Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 1 février 2016

2016. Que peut-il advenir ?

Tenter de discerner, à partir de grandes lignes de forces caractérisant la période actuelle, ce qu’il peut advenir  est un exercice périlleux. L’Histoire, en effet, dément le plus souvent les meilleures analyses, surprend toujours les observateurs les plus avisés.
Ils étaient peu nombreux ceux qui, lors de la séquence dite de la « mondialisation heureuse », avaient pu imaginer la naissance d’un mouvement altermondialiste d’ampleur mondiale, pour finalement s’échouer sur la croyance infondée d’une possible transformation des institutions internationales (FMI, OMC)
Ils étaient encore moins nombreux ceux qui prédisaient la crise de 2007-2008, le sauvetage des banques et de la finance, les politiques d’austérité et de régression drastiques.
Rares étaient  ceux susceptibles d’entrevoir que les dictatures arabes allaient être ébranlées…
Reste que, dans la dernière période, bien des certitudes largement admises se sont effritées et qu’il est toujours utile de pointer les fissures du système-capitalisme.

1 – L’ébranlement de la domination du capitalisme financiarisé va se poursuivre

La crise de 2007-2008 et les pseudo-remèdes administrés pour tenter de relancer la « croissance » par l’injection de liquidités n’ont rien réglé. « L’argent facile », la planche à billets sous forme de rachats de dettes par la BCE ou la FED américaine, ont surtout profité aux banques et aux transnationales. Le capital fictif (1) n’a guère servi à surmonter la baisse des commandes et du pouvoir d’achat des ménages. En revanche, la spéculation et les inégalités ont désormais atteint des niveaux inégalés(2). La crise de surproduction, qui a pris la forme d’une crise financière de spéculation immobilière, est toujours là. Les médias en parlent de manière euphémisée en invoquant des « surcapacités » dont on ne nous dit pas d’où elles proviennent… La crise qui vient pourrait faire bien plus de dégâts.

Entretemps, le paysage politique s’est transformé dans de nombreux pays pour le pire et parfois le meilleur. En Grèce, en Espagne, notamment, les vieux partis traditionnels d’alternance ont reçu les coups de boutoirs des mouvements populaires défensifs contre les politiques d’austérité. De nouvelles formations politiques ont surgi, y compris des mouvements nationalistes, identitaires et xénophobes. Les volontés de sauvegarder les « acquis » sociaux durant des Trente Glorieuses, de préserver l’environnement, tout comme les réflexes de repli face à la concurrence des pays tiers, laissent penser que ce clair-obscur va persister. L’expérience grecque s’est traduite par un échec face aux diktats de Bruxelles et à la « trahison » de Syriza. En Espagne, le jeu reste ouvert mais Podemos semble encore moins « radical » que Syriza…(3). Quant aux forces xénophobes, elles ont le vent en poupe, notamment dans les pays de l’Est (Pologne, Hongrie…).

Au Moyen-Orient, les soulèvements populaires, appelés improprement « printemps arabes », ont ébranlé les dictatures. Les classes dominantes ont vite repris le dessus dans ces sociétés marquées par la culture islamique. La contre-révolution à l’œuvre a opposé, et oppose encore, les forces libérales corrompues aux partis islamistes conservateurs, voire réactionnaires. En Egypte, l’armée a pris le pouvoir pour consolider les premières, alors qu’en Tunisie une coalition improbable de ces deux forces tente de se maintenir au pouvoir. L’Arabie Saoudite, cette pétromonarchie féodale et théocratique, a tout fait pour maintenir les forces dominantes au pouvoir (aide aux militaires en Egypte), lutter contre les Frères Musulmans concurrents, et remettre au pas le Qatar. Elle n’a pu, en revanche, contrer l’influence grandissante de Daech et la persistance d’Al Qaïda qui contestent la légitimité des pétro-monarques.

Au demeurant, la contre-révolution n’a provoqué que l’extension de la guerre sous la forme d’une opposition irréductible entre les tenants de l’islamisme rétrograde, des pétromonarchies, de l’Iran chiite et du régime turc dont les visées hégémoniques sur cette partie du territoire persiste, malgré les revers subis par les Frères Musulmans. En outre, la misère sociale, les taux de chômage ahurissants, les inégalités pharaoniques, se sont accrus, laissant persister la possibilité de la reprise de mouvements populaires d’ampleur (Tunisie, Egypte…).

