Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 12 décembre 2013

Le fond de l’air est gris (1)
Sur la signification de la mobilisation bretonne

Morosité, colère, résignation… et, de nouveau, explosion de colère. Les sondages le disent, les préfets s’alarment. Selon l’étude menée par l’institut CSA, 58% des Français perçoivent la mondialisation libérale comme un danger pour eux-mêmes, 77% constatent que les inégalités se sont aggravées, 88% pensent que les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne se préoccupent pas des gens comme eux, 30% se disent devenir pauvres dont 55% parmi les classes populaires. Quant à l’institut BVA, chargé de définir les aspirations des Français dans 10 ans, il note que 55% souhaitent que l’Union Européenne ait moins de pouvoir, voire la fin de l’UE (23%). Pour 75%, la prise en charge de la protection sociale et pour 70%  l’emploi sont prioritaires. Les partis seraient-ils «discrédités» et les syndicats «dépassés» ? Assiste-t-on comme le disent les médias à une poussée poujadiste ? Voire ! L’historien Garrigues renvoie ce phénomène politique aux mécontents et victimes des Trente Glorieuses et affirme que nous vivons «une crise économique et sociale sans précédent» qui «frappe toutes les régions et catégories populaires et moyennes», l’on assisterait à une coupure entre ceux d’en haut et ceux d’en bas.
La chronique des évènements de Bretagne et leur enchaînement sont à cet égard significatifs pour autant que l’on ne se laisse pas enfumer par les manœuvres et récupérations qui les ont marqués.

Ambiguïtés, mobilisations, divisions

Appel de Pontivy, le 16 juin, dans le Morbihan. Il est pratiquement passé inaperçu. Trente patrons locaux se sont réunis pour fonder un comité de convergence des intérêts bretons. Face à la crise du système agro-industriel breton (voir plus loin), ils réclament un «droit à l’expérimentation régionale». Partisans de l’Europe des régions, ils entendent transformer la Bretagne en zone franche, leur permettant d’utiliser dumping social et fiscal pour faire face à leurs concurrents brésiliens, allemands, polonais… Dans ce cadre, ils s’insurgent contre l’écotaxe… FO Finistère réagit : «nous ne voulons pas d’une régionalisation du droit social et des conventions collectives».  

Début octobre est connu le rapport confidentiel demandé aux préfets : il note la montée de l’exaspération des Français, leur sentiment d’abandon et le «choc psychologique dû au matraquage fiscal des foyers jusque là non imposables». En Bretagne, les licenciements se succèdent. Chez Gad (poulets), c’est près de 900 emplois supprimés. Le 25 octobre, après 3 semaines de mobilisation contre la fermeture d’un abattoir, l’occupation de l’aéroport de Brest, le blocage du pont de Rennes, le blocage d’autres abattoirs où la surcharge de travail a nécessité l’embauche en catimini de Roumains sous-payés, ils obtiennent 400€ de prime de licenciement par année d’ancienneté et le paiement des jours de grève. Mais rien sur la possibilité de la reprise du site de Lampaul, encore moins sur sa dépollution. Le 14 octobre, les licenciés s’unissent, ceux de Gad, ceux de Tilly-Sabco (poulets) de Marine-Harvest (saumon)…. car toute la filière agro-alimentaire est touchée. Ils manifestent à Brest, à Morlaix…. Les confédérations syndicales semblent ( ?) aux abonnés absents. 700 salariés de Marine-Harvest appellent à la coordination des luttes. Ils s’adressent au Maire de Carhaix (8000 habitants), «l’homme» qui a empêché la fermeture de la maternité et de la chirurgie de l’hôpital de cette ville. Le 18 octobre, ce sont 600 travailleurs de Doux, Gad, Tilly-Sabco qui lancent un appel à la «levée en masse» pour «vivre, décider et travailler au pays». Cet appel est relayé par le NPA, les Alternatifs, l’UDB (Union Démocratique Bretonne), ATTAC, les Zadistes de l’aéroport Ayrault et même par le Front de Gauche. L’initiative échappe aux états-majors des partis et des syndicats, pire, elle prend un caractère antigouvernemental qui les effraie. Un appel est lancé pour une grande manifestation à Quimper contre les licenciements.

