Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 2 mai 2016

Pour l'Emancipation Sociale
PES
n° 23 est sorti

Au sommaire :

- l'édito (ci-dessous) Obama au chevet de l'Europe malade
- Les terroristes de Tel Aviv
- Trump l'oeil
- Vers une ZADification du mouvement social ? (ci-dessous)
- Migrants : "Non bienvenue" ! (ci-dessous
- Notre-Dame-des-Landes : un caillou dans la chaussure de Valls/hollande (ci-dessous)
- Tchernobyl 1986, Fukushima 2011
- A l'encontre du capitalisme : les SCOP
- Longwy en deuil
- rubrique : ils, elles luttent
- rubrique Nous avons lu
pour terminer, un poème de Pedro Vianna 

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Obama au chevet de l’Europe malade

Dans la tournée des adieux qu’accomplit Obama en Europe, il y a du pathétique, celui d’une sortie ratée de la scène historique. C’est comme un dernier effort pour ranimer ce grand corps malade qu’est devenue l’Europe, malade d’excès de libéralisme financiarisé à qui le docteur Dafoirus prétend injecter une nouvelle dose. Le Traité Transatlantique, il y tient, pour tenter de sauver les Etats-Unis du déclin qui les affecte, mais il ne trouve en Europe que des pays de plus en plus déchirés. Que ce soit la « vieille » Europe dénigrée par Bush, son prédécesseur, ou la « nouvelle » à l’Est qu’il encensait, tous ces pays ont la fièvre. Certes, elle prend différentes formes : règles du libre-échange dévastateur, montée des inégalités et de la précarisation, soubresauts d’indépendantisme, de rupture, comme en Ecosse ou en Catalogne, mais, aussi, plus inquiétant, foisonnement des égoïsmes nationaux, refus de la domination allemande, de celle de l’eurocratie, identitaire, xénophobe, face à « l’afflux » des migrants.

Et celui qui fut encensé, voire adulé (l’Obamania), celui qui, en 2008, communiait avec la foule de 200 000 personnes réunies au Tiergarten, en est réduit, désormais, à se produire à la foire de Hanovre. Là, devant un parterre bien plus réduit mais composé du gratin de l’industrie mondiale, il a congratulé son « amie Angela », farouche partisane du Traité entre l’Europe et les Etats-Unis, tout en lui faisant la leçon. Il faut investir vos excédents budgétaires et notamment dans l’armement pour surmonter la crise et faire face à l’ours poutinien en Ukraine ! C’était, certes, dit dans des termes plus diplomatiques mais…  

Las, ses vigoureux propos, comme ceux précédemment tenus au Royaume-(dé)Uni, pour rassurer la City de Londres et calmer les inquiétudes de l’ami Cameron, n’ont eu guère d’effets. Là-bas, ils ont plutôt attisé les réactions nauséabondes, tout particulièrement de l’UKIP de la droite extrême contre ce président à moitié kényan, voire chez les conservateurs néocoloniaux nostalgiques de l’Empire britannique rétifs à la domination états-unienne. Impact tout aussi dérisoire sur l’Autriche plaçant le parti fascisant à la tête des présidentielles au 1er tour et reléguant aux oubliettes les partis dominants de droite et de « gauche » qui, depuis 1945, se sont succédé au pouvoir. Quant à la vieille Europe, elle est gangrenée, soit par la peste brune, soit par un cléricalisme conservateur et xénophobe. De la Hongrie à la Pologne, en passant par la Serbie, se dressent des murs de la honte, des barbelés et des camps de rétention aux frontières. Et l’accord de marchandisation d’êtres humains, ce fameux accord d’externalisation, de sous-traitance, de tri des migrants, conclu entre Merkel et le despote turc Erdogan, ne fait que renforcer, dans les têtes malades, la validité du refoulement à caractère raciste.

Ce n’est pas seulement sur la scène européenne que le rhéteur Obama risque le plus. Dans son propre pays, les mêmes effets du néo-libéralisme et de la domination des 1% de nantis provoquent les mêmes rejets : xénophobes chez Trump qui cajole les cols bleus paupérisés, socialisants avec Bernie Sanders qui fait vivre l’espoir né d’Occupy Wall Street. Bref, l’histoire bégaie face à la voie à prendre.

Le 30.04.2016



Migrants : non bienvenue !

Plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015. Des dizaines de bateaux ont accosté sur les plages de Grèce, de Malte. 2015 sera l’année record du nombre de morts en Méditerranée. La route des Balkans se ferme. Des murs se construisent au cœur de l’UE. L’espace de Schengen est bien « mal en point ». Et comme si cela ne suffisait pas à faire comprendre aux migrants qu’ils ne sont pas les bienvenus en Europe, un deal signé entre l’UE et la Turquie permet aux Etats de se « débarrasser de la question » en confiant à Erdogan (qui ne se fait pas remarquer par son ouverture aux Droits de l’Homme), le tri des migrants.

Face à la catastrophe humaine dans les camps qui se constituent, non seulement dans les pays limitrophes des pays en guerre, faisant fuir hommes, femmes et enfants, à la recherche d’une terre d’accueil, mais aussi en France à Calais notamment, que faire ? Car si la solidarité avec les migrants est une réalité, la banalisation du refoulement de ceux qui « n’ont qu’à rentrer chez eux », voire le rejet et le racisme sont bien là aussi, prêts à être utilisés sans scrupules par ceux qui veulent atteindre le perchoir en 2017. Ce qui est certain, c’est que la France de Valls/Hollande ne mérite plus le label qu’elle cocoricotte dès qu’elle peut, de » pays des Droits de l’Homme ». 

Schengen et liberté de circulation ?
Politique européenne d’immigration = 0

La libre circulation des personnes entre les Etats signataires de l’accord de Schengen, signé en 1985 entre la France, la République Fédérale Allemande, la Belgique, les Pays Bas et le Luxembourg, prévoyait l’abolition graduelle des frontières. Ce fut la 1ère étape de la création de l’espace Schengen, imaginé non pas pour permettre la libre circulation des hommes mais la fluidification des routes commerciales du « marché commun ». En effet, en 1984, les douaniers français et italiens, mécontents de l’intensification de leur travail, entreprirent une grève du zèle, contrôlant avec circonspection les frontières, et provoquèrent une crise que les Etats ne voulaient plus subir. Furent privilégiées, dans cette Europe du commerce, les marchandises et non les Hommes. Les modalités d’application ont été écrites dans la convention signée en 1995 et l’espace Schengen fut institutionnalisé dans le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. A ce jour, 26 Etats sont membres de l’espace Schengen (cf encart). 

Et voilà que, paradoxalement, depuis août 2015, Allemagne, Autriche, Hongrie, République tchèque, Slovaquie (dans l’espace Schengen) ont rétabli des contrôles aux frontières. Cela ne fut pas pour déplaire à Sarko « Schengen est mort » et à le Pen « l’absence de frontières nationales représente une folie criminelle » et même Valls, qui juste après le 13 novembre 2015, entonna : « Si l’UE n’assume pas ses responsabilités c’est tout le système Schengen qui est remis en cause ». Le contrôle aux frontières nous garantirait donc contre le terrorisme ? En tout cas, les actes de terrorisme sont une « occasion » pour que les politiciens « sécuritaristes », nationalistes et xénophobes de tous poils prennent des dispositions pour se « protéger » ou « s’enfermer »  derrière leurs frontières respectives. Et pourtant, sans revenir sur les causes des assassinats terroristes de 2015 (1), c’est un leurre que de prétendre que seul le contrôle aux frontières les arrêtera. D’ailleurs, l’UE depuis 25 ans, n’a cessé de se doter de dispositifs de contrôle pour barrer la route à l’immigration clandestine : partage d’une base de données communes entre les polices européennes, dit système d’information Schengen, fichier d’empreintes digitales, renforcement des moyens de l’agence Frontex chargée de surveiller les frontières extérieures, avec hélicoptères, drones, navires militaires, matériels sophistiqués pour détecter les battements de cœur, pour voir la nuit…. 

La question principale est celle de l’absence de politique européenne en matière d’immigration. Elle n’est que l’addition des décisions de chaque Etat en fonction de sa situation économique, de sa couleur politique ou de sa situation démographique.

Ce ne sont pas les fermetures dans l’espace de Schengen, ni les contrôles ré-institués aux frontières sur la route des Balkans qui empêcheront ceux qui dans un désespoir total veulent aller vivre ailleurs où cela est encore possible. Les routes de l’exil s’adaptent aux politiques d’ouverture ou de fermeture des Etats et les passeurs font fructifier leurs affaires. A peine la route des Balkans devient impraticable, déjà la route centrale par Albanie/Italie se rouvre, même si elle est beaucoup plus dangereuse.