Autrement dit, les impérialismes, parrains des régimes, qu’ils soient occidentaux ou russes, ont de moins en moins de prise sur eux. Aucun d’entre eux n’a réussi, pour l’heure, à restaurer son hégémonie.

En Europe, les diktats de Bruxelles et de la Troïka auront désormais de plus en  plus de mal à s’imposer. On imagine mal la reconduction de cette même coalition au sein de l’Euro-groupe pour imposer, comme elle l’a fait en Grèce et à Chypre, des mesures draconiennes d’austérité à l’Espagne, à l’Italie… En effet, l’Europe, telle qu’elle s’est construite, entre dans un processus de déconstruction. Outre la fin de Schengen avec l’afflux des réfugiés fuyant la guerre et la misère, une sourde guerre souterraine pour s’accaparer des parts de marchés ou les protéger de la mainmise des grands groupes capitalistes, font surgir autant de réflexes nationalistes, heurtant les puissances dominantes. Le mythe de l’Europe harmonieuse et de la paix s’étendant à l’Est, semble avoir vécu : les concurrences sociales, fiscales, les tentatives de leadership allemand l’ont fragilisé à un point tel qu’elles menacent l’unité même des Etats (Ecosse ou Royaume Uni, Catalogne en Espagne, Belgique et même la Corse en France). 

Toutes les castes politiciennes au pouvoir, en alternance, se raidissent, se hérissent de ne plus pouvoir maîtriser les situations qu’elles ont elles-mêmes peu ou prou provoquées à coups d’austérité, d’inégalités sociales et territoriales. La commission européenne et le FMI en viennent timidement à proposer aux Etats de promouvoir une politique de la demande contre celle de l’offre qu’ils ont préconisée jusqu’ici. En d’autres termes moins obscurs, il s’agirait de relancer des grands travaux, d’augmenter la masse salariale globale… tout en continuant à réduire l’endettement, donc à supprimer les dépenses sociales jugées trop onéreuses. C’est la quadrature du cercle ! Car quoiqu’on laisse penser, les créanciers, les banques, les assurances, les fonds spéculatifs ne veulent pas en démordre (y compris les Etats prêteurs et les institutions financières) : remboursez, y compris les intérêts ! La renégociation de la dette promise à Tsipras, le grec, pourrait bien se révéler un mirage. D’ailleurs, les Grecs semblent l’avoir compris, les protestations populaires face à la contre-réforme du régime des retraite et contre les privatisations-spoliations, reprennent.

Qui plus est, confrontée aux conséquences imprévues (pour l’UE) des guerres successives d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie et l’afflux des réfugiés qu’elles engendrent, la « solidarité » européenne n’est plus de mise. Elles confortent ainsi les mouvements xénophobes, y compris en Allemagne. En Grande-Bretagne, le Brexit, suite au référendum prévu cette année, pourrait inaugurer la déconstruction de l’UE. Pour l’heure, les classes ouvrières et populaires ne semblent guère se doter « d’outils » collectifs à la mesure des contraintes qu’elles sont amenées à subir.

Aux USA. Le faible frémissement de l’économie US ne repose que sur le sauvetage des banques, l’injection massive de liquidités par la banque fédérale (la FED) sans que l’on n’assiste, pour autant, à une croissance fiable. Celle-ci ne s’appuie que sur la reprise fragile de l’endettement des ménages, ce recours au crédit qui, précisément, a provoqué la crise de 2007-2008. La production intensive de pétrole et de gaz de schiste a certes joué un rôle de stabilisateur mais, pour combien de temps et au prix de quels dégâts environnementaux ? La société états-unienne reste marquée par de profondes inégalités, le racisme et les peurs de la majorité blanche déclinante (4). Les humeurs néoconservatrices et impériales sont de retour sous les formes les plus caricaturales dans le parti dit Républicain (Donald Trump). Elles laissent augurer un remake de l’ère bushienne. Certes, les jeux ne sont pas faits. Les traités de libre-échange transpacifique et le TAFTA avec l’Europe sont susceptibles de redonner du lustre à l’impérialisme US. Il n’empêche, l’aggravation brutale de la situation économique mondiale peut tout bouleverser… et conférer à l’élection présidentielle prochaine un tour abracadabrantesque sur fond de mobilisation politicienne à coups dantesques en milliards. La ploutocratie états-unienne est en effet caractérisée par des luttes de clans où le carnet de chèques est décisif ! Au demeurant, ces guerres picrocholines ne doivent pas masquer l’essentiel : le recul de la superpuissance US. Obama, empêtré dans les guerres au Moyen-Orient, n’a guère réussi son « pivot » vers l’Asie afin de contrer l’influence de la Chine dans cette partie du monde. La montée des nationalismes en Asie (Chine, Japon…), la forte présence de populations musulmanes travaillées par l’idéologie wahhabite (Indonésie, Malaisie) et l’irréductibilité de la Corée du Nord ne lui facilitent pas la tâche et ce, malgré le nombre de bases militaires installées dans la région. Bien des « dérapages » sont possibles.

