Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 9 novembre 2016

La société au bord de la crise de nerf

Et comment pourrait-il en être autrement quand se conjuguent exaspérations et expectative, rejet et désintérêt, face à la réalité de l’atmosphère irrespirable remplie de miasmes perturbateurs qui font suffoquer les plus endurcis : les paysans qui n’en peuvent plus de libre-échange étouffés par les gros agrariens de la FNSEA, ces salariés qui saluent la mobilisation contre la loi El-Khomri mais qui, dans leur grande masse, sont tétanisés par l’ambiance délétère du chômage, de la précarité et saturés de la peur du terrorisme jusque dans leurs habitations par TV interposée. Ces Nuits debout où l’on glose à satiété sur la démocratie réelle, la 6ème République, mais où l’on hésite à soutenir le mouvement social et l’on reste sans réelles perspectives… Et face aux exilés qui reconstruisent toujours des bidonvilles, ces pauvres sur les trottoirs parisiens, se mêlent élan de solidarité et, contradictoirement, xénophobie et « pauvrophobie ». Et puis vient la jacquerie de la maison poulaga. Cette basse-cour se révolte contre le surmenage de la base, les gardes statiques qui délaissent les gros malfrats et les petits délinquants. Certes, parmi les pandores beaucoup sont proches du FN mais leur ras-le-bol est surtout dirigé contre leur hiérarchie, contre le syndicalisme clientéliste de collaboration avec l’Etat. Ils n’ignorent pas que la Cour des comptes a dénoncé la gabegie de cette cogestion qui représente 54 millions d’euros par an, soit 1 000 emplois à plein temps.

Et pratiquement toutes les franges de la société de se lamenter, de rejeter la caste politicienne et en redemander, car les choix électoraux ne peuvent être que des choix par défaut. On vire Sarko pour Hollande à défaut de l’inénarrable Strauss Khann que les médias avaient (en son temps) présenté comme le meilleur économiste. Puis le macho-libertin ayant sombré dans les arcanes judiciaires, la construction médiatique du bonasse Hollande présenté comme un habile tacticien ne promit finalement que de la (dé)confiture. Et les primaires nous resservent les plats. Les éditocrates font les yeux doux à Juppé. Sarko, le camelot de la droite extrême se démène encore malgré toutes les casseroles qui l’entravent et le FN attend de récolter la mise.

Overdose qui creuse toujours plus le fossé entre les dirigeants autoproclamés et les dirigés médusés. C’est dans ces conditions que le Président (a)normal se déboutonne et met la hollandie en charpie. Tous les solfériniens en conviennent, celui qui bavasse pendant des heures avec les journalistes pour se trouver le meilleur en son miroir, se déballonne pour rabaisser ses collaborateurs : leur « peu d’envergure », leur « manque de charisme » (Bartolone), les « inaudibles » (Ayrault), voire la « formatée à la langue de bois » (Belkacem). Il s’en prend aux juges qui ne seraient pas seulement des « petits pois » (Sarko, sic) mais des « lâches ». N’en jetez plus ! Les « ploucs » (Sarko) ou les « sans dents » que l’on méprise vont-ils réagir ? La crise de nerf n’annonce-t-elle pas les pleurs à venir ? A en croire les sondages en effet, en dehors des abstentions qui viennent, faudrait choisir contre la Hollandie en déroute, la droite Juppérienne qui promet le report de 2 à 3 ans de l’âge de la retraite, 4 heures de travail hebdomadaire supplémentaires, la suppression de l’impôt sur la fortune, la hausse de la TVA, la dégressivité des allocations chômage, la suppression de 300 000 à 500 000 fonctionnaires(1). Cette purge thatchérienne, annoncée en mode despotique à coups d’ordonnances, démontre, s’il en est besoin, que les élections en l’absence d’une perspective de la gauche de gauche et d’une mobilisation sociale d’ampleur sont inutiles. A l’heure où le néolibéralisme est de plus en plus rejeté, où les classes moyennes croient encore pouvoir s’en sortir, où les rancoeurs attisent la xénophobie, la crise  de nerf risque de durer…


(1)   Lire l’édito de Serge Halimi dans Le Monde Diplomatique, novembre 2016