Alors, changer les règles de Dublin qui obligent le demandeur d’asile à déposer son dossier dans le pays d’entrée en Europe (Italie et Grèce principalement). La Haute Représentante pour les affaires étrangères de l’UE, Mme Mogherini, le prône ; la commission a proposé, avec le soutien de l’Allemagne, que l’UE se dote d’un système permanent de répartition des candidats à l’asile entre les 28 membres, mais la solidarité européenne a ses limites : Pologne, Hongrie et France y sont opposées !

Faut-il bloquer l’immigration, si tenté que cela soit réalisable ? Car, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’accueil des étrangers extra-communautaires en UE est faible. En 2013 : 1.5 million, ce qui représente, par rapport aux 508 millions d’habitants, 0.003%. Sur les 60 millions de réfugiés dans le monde, 11.5 millions sont Syriens et plus de la moitié sont déplacés à l’intérieur de la Syrie. Le Liban accueille l’équivalent de 25% de la population de son pays et l’UE seulement 0.2%(2) !

Quand on parle de migrants, doit-on faire une distinction entre ceux qui fuient les persécutions, les discriminations dans leurs pays dues à la guerre, à des régimes dictatoriaux ou violents vis-à-vis « minorités », et ceux qui fuient la misère accentuée par les politiques du capitalisme financiarisé, décidées par les instances internationales non élues (FMI, BCE, Commission Européenne) et exigeant leur mise en œuvre par les Etats « en crise ». Telles sont les questions qui fonderaient une réelle base de réflexion sur la politique à mettre en œuvre, au-delà de l’application des conventions internationales rappelant que la protection est un droit fondamental de l’Homme.

Accueil des demandeurs d’asile = hypocrisie de la France

En France également, on est loin de « l’invasion » des demandeurs d’asile agitée par la droite et la droite extrême, voire le gouvernement Valls/Hollande. Les demandeurs d’asile sont environ 60 000 par an (80 000 en 2015). Le statut de réfugié est en constante baisse depuis des années : entre 15 et 20% l’obtiennent. Cette réalité est le nœud du problème : les déboutés du droit d’asile, très nombreux, ne peuvent repartir dans leurs pays. Ils n’ont plus de droits d’hébergement par l’Etat dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et sont dans les hébergements d’urgence ou s’installent dans des camps improvisés. Les pressions des services préfectoraux sont constantes pour les inviter puis les contraindre à repartir. Si ça ne marche pas, c’est l’OQTF (obligation à quitter le territoire français), puis l’assignation à résidence, le camp de rétention jusqu’à tenter de faire monter dans les avions. Mais ça ne marche pas ! On assiste donc à la répétition d’un cycle sans issue : OQTF/assignation à résidence/expulsion/avion (le père seul, la mère seule, sans les enfants ou avec)/retour dans la ville d’origine/porte fermée au CADA/rue/disparition du champ visuel de l’Etat. Telle est la politique de refoulement pratiquée en France par les Préfets aux ordres des Ministres. On rêve que des « Jean Moulin » se lèvent et refusent ces refoulements… Ce qui est assuré, c’est la multiplication des sans-statut/sans-papiers, à la rue, sans ressources, sans autorisation de travailler, sans aides sociales (RSA, allocations familiales, APL), la seule protection étant l’aide médicale de l’Etat (service minimum de santé). Cette politique honteuse est dénoncée par les associations solidaires, les voisins des camps, les personnes sensibles à la détresse mais, sur ce terrain, prospère également le racisme.

L’Etat décharge sa responsabilité sur la solidarité des bénévoles et associations qui trouvent des solutions de bric et de broc pour les familles, expulsées des CADA. Leurs places sont réattribuées à d’autres DA qui n’auront pas le statut, et se retrouveront à nouveau en sursis. C’est sans fin. Ce n’est pas une politique d’accueil, c’est une politique d’expulsion qui ne veut pas dire son nom !

« Nous ne vous voulons pas », telle est la politique appliquée. Qu’est-ce qui empêche un pays de 66 millions d’habitants d’accueillir des immigrés (définitivement ou temporairement), de leur donner une place dans la société ? Pourquoi fermer les yeux sur le travail au noir des sans-papiers, les logements indignes, comme celui, emblématique, de Calais ?
 