En Amérique latine. Les gouvernements « progressistes », issus des mouvements de contestation du « libre-échange » imposé par les Etats-Unis (ALENA) et de la volonté de se soustraire à l’endettement, sont soit renversés (Argentine) soit en grande difficulté. Les droites libérales reviennent au pouvoir dans une situation de marasme économique et de protestation des classes moyennes. Les équipes « progressistes » (d’autres diraient populistes), bien qu’affirmant leur volonté de se soustraire à la tutelle états-unienne, de promouvoir des mesures sociales y compris en faveur des peuples autochtones, ont révélé leur propre incapacité à construire une économie diversifiée répondant aux besoins des populations. Elles ont tout misé sur la rente (pétrole, matières premières) et ne se sont pas attaquées aux classes dominantes compradores, corrompues, voire maffieuses. Le très mal nommé Parti des Travailleurs au Brésil a sombré dans le marigot des affairistes, tout comme les péronistes argentins. D’autres résistent encore sur des bases fragiles nationalistes, développementistes (Equateur, Bolivie…), coincés qu’ils sont par la domination du capitalisme financiarisé, voire par leur propre endettement. Le ralentissement économique de la Chine (voir plus loin) provoque déjà l’affaiblissement de l’exportation des matières premières et la fuite des capitaux. Dans ce continent, marqué par de puissants mouvements de luttes d’ouvriers et de sans-terre, le « socialisme bolivarien » pourrait bien connaître des rebondissements inattendus.

La mondialisation du capitalisme financiarisé ébranlé possède toutefois un ennemi qui le conforte. La guerre contre le terrorisme inauguré par Bush n’a pas fini de produire ses effets. 

2 – Vers l’extension du domaine de la guerre et ses conséquences

En période de crise, « le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait à peu près en ces termes, Jean Jaurès. Dans l’état de rivalité entre puissances impériales, rien ne laisse supposer que les guerres en Syrie, en Irak et désormais en Libye et au Yémen pourraient se clore en 2016. Avec les interventions russes et iraniennes d’une part, et, d’autre part, les soutiens occidentaux et des régimes du golfe persique aux différents protagonistes, le régime du boucher Assad risque de perdurer et l’EI se perpétuer. La contre-révolution dans ces pays qui se déchirent entre ailes rétrogrades obscurantistes et dictatoriales, qui, en termes d’influence régionale, va l’emporter, de l’Iran ou de l’Arabie Saoudite ? Qui des Russes et des Etats-uniens, flanqués de leur sergent- chef Hollande comme force supplétive, tirera son épingle du jeu meurtrier pour assurer la « reconstruction-construction » de ces sociétés délabrées et disloquées ? On voit mal l’Irak conserver son unité alors même que les Kurdes possèdent leur autonomie au nord, que les Chiites ont leur gouvernement à Bagdad et que les Sunnites sont sous la coupe de Daech.

Quant aux Kurdes syriens, les seuls jusqu’à présent à avoir fait reculer l’Etat Islamique, ils ne sont pas en mesure de s’allier avec la plupart des groupes anti-Assad dont nombre d’entre eux sont sous la coupe des pays du Golfe. Enfin les « révolutionnaires-démocrates » syriens, qui avaient animé les manifestations pacifistes avant leur transformation en guerre civile, sont soit noyés dans la masse des groupes rebelles islamistes, soit exilés dans des camps ou « parqués » en Europe. Les haines recuites dans ce bourbier ne sont pas prêtes de s’éteindre et les frappes aériennes (tout comme l’armement des parties opposées) ne font que les attiser. Qu’il est loin le rêve bushien du grand Moyen-Orient libéralisé sous la coupe des Etats-Unis !

