Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 1 février 2016

Nous publions, ci-après, le travail de réflexion mené par le groupe des Amis de l’Emancipation Sociale(1) de Lure, qui s’est attaché à comprendre la spécificité de l’évolution de la société espagnole. Le retour sur l’Histoire du peuple espagnol, la sortie de l’ère franquiste puis l’instauration d’une démocratie contrôlée aboutissant à son entrée dans l’UE s’apparente à celle de la Grèce après la fin de la dictature des colonels. De même, la crise de 2007-2008 a profondément bouleversé leurs économies tournées vers le tourisme et la spéculation immobilière. Toutefois, l’émergence de Syriza en Grèce et celle de Podemos est différente. Il serait intéressant de poursuivre cette comparaison… d’autant que le fonctionnement de Podemos n’est guère différent des autres partis. Toutefois, la poussée du mouvement des Indignés et des associations et autres groupes politiques laisse penser que le bouleversement du paysage politique espagnol n’a pas fini de nous étonner. La crise politique en germe (absence de gouvernement volontés indépendantistes et autonomistes, remise en cause de la royauté) contient en elle-même la possibilité de transformations plus profondes. Toutefois, et il faut le souligner, Ciudadanos, parti fondé de toutes pièces (sonnantes) par un banquier, apparaît comme la solution de remplacement que se donnent les classes dominantes, tentant de rallier les couches moyennes pour marginaliser le mouvement populaire et Podemos. Mais cette nouvelle droite libérale, soutenue par les médias, se heurte aux volontés d’autonomie des régions. Cette spécificité espagnole se traduira-t-elle en un système fédéral stabilisateur ? Ou bien à l’image de cette déconstruction de l’union libérale de l’Europe (Ecosse, Brexit, Grexit, montée des nationalismes) ? Assistera-ton à l’éclatement de l’unité de l’Espagne ? Sachant que le mouvement indépendantiste en Catalogne, bien qu’il ait évincé Arthur Mas, ce dirigeant de la droite libérale catalane, lui substitue un nouveau leader issu de la même formation politique… et ce, sous la pression d’un parti d’extrême gauche. DP.

Qué pasa en Espana ?

A travers cet article, nous allons tenter de répondre à 4 questions concernant la situation actuelle en Espagne.

Question 1 : Comment un NOUVEAU parti politique, enregistré le 11/03/2014, peut-il, un an plus tard, remporter les villes de Madrid et Barcelone aux élections municipales et obtenir 21% des voix aux élections législatives un an après ?

Question 2 : Pourquoi l’Espagne se trouve-elle aujourd’hui, le 19/01/2016, sans gouvernement ?

Question 3 : Où est l’équivalent espagnol du Front National français ?

Question 4 : La Catalogne sera-t-elle indépendante en 2017 ?

1ère partie - Petit rappel historique

L’Espagne a connu la dictature de F. FRANCO, de 1936 à 1975, et donc pas de problèmes électoraux à cette époque !!! Se doutant qu’il allait mourir un jour, Franco choisit, forma, éduqua, son successeur en la personne de Juan CARLOS, surnommé alors «  le pantin de Franco ». Mais, à la surprise générale, et non sans un certain courage, Juan Carlos, nommé roi le 22/11/1975, quelques jours après la mort du Caudillo, convoqua un groupe d’experts afin de préparer une Constitution instituant la démocratie en Espagne : la Constitution de 1978 prévoyait en effet l’élection au suffrage universel, tous les 4 ans, d’un Parlement qui désigne un premier ministre chef du gouvernement.
Le 1er gouvernement de SUAREZ, centriste, connut le coup d’Etat de 1981, pendant lequel des militaires putschistes prirent en otage l’Assemblée Nationale espagnole durant 17 heures, n’hésitant pas à faire usage d’armes à feu.
Juan Carlos intervint à la télévision pour demander à l’armée de soutenir le gouvernement légitime et le coup d’Etat échoua. Commença alors une alternance entre deux partis hégémoniques le PSOE, parti socialiste ouvrier espagnol (gauche) et le PP, parti populaire (droite).