Le 26 octobre, la FDSEA lance ses opérations contre les portiques de l’écotaxe. Plus de 1 000 personnes y participent avec plusieurs centaines de camions, de tracteurs remplis de pneus, de choux-fleurs, d’œufs, de bottes de paille. L’UMP soutient. Des heurts violents se produisent avec les CRS. La FDSEA, forte de ces relatifs succès, appelle à manifester à Quimper avec les licenciés. La direction de la CGT s’en saisit pour s’y opposer et appelle à manifester à Carhaix. La division va-t-elle s’installer, faut-il manifester avec les agriculteurs et les patrons ?

Le 28 octobre, la Fédération du PS «souhaite l’annulation (interdiction ?) de la manifestation à Quimper et « l’ajournement de l’écotaxe ».

Le 30 octobre, réunion des états-majors syndicaux CGT, FSU, Solidaires pour l’organisation de la manif à Carhaix. PC et PG favorables. SUD propose de participer aux deux manifs, à 10h à Carhaix et à 15h à Quimper. Refus catégorique.   

Les deux manifs du 2 novembre. Quimper. Carhaix.

A Quimper, 30 000 salariés, précaires, chômeurs, jeunes, retraités, artisans, paysans, ceux de Marine-Harvest, Gad, Doux, Tilly-Sabco, la CGT Marine-Harvest, des syndicalistes. Toute la gauche bretonne et toute la gauche radicale sont là (NPA, Alternatifs, Breizh Résistance, UDB) et même des antilibéraux, des Zadistes, des Front de Gauche et aussi,  des Verts. C’est la plus grande manif, qui plus est dynamique, qu’ait connue Quimper avec pour thématiques : «Pour l’emploi, vivre et travailler en Bretagne», «contre le productivisme et contre le gouvernement Hollande-Ayrault». Les patrons sont discrets, les Identitaires esseulés. Les chants entonnés comme les prises de paroles sont significatifs : Bella Ciao, la blanche hermine, la rage du peuple de Keny Arkana, puis, après quelques échauffourées avec les CRS, les propos tenus par les délégués FO de Doux, de Marine-Harvest, de la CGT des pêcheurs, de SBFM (Société bretonne de Fonderie et Mécanique), ne laissent pas place au doute. C’est une manifestation d’unité populaire, même si l’on peut noter quelques ambiguïtés.

A Carhaix, à 75 kms de là, toute la bureaucratie syndicale et politique mobilise 10 000 personnes dont ceux d’Ile et Vilaine, de Loire Atlantique, des Côtes d’Armor. Le défilé un peu tristounet affirme qu’il faut faire pression sur les députés (PS ?) car se battre contre le gouvernement c’est renforcer la droite (air connu !), d’ailleurs, à Quimper, c’est une manif patronale…

Tentative de reprise en mains, divisions et récupération électoraliste.

Les évènements qui suivent, largement relayés par les médias, font état des mobilisations contre les portiques, initiées par la FNSEA et les patrons routiers bretons. L’occupation de la sous-préfecture de Quimper pendant 12 heures et le blocus de l’aéroport de Brest sont pratiquement ignorés. Les directions confédérales, toutes unies - CGT, CFDT ( !), CFTC, CGC, FSU, Solidaires - veulent rattraper la colère pour mieux l’étouffer. Objectif : 30 000 manifestants dans toute la Bretagne et dans 4 endroits différents, le 23 novembre. FO se désolidarise et appelle à un grand meeting… parisien ( !) le 29 janvier 2014 ( !). Pour les autres, il s’agit «d’appuyer le pacte d’avenir pour la Bretagne» proclamé par le gouvernement, même s’il est «jugé insuffisant». De fait, l’opération consiste surtout à casser la mobilisation prévue, cette fois à Carhaix, le 30 novembre. La division est en marche. Mais le 23 novembre, le succès n’est guère au rendez-vous : les 4 manifs départementales ne mobilisent, au mieux, que 10 000 personnes, essentiellement des militants des confédérations : 3 à 4 000 à Rennes, 3 000 à Morlaix, 1 500 à Lorient, 600 à Saint Brieuc. Ce sont des déambulations sans envergure malgré le main dans la main de Le Berger (CFDT) et Le Paon (CGT)…

Mais, à Carhaix, le 30 novembre, ils sont encore 30 000, dans une ambiance festive, à  réclamer la fin du dumping social, l’arrêt des licenciements et la suppression de l’écotaxe. Mais le mal est fait. 