L’image d’Epinal de la France terre d’asile est encore fortement imprimée dans les esprits. Cette page est bel et bien tournée car le gouvernement Valls/Hollande, certes, ne prévoit pas de construire un mur à la frontière, comme en Hongrie ou en Macédoine. Il institue des barrières moins visibles. Il promet et ne fait pas. Hollande déclarait en septembre 2015 vouloir accueillir 24 000 Syriens et Irakiens « relocalisés » en 2 ans (!). A ce jour, 300 relocalisations sont effectives. Il crée des frontières de procédures, en refoulant ceux qu’il étiquette de « faux » demandeurs d’asile. Il ferme les yeux sur la création de « camps invivables » : la jungle de Calais en est l’emblème, le symptôme de la politique de refoulement et d’exclusion menée par Hollande/Valls.  

Calais. Le 21 octobre 2015, l’Appel de Calais recueillait en 24 heures 800 signatures pour dénoncer ce bidonville. S’y sont installés des lieux de rencontres, une « cabane juridique », des commerces… Malgré les demandes de ne pas détruire ce que ces gens avaient construit pour reconstituer un lieu de vie, Cazeneuve n’a rien entendu et a décidé de fermer la zone sud de Calais pour le 25 février 2016. Où sont allés les 3 450 réfugiés, les 438 mineurs isolés ? Les associations militantes sur place, Médecins du Monde notamment, dénoncent l’échec du démantèlement. Le 14 avril 2016 : 328 sont relogés sous les tentes de la sécurité civile, 254 en Centre d’Accueil et d’orientation, 315 en Centre d’Accueil provisoire (à 12 personnes dans les containeurs de 14 m2), ¼ sont partis vers Paris ou des campements voisins : la moitié ont été déplacés d’une centaine de mètres. Au 13 avril, l’Auberge des migrants décomptait 3 376 migrants (et non 1 639 chiffre de la préfecture) dans la jungle + ceux qui sont dans les conteneurs + les foyers de femmes et tentes sécurité civile, soit au total 5 000 migrants(2).

La France viole la convention de Genève et celle des droits de l’enfant en refusant un accueil digne aux migrants, en empêchant une centaine de mineurs isolés de rejoindre leurs familles au Royaume Uni, en expulsant des personnes dans des pays faussement sûrs, en entravant le droit à la santé et le droit à l’asile. Et en promouvant la signature de l’accord Turquie/UE du 18 mars, Hollande  se lave les mains de cette question embarrassante, en préconisant sa sous-traitance à la Turquie.

Le pacte de la honte : Union Européenne/Turquie

Signé le 18 mars, l’accord a « de quoi donner la nausée aux défenseurs des droits humains et la migraine aux juristes ». Il prévoit le renvoi en Turquie de toute personne arrivée irrégulièrement après le 20 mars, y compris les demandeurs d’asile syriens. En contrepartie, pour chaque Syrien renvoyé hors UE, donc en Turquie, un autre doit être réinstallé dans un pays de l’UE, dans un pays de l’UE dans la limite de… 72 000 places ! La Turquie compte déjà 2.7 millions réfugiés syriens. Elle a donc « bien » négocié cette sous-traitance : 6 milliards d’euros et la délivrance facilitée de visas pour les Turcs vers l’UE.

L’opération est lancée. Le 4 avril 2016, 202 migrants ont embarqué de Grèce vers la Turquie, sous garde policière. Le 8 avril, 124 autres ont été expulsés des îles grecques.

La Grèce, quant à elle, s’est engagée à examiner en procédure accélérée les DA avant tout renvoi. Encore faut-il que les migrants concernés aient eu le temps d’ne déposer une avant d’être enfermés dans les centres d’enregistrement, devenus de fait des centres de rétention. Si les pays de l’UE ont été prompts à fournir des renforts policiers à la Grèce, celle-ci attend les 400 juristes et interprètes pour l’aider à examiner les dossiers ! La France a promis d’envoyer 300 agents pour mettre en œuvre l’accord (il en faudrait 4000). Par contre, il y a déjà 170 CRS français dans les îles de Chios et Lesbos. Cazeneuve a aussi fait appel aux douaniers qui seraient « préposés à l’escorte d’étrangers en situation irrégulière au départ de la mer Egée vers la Turquie », en précisant le profit du poste : pour poser candidature, il faut ne pas rechigner à « exécuter des gestes professionnels coercitifs » comme « l’immobilisation » et le « menotage ». La CGT-douanes, en désaccord avec cette mission plus policière que douanière, a obtenu que « le bâton télescopique de protection » (en langage clair : la matraque) et « la bombe incapacitante » soient retirées de la liste de l’équipement du « parfait » douanier en partance pour la Grèce !