La Turquie elle-même, malgré la prégnance du régime despotique d’Erdogan est en voie de déstabilisation : le flot des réfugiés sur son sol, la reprise de la guérilla kurde et sa répression, le muselage de la presse, l’incarcération de journalistes et d’opposants, sont autant de divisions internes attisées, tout comme les attentats terroristes de Daech qui n’admet pas le revirement du gouvernement turc. En effet, « l’autoroute des djihadistes » permettant le recrutement d’Occidentaux et de Caucasiens, si elle se ferme, va inciter Daech à multiplier des attentats meurtriers. Nombre de cellules dormantes terroristes sont présentes sur le sol turc. Daech, dont on voit mal « l’éradication » survenir en 2016, va continuer à produire et à étendre ses nuisances mortifères sur fond de misère sociale, de désarroi et de repli à caractère tribaliste.

Dans les couloirs des palais des grandes puissances occidentales, on parle désormais de la nécessité de frappes aériennes dans la Libye divisée en deux gouvernements hostiles et dans laquelle prospère l’influence territoriale de ceux qui se revendiquent de Daech. Et l’on pourrait continuer cette énumération dans les pays africains du Sahel (Mali, Mauritanie, Centre Afrique…).

La seule éclaircie possible résulterait de la conjonction, improbable pour l’heure, de nouveaux soulèvements populaires en Tunisie, en Egypte… avec un mouvement antiguerre dans les pays occidentaux.

3 - Vers une accélération du chaos ?

La mondialisation financière s’est construite sur l’exportation des capitaux, la délocalisation d’entreprises dans les régions à bas coût de main-d’œuvre. Ce fut le moyen de surmonter la crise des années 70 et la baisse des taux de profit. « L’ouverture » de la Chine en a été le pivot essentiel. Cet « atelier du monde » connaît désormais les affres du capitalisme. La crise de 2007-2008 a provoqué dans les pays occidentaux, stagnation, déflation, et la récession menace. Le renflouement des banques, l’injection de capital fictif ne permettent pas de relancer la croissance d’autant que les politiques d’austérité sont des facteurs asphyxiants. La Chine ne parvient plus, comme avant, à exporter ses marchandises dans des économies plombées par l’endettement et toujours tentées par la spéculation, que la préservation des paradis fiscaux favorise.

La prospérité relative de la Chine reposait sur ses énormes capacités d’exportation de marchandises qui se heurtent désormais à l’affaiblissement de la demande occidentale. La surproduction renforcée par le volontarisme industriel et immobilier se traduit par la surabondance d’infrastructures et une pollution insoutenable. La construction de tours et d’immeubles, favorisée par la spéculation immobilière, ne rencontrant plus les acheteurs nécessaires, tout comme la fin de l’exode rural intensif, laissent présager la fin d’un cycle et la possibilité d’une crise économique et financière de grande ampleur. Déjà, la déroute boursière que ne parvient pas à contenir le PCC (que nous appelons Parti du Capitalisme Chinois, dirigiste) en est le signe le plus apparent. L’injection de liquidités démesurées, 512 milliards de dollars en 2015, pour la contenir ne suffit pas. Le pouvoir semble tenté par la dévaluation compétitive du yuan qui relancerait les exportations à bas coût et freinerait les délocalisations d’entreprises (Vietnam…) et de capitaux. Il compte surtout, suite à l’entrée de la Chine à l’OMC, sur la suppression des barrières douanières à l’horizon 2017 pour inonder les marchés, détruisant par là-même les tissus industriels persistants dans les pays occidentaux.

Si la Chine, comme nombre de facteurs le laissent supposer, devait « dévisser » (ralentissement de son taux de croissance, éclatement des bulles boursières et bancaires), l’ensemble des pays en serait affecté. C’est déjà le cas. Les pays exportateurs de matières premières, dont l’empire du Milieu était friand, sont déjà touchés. Ainsi en est-il du Brésil comme de nombreux pays dont l’économie repose sur cette rente.

Autre facteur qui risque d’accroître le chaos à venir, la baisse du prix des hydrocarbures, suite à la politique menée par l’Arabie Saoudite. Pour contrer le pétrole de schiste US, affaiblir l’Iran, et, par voie de conséquence, la Russie, la théocratie saoudienne a inondé le marché de pétrole faisant drastiquement baisser le coût du baril. Il est passé sous la barre des 30 dollars ! Ce régime ploutocratique, malgré ses énormes réserves, se déstabilise lui-même ; en 2015 son budget a été voté en déficit ( !). Les dépenses d’armement, la guerre menée contre le Yémen, la lutte des clans tribaux et familiaux au sein du pouvoir, portent à penser que ce régime réactionnaire pourrait bien, à terme, rejoindre les poubelles de l’Histoire. Mais bien avant cette fin souhaitée, d’autres régimes sont sur la sellette : l’Algérie, le Venezuela… et surtout la Russie. La puissance poutinienne, face à la récession qui l’étreint, pourrait bien devenir encore plus agressive pour se maintenir, et le conflit ukrainien reprendre pour contenir l’expansion de l’Union Européenne et de l’OTAN…