Le Medef Finistère s’est retiré, «satisfait de la suspension de l’écotaxe», préoccupé de discuter du pacte d’avenir et des subventions publiques attendues. Même si la CGT des marins du grand-ouest bien esseulée après le retrait de FO-Doux témoigne que les salariés licenciés ne sont pas absents de cette manifestation festive, dans ces conditions l’on comprend que les députés PS du Finistère se réjouissent : «la mobilisation commence à faiblir», nous allons «retrouver une dynamique plus vertueuse». Quant au NPA, il s’obstine, malgré les difficultés, à constituer un «pôle ouvrier pour l’emploi».

Et l’épisode va se clore le 1er décembre, momentanément ( ?), par la manifestation antifiscale parisienne, initiée par Mélenchon contre la hausse de la TVA et pour la suppression du crédit d’impôt aux entreprises. 20 000 à 30 000 ( ?), mais certainement ni 7 000, ni 100 000 personnes défileront pour des raisons de promotion électoraliste. La «révolution citoyenne» semble bien appelée à se noyer dans les urnes.

Malgré toutes ces manœuvres, les racines de la mobilisation bretonne ne sont pas prêtes de pourrir. L’accalmie pourrait bien être de courte durée.  

En Bretagne, un système agro-industriel en fin de course. Une région en crise.

C’est en fait la fin des subventions européennes à l’exportation, et surtout la concurrence des pays à bas salaires, comme le Brésil ou la Pologne, ou de ceux qui recourent, comme l’Allemagne ou le Danemark, aux travailleurs détachés des pays de l’Europe centrale qui viennent percuter un modèle productiviste tourné vers l’exportation. Même la pratique du lobby porcin qui, en 2012, a exporté 750 000 bêtes vivantes pour les faire abattre et découper dans les pays à bas salaires, quitte à assurer leur conditionnement en Bretagne, ne peut plus guère faire face à la concurrence. Cette croissance de la production bas de gamme qui recoure à l’élevage intensif et au transport routier des porcs et des volailles congelés (ces dernières sont surtout exportées au Moyen Orient) est obsolète. Non seulement, il est source d’une pollution prolifique (taux de nitrates dans l’eau, algues vertes sur les plages) mais,  même les «dégraissages compétitifs» ne suffiront plus à  lui redonner vie. Certes, la famille Doux reste la 144ème fortune de France après avoir bénéficié d’un milliard de subventions en 15 ans. Certes, Tilly-Sabco a encore engrangé 2 millions d’euros et Marine-Harvest 113 millions  rien qu’au 1er trimestre 2013, mais tout porte à croire que leurs capitaux vont s’investir dans des climats plus cléments…

Dans cette région, jusqu’ici moins touchée par la crise (9% de chômage), l’on a dénombré 6 000 suppressions d’emplois en 2012 dont la perte d’un tiers des effectifs de PSA Rennes et déjà plus de 800 plans de licenciements sur l’année 2013. Toutes les classes sociales sont touchées, brutalement, salariés licenciés, agriculteurs endettés dont les revenus s’effondrent, petits commerçants, artisans y compris les transporteurs régionaux. On assiste à un délitement du tissu social dans une région bastion du PS où l’immigration est pratiquement absente et où le FN était (jusque là) inexistant. C’est dire que l’interprétation de ces manifestations d’ampleur en termes d’autonomisme breton est absurde (cf encart A Carhaix le 30 novembre, l’ambiguïté populaire), tout comme les  invectives mélenchonistes contre «les esclaves qui (à Quimper) manifestent pour les droits de leurs maîtres». Quant aux propos de la CFDT qui s’en prennent aux patrons, ils sont «hallucinants » alors même que cette direction confédérale vient de signer l’ANI (Accord National Interprofessionnel)(2) consistant à rendre le «travail plus flexible» en facilitant les licenciements, les pertes de salaires et d’avantages sociaux. Ces organisations, dites de gauche, pourraient bien payer leurs insultes au prix fort… même si elles consentent à dire qu’elles comprennent cette colère «poujadiste» ( ?). Certes, l’ère des tables rondes, consultations et discussions autour d’un pacte d’avenir peau de chagrin risque de calmer la colère mais jusqu’à quand ? Car les pilules amères à ingurgiter sont légion et ne concernent pas que la Bretagne.

Contre-révolution fiscale. Endettement. Compétitivité et ponctions fiscales.

Le Hollandisme : un régime qui dispose d’une base électorale populaire pour tenter de satisfaire à la fois les grandes entreprises françaises en difficultés face à la concurrence mondiale, tout en rassurant les créanciers de l’Etat sur ses capacités à rembourser les dettes de l’Etat. Pour ce faire, il doit abuser de la croyance populaire sur ses bonnes dispositions de gauche, tout en rognant a minima sur les privilèges des nantis.