Comment se fait « le tri » ? Qui contrôle la Turquie dans la mise en œuvre de cet accord ?

Le 1er avril, Amnesty International a déjà dénoncé l’expulsion par la police turque de plusieurs milliers de Syriens vers leur pays en guerre ! Erdogan profite de l’occasion, il prend un décret le 8 avril pour renvoyer les Pakistanais, étrangers majoritaires en Turquie.

Les migrants, malgré tout, migreront.

C’est bien la crainte de l’UE qui s’est empressée de proposer la prolongation de l’opération Sophia, lancée en 2015 : premier déploiement européen de moyens militaires coordonnés pour résoudre un problème de sécurité intérieure. 24 des 28 membres de l’UE sont impliqués, fournissant 5 frégates (Italie et Allemagne), 1 avion (France) et des moyens matériels et techniques nécessaires pour patrouiller dans les eaux internationales, au sud de Lampedusa, pour lutter contre les trafiquants. Elle souhaite étendre les patrouilles des vaisseaux vers l’est de la Méditerranée, afin de prévenir les arrivées depuis la Libye et approcher ses eaux territoriales ; mais dans ce pays en plein chaos, difficile de signer un accord. L’époque de « l’ami » Kadhafi est révolue, lui qui avait accepté de contenir les migrants sur le continent africain, n’est plus, liquidé par les mêmes qui, aujourd’hui, dans le marasme qu’ils ont contribué à former là-bas, sont bien embarrassés de la coexistence de deux gouvernements.

A peine les frontières se fermaient dans l’espace Schengen et en UE, que les passeurs réorganisaient leurs routes ; délaissant la route des Balkans, ils se préparaient à rouvrir « leurs bureaux » en Albanie et dans les Pouilles en Italie. Le marché est juteux. Depuis 2000, le chiffre d’affaires des réseaux des passeurs est évalué à 16 milliards d’euros. Parallèlement, c’est 11 milliards d’euros que les Etats membres de l’UE ont déboursé pour expulser les sans-papiers et 2 milliards pour renforcer les 14 000 kms de frontières (3). 

Bloquer les frontières, c’est engorger les voies d’immigration, patrouiller dans les eaux territoriales et internationales, c’est rendre les routes de l’immigration encore plus dangereuses pour ceux qui, de toute façon, quittent leurs pays en guerre. Plus on est répressif plus on aggrave la situation, il faut, au contraire, ouvrir des voies sécurisées. Plus on ferme les frontières, plus les gens prennent des risques. 3 700 morts en Méditerranée en 2015 ! Ce n’est pas suffisant ? Des voix s’élèvent mais minoritaires. Pour la première fois, à Hambourg, a eu lieu la 1ère conférence internationale citoyenne des réfugiés et migrants, les 26/28 février 2016, 1 600 participants. Cet évènement inédit, lancé par le groupe Lampedusa de Hambourg en collaboration avec les migrants de Berlin, de Hanovre et de la CISPM (coalition internationale des sans-papiers et migrants) pour organiser un réseau de réfugiés et de migrants. 

Ne cédons pas à la banalisation des renvois musclés, des situations insoutenables pour les familles. A la veille des présidentielles en France, les candidats vont rivaliser d’inventivité pour « gagner des voix », les pires sentiments de racisme vont être exacerbés. Rappelons par tous les moyens
-        que nous ne sommes pas « envahis » par les migrants
-        que les migrations font partie de notre histoire
-        que les migrants sont un apport économique réel et démographique
-        que nous devons respecter le droit international et humanitaire. 

Odile Mangeot, le 26 avril 2016

(1)   Thème traité dans nos numéros 10 (01/2015), 18(oct. 2015) et 19(déc. 2015)
(2)   Politis 14.04.2016
(3)   Le Monde Diplomatique, janvier 2016 « Haro sur Schengen »


Espace Schengen

26 Etats 420 millions d’habitants), dont :
-        22 Etats de l’UE : France, Espagne, Portugal, Belgique, Pays Bas, Luxembourg, Allemagne, Suède, Danemark, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Grèce, Italie, Slovénie, Autriche, Malte
-        4 Etats hors UE : Islande, Norvège, Liechtenstein, Suisse

Chypre, Roumanie, Bulgarie, Croatie : membres de l’UE sont candidats à l’espace Schengen

Royaume Uni et Irlande : membres de l’UE, pas dans l’espace Schengen