Scores électoraux
1982/1996 : Felipe Gonzalés, PSOE
1996/2004 : J M Aznar, PP, 44%
2004/2011 : JL Zapatero, PSOE, 43%
2011/         : M. Rajoy, PP, 45%
Ces scrutins se déroulent à la proportionnelle par circonscription en un seul tour. Ces scores sont donc à comparer au 1er  tour des élections françaises.

On peut s’étonner que les Espagnols se soient contentés, durant ces années, d’une offre politique si pauvre, mais ils avaient une bonne raison : ILS CONSOMMAIENT. Après la dictature, l’Espagne s’ouvrait à nouveau aux capitaux, aux industries, aux touristes… Les Espagnols avaient du travail et, en confiance, n’hésitaient pas à s’endetter pour acheter des maisons, des biens de consommation, dont ils avaient été privés sous Franco.

Le PIB fut multiplié par 8 (4 pour la France)

L’entrée dans l’Union Européenne, en 1986, dopa encore la croissance. En effet, l’Espagne bénéficia de subventions européennes en matière d’infrastructures (transport, agriculture, énergie…). Entre 2005 et 2008, la croissance en chiffres cumulés fut de 11,1% (6,4% pour la France).

Bref, les Espagnols avaient du travail, s’équipaient et la politique était le cadet de leurs soucis. Cette indifférence permit au PP et au principal syndicat l’UGT, proche du PSOE, de prospérer en toute quiétude,  de s’affranchir parfois de règles légales.

Ce rappel historique a pour but de montrer que l’Espagne et la France abordent différemment la crise de 2008 : la France connut les Trente Glorieuses puis une croissance faible, l’Espagne, une stagnation puis une croissance très forte.

2° partie - Réponse à la question n° 1
La crise de 2008 et la naissance du parti PODEMOS

La crise de 2008 transforma en France une croissance faible en une stagnation. Nous l’avons pourtant tous ressentie concrètement (retraite, Sécurité Sociale, conditions de travail, salaires,…). La croissance passa de 6,4% (chiffres cumulés) entre 2005 et 2008 à 0,9% entre 2009 et 2013.

En Espagne, on passa de 11,1 % à -5,8%. L’Espagne connut une réelle récession.

La France a ralenti, l’Espagne, elle, a frappé un mur et est repartie en arrière. Le taux de chômage atteignit 25% en 2013 (50% pour les moins de 25 ans). De plus, pour sauver les banques espagnoles, l’UE octroya au pays un prêt de 41 milliards d’euros, assorti de l’obligation de coupes budgétaires sanglantes et de taux d’intérêts peu amicaux.
Ce séisme économique fit voler en éclats les pactes tacites entre gouvernement et syndicats et mit à jour moult affaires de corruptions, détournant de la classe politique traditionnelle un grand nombre d’Espagnols.

Entre 2008 et 2014, de nombreuses associations, collectifs citoyens virent le jour pour lutter contre les effets de cette crise. De nombreuses expériences de micro-économies solidaires se créèrent et engendrèrent de grands mouvements sociaux, « marées vertes » dans l’éducation, « marée blanche » dans la santé, « mouvement des indignés », l’Espagne populaire et solidaire était en ébullition.

Dans ce contexte se créa à Madrid un collectif de professeurs de l’Université de Complutence en pointe sur le problème des expulsions, dont faisait partie un certain Pablo Iglésias, professeur de communication économique. Ce collectif en a fédéré de nombreux autres qui souhaitaient poursuivre la lutte sociale sur le plan politique.

C’est ainsi que fut enregistré le 11/03/2014 un nouveau parti politique : PODEMOS (Nous pouvons).

En mai 2014, son score aux européennes est de 8%. Aux municipales, Podemos gagne la ville de Madrid (Manuela Carmena) et Barcelone (Ada Colau).

En décembre 2015, Podemos fait 21% aux élections législatives.
C’est donc par l’engagement citoyen, hors des partis traditionnels, à travers des collectifs, des associations et la présence d’un leader fédérateur que Podemos a pu aussi rapidement obtenir de telles victoires électorales.


3° partie : Situation actuelle

A partir de 2013, les élections ne se jouent plus à deux partis mais à trois, voire à quatre ; car un autre parti apparaît également. Ce parti est né en Catalogne en 2005. C’est un parti anti-indépendantiste, libéral, qui va servir de support au plan national à des candidats libéraux venant de la société civile. Ce parti s’appelle : CIUDADANOS (citoyens) dont le leader s’appelle Albert Rivera.