Tout d’abord, en mettant le moins possible en cause la diminution des impôts consentis aux classes privilégiées. La tranche des plus hauts revenus taxés à 65% en  1986, baissés à 40% sont augmentés à 45%. Le taux de l’impôt sur les sociétés fixés théoriquement à 33% après avoir connu multiples baisses, pas question d’y toucher, ni même aux multiples dérogations qui permettent en moyenne aux entreprises du CAC 40 d’être taxées à 8% voire pas du tout, alors que les PME versent 28%. Toute cette contre-révolution fiscale a été chiffrée par le Conseil des prélèvements obligatoires : perte de recettes de 150 milliards d’euros. Quant aux niches fiscales, elles représentaient 150 milliards pour l’année 2010. Pas question non plus de revenir, et encore moins d’abroger le gel du barème de l’impôt sur le revenu (par rapport à l’inflation), instauré par Sarko-Fillon. Le changement dans la continuité doit prévaloir. Ainsi, nombre de ménages sont devenus imposables et d’autres (des couches moyennes salariées) ont payé plus. Au total, pour 2013, c’est une ponction de 3,4 milliards pour 16 millions de foyers fiscaux sur 36.4 millions.

Faut-il évoquer les fraudes aux cotisations patronales pour travail dissimulé (16 milliards), les 80 milliards qui auraient pu être perçus mais se dissimulent dans les paradis fiscaux… car il n’est aucunement question de taxer les 140 filiales, pour ne prendre que cet exemple, de LVMH de Bernard Arnault, ce PdG français qui voulait être belge et dont la fortune personnelle se monte à 24.3 milliards d’euros. Non ! «Compétitivité» oblige, on ne touche pas à ce grisbi, on en rajoute en ponctionnant le populo, en comptant sur son image de gauche moderne pour qu’il ne crie pas : Assez !

La mission confiée par la classe dominante française et bruxelloise à Hollande et ses pairs consiste à parvenir à résorber les quelques 1 800 milliards de dettes de l’Etat, accumulés suite à la contre-révolution fiscale, à la crise et au renflouement des banquiers qui, désormais, se portent on ne peut mieux, même s’ils restent frileux pour prêter. Cette deuxième droite se doit, dans le même mouvement, de prendre des dispositions pour assurer la flexibilité et la compétitivité suffisantes aux entreprises françaises. Et ce sera l’accord sur l’ANI et les crédits d’impôt de 20 milliards consentis aux entreprises afin qu’elles soient plus vigoureuses face à la concurrence mondiale.  Les caisses sont vides, qu’à cela ne tienne, les consommateurs paieront et l’augmentation de la TVA au 1er janvier 2014  n’a pas d’autre objet (les taux passent de 19.6% à 20% et de 7 à 10%). Bien qu’il y ait eu le passage d’ici 2020 à 41 ans et 3 trimestres travaillés pour bénéficier d’une retraite à taux plein dont peu bénéficieront, cela ne suffit pas à résorber la dette sociale. Déjà la Commission Européenne relève que «l’effort» n’est pas suffisant, qu’il faut passer à 42, voire 43 années de cotisation, augmenter la CSG. Attentifs à ces remarques sourcilleuses, Ayrault et sa «bande de godillots », bien que réticents, ont voté les prélèvements sociaux sur les plans d’épargne logement et l’épargne salariale  et ont porté leur taux à 15.5%. Rien n’est laissé au hasard, ainsi la baisse du quotient familial qui va toucher 883 000 foyers fiscaux. Ils verront leurs impôts augmenter de 555 euros … en moyenne. Et pépère Hollande que l’on dit «mollasson» et «sans conviction» (3) s’est engagé à réduire les dépenses publiques de 60 milliards sur 4 ans, soit 15 milliards par an jusqu’à la fin du quinquennat. Le mollasson n’y va pas avec le dos de la petite cuillère ! Les services publics vont trinquer, tout comme les collectivités territoriales. La nouvelle appellation de la RGPP sarkozyste, rebaptisée MAP (Modernisation de l’action publique) s’est érodée à gratter jusqu’à l’os, paraît-il. Paraît que l’on peut encore rogner  en réduisant les dotations aux collectivités locales et en instaurant un malus pour celles qui seraient en sureffectifs…

Face à l’endettement massif de l’Etat, à la nécessité de conquérir de nouveaux marchés sur les concurrents en période de surproduction (dans la novlangue parlez de surcapacité), il n’est pas d’autre logique à l’ère néolibérale que de servir au mieux les créanciers, actionnaires et autres rentiers du capital en attendant le retour hypothétique de la croissance… à la japonaise, soit la stagnation voire la récession. Dans ce cycle qui se poursuit, les requins sont appelés à grossir et le peuple à subir. 

