’il avait souhaité que le maintien dans l’UE fut obtenu « d’un cheveu ». Bref, dans cette ambiance pestilentielle, le pari de Cameron de ressouder le parti conservateur fut perdu, ce qui ne l’empêcha pas, lors de l’officialisation de son départ, de s’éloigner en sifflotant. Cet arrogant immature a donc quitté la scène publique. Quant au parti travailliste, il est au bord de la scission. La caste des élus n’a pu admettre les réticences des militants et de Corbyn à s’enthousiasmer pour l’Europe financiarisée. Le nouveau leader du parti, qui a le soutien des centrales syndicales et des jeunes, se trouve confronté au comité exécutif qui entend le destituer et passer outre les 130 000 nouvelles adhésions depuis le référendum. Il vient de décider d’une nouvelle élection du président du parti en lui opposant le prétendant Owen Smith, tout en interdisant de vote tous ceux qui n’auront pas cotisé 25 livres dans les deux jours… à compter de la décision prise à cet effet. Mais l’histoire n’est pas écrite pour autant. Reste que la caste d’élus sur la ligne de Blair juge que pour se faire réélire, rien ne vaut l’optique libéralo-européiste ! (1)

Le Royaume-(des)Uni, déchiré, voire ingouvernable

Celle qui a succédé à Cameron, Thérésa May, tient d’abord à faire oublier ses penchants pro-UE, sa vision libérale en faveur de la City et sa xénophobie latente. Avant d’être élue elle faisait carrière dans la banque, son époux est d’ailleurs un financier et, comme le ministre de l’intérieur du gouvernement précédent, elle était partisane d’une rupture avec la convention européenne des droits de l’Homme qui empêchait certaines expulsions. Plus fondamentalement, il s’agit pour elle désormais de rassurer l’électorat et d’éviter l’implosion du parti conservateur. Et de faconde démagogique, elle n’en manque pas. Elle affirme vouloir « gouverner non pour quelques privilégiés » mais pour « ceux qui ont perdu la maîtrise de leur vie ». Il faudrait relâcher l’austérité et prôner l’interventionnisme d’Etat pour éviter de céder les fleurons industriels qui restent et, en 2020, tout serait réglé, les « injustices criantes » résolues. C’est avouer que le Royaume est le plus inégalitaire d’Europe et que l’ultralibéralisme prôné par Boris Johnson et d’autres ne serait plus de saison. Bref, le vœu de la City d’être la grande Singapour de l’Europe, pratiquant le dumping fiscal tout en ayant recours aux paradis fiscaux, serait enterré. Elle annonce également une réforme scolaire pour « offrir de meilleures chances aux gens ordinaires issus de la classe ouvrière » et la suppression des examens d’entrée ultra-sélectifs dans les établissements réservés à l’élite, instituant une ségrégation dès l’âge de 11 ans. Pour le reste, les écoles et universités transformées en entités privées, dirigées par des chefs d’établissement et leurs sponsors, elle reste muette.

Tout ça  c’est pour la galerie d’autant que son cabinet composé de Brexiteurs et d’anti-Brexiteurs, y compris le charlatan Boris Johnson nommé ministre des affaires étrangères, risque de compliquer sa tâche œcuménique,. Alors, Brexit hard ou Brexit light ? Un think tank européen vient déjà au secours de cette lutte fratricide en proposant l’accès libre au marché européen, assorti de quotas d’Européens et de la soumission aux règles européennes tout en ayant le droit de proposer des amendements. Tout cela pourrait très bien convenir au patronat et à la City, le premier tient à pouvoir surexploiter la main d’oeuvre étrangère, la seconde ne peut envisager de n’avoir plus accès au marché des capitaux européens.

Pour l’heure, c’est la valse-hésitation qui pourrait durer jusqu’en 2020 ( ?). En effet, la classe dominante émet de fortes réticences à transformer le résultat du vote référendaire en action. La question qui demeure, pour elle, est de savoir comment toujours bénéficier du marché européen, tout en en n’étant plus membre ! L’UKIP souverainiste d’extrême-droite, dont le slogan « Reprenez le contrôle » signifie ne plus dépendre des institutions européennes, a de quoi crier au scandale si, subrepticement, le Royaume Uni conservait un pied dedans. Les tensions ne peuvent donc que s’exacerber, raison pour laquelle le cabinet britannique tarde à activer l’article 50 du traité européen, permettant à la procédure de rupture et de négociation de s’enclencher. D’autant que l’Ecosse entend demeurer dans l’UE, l’Irlande du nord en bénéficier, tant et si bien que surgit le débat sur l’unification de l’Irlande afin de rester dans l’UE. Et c’est sans compter sur Gibraltar, cette enclave coloniale en terre espagnole. Outre ces intérêts divergents des classes dominantes, un climat délétère suscité par la campagne référendaire s’instaure. La chasse aux Polonais semble ouverte. Ils sont 800 000 et subissent un climat d’hostilité et des agressions physiques. Les actes xénophobes sont en progression (+ 42%) et l’on dénombre plus de 3 000 plaintes. A Harlow situé à 50 kms de Londres, plusieurs centaines de Polonais ont manifesté leur indignation mais ne peuvent contrer, à eux seuls, l’accusation de faire baisser les salaires et de faire concurrence aux natifs. Pour l’heure, les syndicats semblent impuissants à enclencher la riposte solidaire. Le Royaume se fragmente tout comme l’Union européenne.   