Autre impensé, en termes de conséquences dramatiques, malgré la grand’messe médiatique de la COP 21 : l’impossible mutation du capitalisme productiviste, extractiviste, drogué à la finance, à la recherche erratique du maintien d’un taux de profit à 2 chiffres. Outre les déplacements brutaux de capitaux vers des actions rentables, le dérèglement-réchauffement climatique va se poursuivre malgré les promesses invoquées(5). Les catastrophes humaines engendrées, famines et destructions, susciteront un flot incontrôlable de réfugiés climatiques. Certes, le pire n’est jamais certain mais les « maîtres du monde » réunis à Davos semblent s’en soucier comme d‘une guigne. Verra-t-on, comme souhaité, la convergence nécessaire des luttes écologiques et sociales pour mettre, pour le moins, un coup d’arrêt aux processus destructeurs et, pour le plus, l’apparition de mouvements politiques prônant un éco-socialisme démocratique tourné vers la satisfaction des besoins des peuples ? Pour 2016, rien n’est moins certain.

Et la France. Que faire ?

L’état d’urgence prolongé, c’est un état d’exception permanent(6). Outre la lutte contre le terrorisme, dont on a pu mesurer l’inefficacité patente, les mesures liberticides inscrites dans la Constitution serviront à mater les mouvements sociaux. C’est déjà d’ailleurs le cas (7) et la classe dominante et ses représentants de « gauche » et de droite s’y préparent. Ils savent : la désindustrialisation, suscitant un cortège de licenciements et de luttes défensives, va se poursuivre. La fragilité d’une agriculture productiviste tournée vers l’exportation provoque déjà des mouvements de colère. La caste politicienne, dans ses différentes composantes, va poursuivre ses surenchères à l’approche des présidentielles : toujours plus de libéralisations-privatisations-régressions promettant ainsi de reconquérir le marché sur ses voisins européens. Il s’agit là d’un jeu à somme nulle sur fond de stagnation économique. Faute de mouvements sociaux d’ampleur, reconfigurant le paysage politique, le coup de Jarnac à la Chirac pourrait bien se reproduire : un candidat de la caste, quel qu’il soit, contre l’épouvantail Le Pen au 2ème tour des présidentielles. Sauf que, cette fois, la farce électorale risque de tourner à la tragi-comédie : un fort taux d’abstention et une montée inégalée du FN. L’élite politicienne, largement désavouée, ne pourrait alors se maintenir que par la répression.

Ce que l’on peut espérer de mieux, c’est un bouillonnement social tel, qu’il fasse surgir une force de transformation sociale et politique venue d’en bas comme en Espagne, et ce, sans se faire d‘illusions sur les raccourcis car les chemins à parcourir restent semés d’embuches.

Reste pour l’heure, dans l’attente de ce qui peut advenir, à diffuser, à contre-courant, les idées d’émancipation sociale, d’éclairer autant que nous le pouvons, la réalité mouvante dans laquelle nous sommes insérés. A nous souvenir également que la puissance médiatique n’a pu contrer les mouvements de 1995 ou les mobilisations contre le CPE ou contre le Traité Constitutionnel Européen. Quand le « peuple » veut, tout est possible.

Gérard Deneux, le 23.01.2016  



(1)    Cf article « Capital fictif, évasion fiscale et spéculation » dans PES n° 13 (avril 2015)
(2)    « 62 personnes possèdent autant que la moitié de la population mondiale » article Oxfam National sur  https://www.oxfam.org/fr    
(3)    Cf article dans ce numéro « Que pasa en Espana ?»
(4)    Lire à ce sujet Un nouveau rêve américain de Sylvain Cypel (éditions Autrement), qui montre, entre autres, que les minorités « afro-américaines, latino, asiatiques) sont en passe de devenir majoritaires, ce qui provoque la « rage blanche » et laisse présager, selon l’auteur, une démocratisation des USA( ?). Pour l’heure, c’est un rêve.
(5)    Cf article dans ce numéro « COP 21. L’accord de Paris ignore l’état d’urgence climatique »
(6)    Cf article dans ce numéro sur l’état d’urgence
(7)    Cf article dans ce numéro «Goodyear et meilleurs vœux »