La révolte bretonne, un prélude ?

L’hécatombe a commencé sur l’ensemble du territoire. Sur les 12 derniers mois, 44 000 entreprises, essentiellement des PME, sont, après dépôt de bilan, en liquidation, 62 431 en procédure de sauvegarde. Il paraît que c’est un record historique ! Quant à la précarité des salariés, elle a des allures d’emballement : en 2003, il y avait 1.8 million de salariés en CDD, ils sont désormais 3.7 millions, dont 1 million possède ( !) un CDD de moins d’un mois. Au 1er trimestre 2013, selon les comptes de l’URSSAF, 86% des recrutements en entreprises sont des CDD.

Faut-il encore s’étonner de la révolte bretonne et du «ras-le-bol fiscal» ? Ce gouvernement et son Président qui joue les matamores guerriers, savent qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Leur politique ne s’attaque plus seulement aux salariés, chômeurs, précaires, mais également à la petite bourgeoisie et aux classes moyennes, dont DKS disait que c’était le fonds de commerce du PS. Ils comptent sur leurs relais pour agiter, selon les saisons, les spectres des étrangers, de la droite qui serait pire (on nous a déjà fait le coup !), voire plus sûrement de l’extrême droite fascisante. Divisions, diversions : n’y aurait-il pas encore un nouveau mariage pour tous pour ressouder le peuple de gauche ? Il y a mieux désormais, les boucs émissaires populistes, tous confondus dans la même réprobation, même si, au bout du compte, cette deuxième droite, pour faire mieux que l’ancienne, compte sur une désaffection par voie d’abstention massive. Ne peut-on pas gouverner avec 50%, voire moins, de votants ?

Au fur et à mesure que la crise économique se transforme en crise sociale, la lente décomposition-recomposition difficile du paysage politique va se poursuivre, le défi réside dans la capacité des classes ouvrières et populaires à conquérir leur autonomie pour faire surgir une unité populaire dont on a peut-être entrevu les prémisses en Bretagne.

Gérard Deneux, le 9.12.2013

(1)  En référence au film de Chris Marker «Le fond de l’air est rouge» sur les années 1968-1974
(2)  Cf article «L’ANI au goût amer» paru dans ACC n° 242 – mars 2013
(3)  Chantal Delson, philosophe, dans une tribune du Monde du 23 novembre 2013

Encart

A Carhaix, le 30 novembre, l’ambiguïté populaire

C’était la fête populaire, les artistes se sont succédé devant plus de 30 000 personnes, il y avait des «marins, des ouvriers, des paysans», des précaires, jeunes pour la plupart, mais aussi des patrons et des représentants de la FDSEA. Tous étaient plus ou moins venus en famille. Tous bonnets rouges… pour la solidarité… bretonne. Troadec, le Maire de Carhaix, maintenait l’ambiguïté, lui,  le leader du mouvement Bretagne et Progrès. Il s’agit pour les patrons bretonnants, au-delà des chants chaleureux, de refroidir la colère populaire tout en quémandant de nouvelles subventions et subsides.

Face à cette hégémonie sur le mouvement social breton qui tend à s’instaurer, des collectifs pour l’emploi contre les patrons licencieurs tentent de faire entendre leurs voix. Gageons qu’ils ne seront pas présents aux tables rondes discutant du pacte d’avenir de la Bretagne. A moins que dans la rue…


Encart


L’écotaxe. Une arnaque néolibérale

Présentée comme une taxe écologique censée assurer la transition énergétique, cette taxe Borloo, votée à l’unanimité par la droite, le PS et les Verts, est en fait un cadeau supplémentaire au capital financier. Elle n’entend pas favoriser le ferroutage, mais la réfection des routes départementales, ce qui explique que nombre de conseils généraux s’en sont dits preneurs.
Elle concerne 600 000 véhicules français et 200 000 étrangers de plus de 3.5 tonnes qui circulent sur des routes non payantes. En sont en effet exclues les autoroutes et les routes nationales entre la France et l’Italie, ainsi que la Corse (abattement de 50% pour la Bretagne). Elle favorise ainsi le transport à grande distance sur autoroutes, donc l’agrobusiness, les géants de la logistique et de la grande distribution. En revanche, elle pénalise le transport de proximité et les petites exploitations agricoles.