Désunion et défaillances de l’Europe

Ce qui se passe au-delà de la Manche amène à constater que l’euro, contrairement à ce que certains avancent, n’est pas la seule cause des contradictions qui minent l’Union européenne. Certes, on est loin de la zone de prospérité promise. En fait, l’euro n’a fait qu’exacerber les différences entre pays, en rendant impossible la dévaluation monétaire en cas de difficultés, afin de redynamiser l’exportation. L’euro c’est un marché libre où le plus fort l’emporte d’autant qu’aucune mesure n’a été prise pour harmoniser cet espace concurrentiel, bien au contraire. Pas d’homogénéisation fiscale, sociale, ni de mutualisation des dettes. Face à la concurrence entre systèmes sociaux différents, ne restait en cas de « problème » que l’ajustement à la baisse des salaires directs et indirects, bref, pour le dire autrement, l’accroissement du taux d’exploitation des classes ouvrières et populaires,  le chômage agissant dans le même sens. Ajoutons à ces facteurs l’absence de budget européen et l’austérité budgétaire renforcée après la crise de 2008 et, donc, l’impossibilité d’investissements publics, aggravée par l’endettement des Etats suite au renflouement des banques. Dans le cadre du système capitaliste, le repli nationaliste a pris de l’ampleur, exploité qu’il fut par les forces d’extrême-droite. Les guerres suscitées au Moyen-Orient et l’afflux des exilés qu’elles occasionnent, ne pouvaient que renforcer cette tendance mortifère en l’absence de réel mouvement social de rupture. Les accommodements dérisoires n’ont provoqué que le recul de ceux qui semblaient les prôner, à savoir les forces politiques et syndicales acquises au social-libéralisme.

Plus fondamentalement, ce qui est observable, ce sont les contradictions entre les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE et les révélations sur l’affairisme qui gangrène les institutions européennes.

En effet, les eurocrates comme les conservateurs anglais n’ont pas anticipé le Brexit, assurés qu’ils étaient que le Oui à l’Europe tant vantée l’emporterait. Face à la colère instrumentalisée qui monte, ils sont eux-mêmes divisés et affaiblis. Hollande supplie Merkel (qui ne veut rien savoir) de discuter d’une relance même des plus modestes. Le moteur franco-allemand, malgré les apparences, est durablement grippé. Merkel se heurte à la fois au SPD voulant mettre un frein à l’austérité qui érode sa base électorale, et à l’extrême-droite l’AFD qui surfe sur la xénophobie ; elle en sort fragilisée au sein de son propre parti, CDU-CSU. Quant à l’Italien Matteo Renzi, interdit de donner des ingrédients au moteur hoquetant franco-allemand, il peste : « l’austérité européenne a échoué » : non seulement l’endettement de l’Etat est à son comble, mais une crise bancaire pointe. Et pour ne rien arranger à la situation, son parti, le PD, bascule dans l’euroscepticisme, affronté qu’il est à la montée de la Ligue du Nord et au mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo. Enfin, malgré les trémolos humanistes, l’Italie subit come la Grèce le choc migratoire et les égoïsmes nationaux, lui enlevant tout espoir d’une véritable solidarité européenne. Les exilés affluent, 4% de plus qu’en 2015, malgré la mortifère mer Méditerranée où, depuis le 1er janvier, 127 000 morts ont été répertoriés.