En décembre 2015, les élections législatives se déroulent donc avec ces 4 principaux partis et le résultat fut :

1 : PP                     28%                        123 députés
2 : PSOE               22%                          90 députés
3 : PODEMOS       21%                          69 députés
4 : CIUDADANOS  14%                        40 députés
5 : divers                15%                         30 députés     
Majorité absolue 176 députés.

Sachant
-         que Ciudadanos refuse de s’allier avec les partis traditionnels (PP, PSOE),
-         que Podemos, lui, est prêt à des alliances à condition que le Parti concerné organise un référendum d’auto-détermination en Catalogne et au Pays Basque  (ce que refusent tous les autres partis),
-          et que l’alliance PP/PSOE apparaît actuellement comme une alliance contre-nature,
vous obtenez la réponse à la question n° 2 : l’Espagne n’a pas de gouvernement car aucun parti n’a la majorité absolue et aucune alliance ne se dessine actuellement. Ces alliances pouvant atteindre la majorité absolue grâce aux voix des députés «  divers » négociés à travers des accords individuels locaux.

La réponse à la question n°3 concernant le Front National espagnol est rapide. En effet celui-ci n’apparaît pas en tant que parti mais les idées d’extrême-droite sont défendues par une partie du PP qui « phagocyte » ce mouvement.

4° partie : la Catalogne

On dit généralement que la Catalogne souhaite son indépendance car c’est une région riche qui refuse de payer pour les régions pauvres d’Espagne. Ce n’est pas faux mais c’est loin d’être la seule raison.

Quelques rappels :
La langue officielle en Catalogne est le catalan. Les enfants suivent leur scolarité en catalan et apprennent l’espagnol (castillan) en 2° langue.
La Catalogne possède une police catalane (los mossos de Escuadra) qui a toutes les compétences (excepté celles concernant la police des frontières).
Elle possède plusieurs chaînes de TV en langue catalane (privée, publique).
Les Catalans parlent exclusivement entre eux en catalan (langue totalement différente du castillan)
La corrida, symbole de l’Espagne est interdite en Catalogne depuis 2010.
Le mouvement indépendantiste y est très présent (drapeaux aux fenêtres, tags pro-indépendantistes nombreux…)
Les Catalans ne se sentent pas culturellement espagnols.

On aurait donc pu s’attendre à un raz-de-marée indépendantiste aux régionales de 2015. Pourtant, ce mouvement n’obtint que 48% et, grâce ou à cause du système électoral (élection proportionnelle par circonscription), a obtenu la majorité absolue au parlement catalan (72 sièges sur 135).

Il semble donc que la population catalane soit divisée en deux parties quasiment égales, l’une souhaitant une véritable indépendance et l’autre une autonomie plus grande au sein de l’Espagne. La Catalogne se trouve donc dans la pire situation : chaque camp revendiquant la victoire.
Le parlement a donc mis en route le processus d’indépendance avec la majorité des sièges mais sans la majorité des voix. La détermination totale dans la voie de l’indépendance est confirmée par l’élection du nouveau président du Parlement catalan M. PUIGDEMONT, indépendantiste intransigeant de la première heure, qui promet l’indépendance pour 2017 au plus tard.

Remarque : cette volonté pourrait inciter, au niveau national, le PP et le PSOE à s’allier pour ne pas laisser la voie libre à l’Indépendance catalane.

A la question n°4 : La Catalogne sera-t-elle indépendante fin 2017, le groupe des AES de LURE apporte une réponse unanime, claire et précise : on ne sait pas !!

Jean-Louis, Lucette, Danièle, Fabrice, Evelyne – groupe des AES de Lure, le 19.01.2016

Les Amis de l’Emancipation Sociale
(une association du Nord Franche-Comté et au-delà)
sont tous
ROUGES de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme
VERTS de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète
NOIRS d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité
 que nous voulons multicolore, multiculturelle et solidaire

Les AES, c’est
Informer pour se libérer                                                            Se libérer pour agir
Agir en s’auto-organisant                                                              S’auto-organiser dans l’égalité

Pour nous soutenir ou adhérer : contact : aesfc@orange.fr