Ce sont de nouveaux fermiers généraux qui, grassement payés, la recouvrent et installent des portiques (les nouveaux octrois !). La perception de la taxe est privatisée sous forme d’une convention dite de «partenariat public privé). L’Etat a en effet confié à un groupe financier privé italien, Autostrade, cette mission, lequel a engagé 30 millions pour un projet évalué à 800 millions. L’emprunt de 770 millions consenti par des banques à 7% (excusez du peu) assure ainsi une rente confortable aux banquiers. L’Etat s’est par ailleurs engagé à reverser 20% de la recette à Autostrade, soit sur 1.2 milliard, 280 millions, soit, nous dit-on, 20 millions par mois et ce, pendant 13 ans…. et, en cas de non mise en œuvre de l’écotaxe, la bagatelle de 800 millions d’indemnités. Quant aux portiques détruits… le coût reste à ajuster comme celui de sa suspension… provisoire. N’en rajoutez pas !!!

Et les âmes bien intentionnées nous disent qu’il ne faudrait pas remettre en cause cette arnaque… ou  pour faire bonne figure, s’en tenir à une renégociation... difficile !    


  

mercredi 11 décembre 2013

vendredi 13 décembre 2013 - 20h15
au cinéma Méliès à LURE
(entrée 5.50€)

Les Amis de l’Émancipation Sociale,
& Les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté
vous invitent à découvrir le documentaire

Pierre RABHI, au nom de la terre
Suivi d’un débat en présence de Madeline Carlin (Terre &
Humanisme) et Marion Cremona (Mouvement Colibri)

Pierre Rabhi est paysan, écrivain, l'un des
pionniers de l'agro-écologie en France. Engagé
depuis 40 ans au service de l'Homme et de la
Nature, il appelle aujourd'hui à l'éveil des
consciences pour construire une société où la
sobriété heureuse se substituerait à la
surconsommation et au mal être des civilisations
contemporaines. Pierre Rabhi prône le retour à
la terre nourricière pour produire des aliments
sains, sans poisons, sans détruire la biodiversité,
tout en affirmant "qu'il ne suffit pas de manger
bio pour changer le monde". Alors que faire ?
Est-ce suffisant de renouer avec la terre, la force
de la vie, pour vivre mieux à l'heure de
l'agrobusiness triomphant, de l'accaparement des
terres, de l'usage des pesticides qui détruisent la
Nature et l'Homme ? "La terre à ceux qui la
travaillent" revendiquait Emiliano Zapata,
paysan symbole de la révolution mexicaine, ce
mot d'ordre d' il y a plus de 100 ans conserve
toute son actualité...

La démocratie par tirage au sort

Il y a deux vidéos que j'aimerais vous inviter à regarder.



David Van Reybrouck: «La démocratie... par Le_Soir

Comme vous le voyez, ça phosphore un peu partout sur cette question de la démocratie réelle, et tout le monde reprend les mêmes arguments, cite les mêmes personnages historiques, arrive au même constat et propose les mêmes solutions.
En général, quand vous avez des types que rien ne relient, qui butent sur un même problème, et qui arrivent à la même solution, vous avez une bonne raison de penser qu'ils ne disent pas que des bêtises.
Quand vous constatez ensuite que tous ceux qui dénigrent leurs travaux ont un intérêt direct à ne pas diffuser ce genre d'idées (les politiciens, les journalistes, les oligarques...), c'est une preuve supplémentaire du fait qu'ils sont dans le vrai.

Une chose m'étonne, toutefois : on a attendu ces dernières années pour découvrir que le gouvernement représentatif avait été mis en place en opposition à la démocratie. Pourtant, les textes sont connus depuis longtemps, rien ne nous empêchait formellement de comprendre tout ça bien avant.
Pourquoi aucun penseur du 19ème, aucun soixante-huitard, aucun philosophe du début du 20ème siècle n'a, à ma connaissance au moins, été foutu de mettre le doigt sur cette incongruité qu'est le gouvernement représentatif et son nommage abusif en "démocratie représentative" ?
Qu'ont de plus les Bernard Manin, Etienne Chouard, Francis Dupuis-Déri, David Van Reybrouck qui essaient de diffuser enfin cette idée ? Les problèmes soulevés par la représentativité ne datent pas d'hier, pourtant ?