Quant aux pays de l’Est, non seulement ils récusent les institutions européennes, mais ils s’allient pour les contester avec des relents fascisants. Le groupe dit de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie, Tchéquie), opposé à l’immigration, revendique plus de souveraineté des Etats, prétendant qu’en dernier ressort, ce sont les parlements nationaux qui doivent décider. Pire, comme tétanisés, ceux qui prétendent au leadership de l’Europe ne trouvent rien à redire lorsque le ministre hongrois de l’éducation et de la culture décore de la croix de chevalier de l’ordre ( !) un antisémite notoire : Zsolt Bayer, journaliste, est un spécialiste des appels à la haine contre les Roms, « ces animaux qu’il faut éliminer », contre les Juifs qui « mouchent leur morve dans les piscines » car il faut bien « libérer la race européenne blanche et chrétienne ». Quant à son maître Victor Orban, il a réhabilité pour l’histoire révisionniste, Horthy, cet allié zélé d’Hitler. Bref, l’Europe du règne des transnationales et de la finance sous l’égide austéritaire de l’Allemagne part en quenouille. La fragmentation est en marche, actuellement, pour le pire. Cette crise politique dite de gouvernance risque d’ailleurs de s’accentuer dans les prochains mois. Hollande risque de valser, Merkel elle-même voit son avenir politique compromis, Renzi joue sa survie à l’automne lors du référendum constitutionnel. Les Pays-Bas connaissent une poussée de l’extrême-droite qui ne se dément pas ; depuis 10 mois, l’Espagne est sans gouvernement et l’Autriche risque d’avoir un président d’extrême-droite. Les discordes européennes ont de beaux jours devant elles.

Quant à la commission européenne et à son président Junker, ils demeurent impuissants malgré de menues propositions que personne ne veut entendre : création de 200 ( !) gardes-frontières en Bulgarie, un plan d’investissement de 315 milliards portés à 500 milliards d’ici… 2020. Et le FMI, l’OCDE l’appuient en recommandant une augmentation des investissements publics en faveur des infrastructures. Mais l’Allemagne, rivée à l’orthodoxie budgétaire, ne veut rien savoir, les dettes des Etats doivent être remboursées, les créanciers ne sauraient souffrir. C’est que les banques allemandes mêmes sont en grande difficulté. La Deutsche Bank se voit sommée par le ministère de la justice US de payer une amende de 12.5 milliards d’euros pour des malversations sur le marché immobilier étatsunien. Si cet établissement des plus systémiques devait faire défaut, un effet domino s’ensuivrait sur l’ensemble du système financier international. Autrement dit, contrairement aux apparences, la crise de 2008 pourrait rebondir.

En tout état de cause ce qui affaiblit encore plus cette Europe oligarchique auprès des populations, c’est son affairisme. Les politiciens qui prétendent la diriger sont aussi cupides que les actionnaires et financiers dont ils ne sont que les serviles laquais prêts à tout pour s’enrichir  encore plus.   

Après bien d’autres, les affaires Barroso et Neelie Kroes : s’agissant de la seconde, nous n’en dirons pas plus qu’en précisant que cette commissaire européenne à l’énergie travaillait en sous-main pour un groupe résidant dans un paradis fiscal pour racheter à bas coût les actifs d’entreprises en faillite comme Enron. Quant au premier, celui qui a cédé sa place à Junker le luxembourgeois qui a fait de son pays un paradis fiscal, il s’en va benoîtement travailler avec son carnet d’adresses pour Goldman Sachs, cette banque US qui a maquillé les comptes de la Grèce. Il est recruté, n’en doutons pas, pour obtenir que la City de Londres, malgré le Brexit, puisse obtenir un « passeport européen » pour les capitaux qui y sont basés. Et que lui reprocher ? Il a respecté la règle dite de « refroidissement » de 18 mois avant de se faire embaucher. Il a accepté de ne toucher pendant cette période que 40% de son ancien salaire de président de la Commission, soit la modique somme de 15 000 euros par mois. Certes, sa retraite après 10 ans de service n’est que de 200 000 euros annuels, quoiqu’il ait réussi par ailleurs depuis son départ à cumuler 22 fonctions dont on ne retiendra ici que l’enseignement ( !), la culture, la direction de l’Opéra de Madrid, le siège au sein du groupe Bilderberg où il retrouve les magnats de l’industrie et de la finance mondiales. Ainsi va l’oligarchie mondialisée à laquelle il appartient. Il soutient qu’on lui fait un mauvais procès discriminatoire et n’a que faire de la pétition de 140 000 signataires contre lui. Son compère Junker a bien eu du mal à le protéger du scandale public. Restent les règles européennes opaques pour enterrer l’affaire après ces remous intempestifs. Le Comité d’éthique, secret, nommé par le président, examinera et rendra un avis confidentiel. Quant à oser porter l’affaire devant la Cour de justice européenne, encore faut-il l’accord unanime et conjoint de la Commission et du Conseil européens. Parions qu’il ne sera pas privé de son droit à pension…

Fragmentations, contradictions, fièvre nationaliste et xénophobe, affairisme et connivences, ainsi va l’Europe telle qu’elle s’est construite ; mais on ne peut en douter, pour les peuples, le cauchemar n’en finira pas tant que ne surgiront pas des forces radicales de transformation sociale et de rupture avec ce système. Pour l’heure on est loin du compte. D’ailleurs le Brexit n’est que l’une des formes que prend le processus de crise mondiale du capitalisme. Ce sera l’objet d’un prochain article.

Gérard Deneux, le 27.09.2016 


(1)   On vient d’apprendre que Jérémy Corbyn a été réélu avec une forte majorité de plus de 61% dépassant le score de 59% qu’il avait obtenu en 2015 
Edito du PES n° 26 (paru début octobre 2016)

Surenchères sécuritaires et austéritaires

Le grand cirque médiatique des primaires et des élections présidentielles et législatives qui s’en suivront, va être l’occasion de diffuser la peur et l’angoisse. Pour les castes politiciennes en concurrence qui aspirent à gouverner, il s’agit de démontrer démagogiquement qu’elles pensent rassurer et protéger le corps social. Face à la menace d’attentats des partisans de l’OEI, tout un arsenal répressif a été mis en place afin que les gouvernants ne perdent pas la face. Quant à la montée du chômage et de la précarisation de la société, elles comptent juguler la colère sociale en criminalisant le mouvement syndical et associatif, tout en démantelant encore plus les droits du travail. La loi El Khomry est en effet jugée insuffisante au regard de la déréglementation mise en œuvre dans les autres pays européens.

Les Hollande/Valls auront permis la mise en place d’un régime répressif sans équivalent. A l’occasion de la prolongation de l’état d’urgence et suite à l‘attentat de Nice le 14 juillet, une nouvelle loi s’est greffée sur le texte initial. Même le syndicat des magistrats (USM) classé à droite l’a jugé « inquiétante ». Tout pouvoir est donné aux préfets et procureurs pour procéder à des perquisitions administratives, des saisies informatiques, des contrôles d’identité et fouilles de véhicules. « L’élargissement » des écoutes à toute personne susceptible d’être en lien avec une menace… Certains députés ont même affirmé que ces mesures pourraient s’appliquer « au gré des faits divers » comme « le viol ou le meurtre d’un policier ». Le principe de l’individualisation des peines et la restriction du pouvoir des juges font dire à certains : « le droit se meurt ».

Et tous ces présidentiables, comme Sarko et Le Pen, de renchérir sur les assignations à résidence, la rétention dans des centres fermés.  Hervé Morin prône, quant à lui, « l’israélisation » de notre sécurité : loi des suspects, lettre de cachet… Police partout et justice nulle part. En juillet 2015 déjà, Delarue qui préside la commission du renseignement, s’inquiétait qu’une loi raisonne en fonction des entourages et non plus des seuls individus répertoriés comme dangereux.

Mais, ce qui est bien plus grave, c’est la certitude que ces mesures présentées comme visant les terroristes sont appelées à être détournées. A l’occasion de la COP 21 déjà, 481 militants écolos étrangers ont été interpelés, 27 français assignés à résidence. Lors des manifestations contre la loi dite Travail, 130 assignations à résidence ont été prononcées sans compter les violences policières, les procès contre les syndicalistes. Car la violence sociale va s’accentuer, les fermetures d’entreprises se succédant, le chômage (55 200 chômeurs catégorie A en plus viennent d’être annoncés) et la précarisation ne font que croître.

Face à cette réalité, tous les prétendants au poste suprême se proposent de « libéraliser » encore plus le marché du travail et de réduire les prestations sociales. Les 35 heures aux oubliettes, la retraite à 67 ans… Il s’agit d’accroître le taux d’exploitation des classes populaires et d’organiser une paupérisation « acceptable » pour réduire la dette de l’Etat. Enfin, l’agitation médiatique autour de l’identité franchouillarde et autres gauloiseries de Sarko, l’Astérix de fraîche date, vise à dresser les français de souche contre les étrangers et les musulmans. Cette guerre civile contre les « inassimilables » est en germe dans les propos racistes tenus, plus ou moins, par les uns et par les autres.


Certes, dans l’opinion, la parole des politiciens est dévaluée, la défiance assez générale, toutefois, trop d’illusions persistent ; le Macron a la cote auprès des bobos, Juppé peut sembler le moindre mal, voire la Le Pen remettre de l’ordre. Et puis, même si l’abstention se fait massive, rien ne changera. Reste la perturbation sociale du cirque électoral, l’intrusion sur la scène publique de mouvements sociaux d’ampleur faisant vivre l’utopie réaliste de la rupture avec la chape de plomb du capitalisme financiarisé qui ne peut se maintenir que par la peur, l’angoisse ici et les guerres ailleurs.