Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 26 septembre 2013

La gauche et les élections

Pourquoi le système électif ne peut pas, par construction, faire progresser les idées de gauche ?
Par "idées de gauche", j'entends particulièrement deux choses : 1. La défense des pauvres. 2. La défense des minorités.

1. Pourquoi le système électif ne peut pas permettre la défense des pauvres ?

Il ne vous a pas échappé que la plupart des assemblées élues est composée majoritairement de classes supérieures de la population qu'elles sont censées représenter. On le constate dans les faits, mais on peut aussi comprendre pourquoi simplement.
Le mécanisme de l'élection, à tout le moins à l'échelon national, suppose que l'on se base sur les informations que nous avons sur les candidats pour faire notre choix. À moins de connaître personnellement notre député ou le président, nous en sommes réduits à analyser l'information qui nous vient des médias. C'est un premier filtre qui hypothèque les chances de la plupart des candidats "pauvres" ou même "défendant les pauvres". Le ticket d'entrée dans un grand média est en effet hors de prix, tout comme la réalisation d'un clip de campagne correct, la diffusion d'éléments de communication (affiches, tracts en couleur, tshirts, ...). Par ailleurs, les médias étant tous ou presque sous la coupe de grands groupes industriels et financiers, ils n'ont pas d'intérêt à promouvoir et donc à inviter quiconque prétendant défendre des intérêts contraire.
Parallèlement, quelqu'un qui passe l'essentiel de sa vie à travailler (ou chercher du travail) pour vivre (ce qui caractérise souvent le pauvre) consacre peu de temps à toute activité annexe, et a fortiori à la politique qui nécessite un investissement personnel fort.

Enfin, le principe même de l'élection étant de "choisir le meilleur", l'inconscient collectif a tôt fait d'éliminer ceux qui n'ont pas même réussi à faire quelque chose de correct de leur vie, au profit de ceux à qui la chance a souri, ou qui ont eu de la réussite dans leur carrière professionnelle.

L'élection, partout où elle est pratiquée et à toutes les époques, a mis au pouvoir majoritairement des gens aisés. Ce n'est pas un hasard, réfléchissez-y sérieusement.

2. Pourquoi le système électif ne peut pas permettre la défense des minorités ?

La démonstration de ce point est encore plus simple. Si l'on peut s'étonner que les pauvres, qu'on appelle les 99% à juste titre parce qu'il compose l'essentiel de la population, n'accèdent jamais au pouvoir, il parait évident qu'une minorité ne peut prétendre gagner une élection. Le scrutin majoritaire ne s'appelle pas ainsi pour des prunes. Et on trouvera donc dans les assemblées élues principalement des blancs, des hétérosexuels, ... et toutes les caractéristiques très majoritaires de la population. Même si nous sommes une majorité à être minoritaires (!), nous le sommes sur des critères différents. Et l'homosexuel ne verra pas forcément son point de vue défendu et ne sera pas sur la même ligne que le français d'origine étrangère. Leurs combats séparés pour défendre leur propre minorité, ne se cristallisera pas dans un mouvement politique unique, et donc pas dans une majorité électorale.

Donc ?

L'élection, par sa construction-même et nous pouvons le constater chaque fois, ne permet pas d'amener au pouvoir les citoyens concernés au premier chef par ce que pourrait-être une vraie politique de gauche. Elle ne permet au mieux que de compter sur l'espoir que la majorité des élus riches et "conformes" aura de la considération pour les problèmes des pauvres et des minoritaires.
Face à ce constat, tout militant se disant "de gauche" devrait s'interroger sur le sens de son action dans tel ou tel parti politique, dans tel ou tel syndicat, comptant sur le système électif pour faire progresser ses idées.

La première et la seule idée de gauche qui soit, c'est d'abandonner le système électif et d'instaurer à la place une... démocratie.

dimanche 15 septembre 2013

Endocrinien endoctriné

40% des produits de beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien. Alors on fait quoi ?
Pour ceux qui n'ont pas vu la nouvelle, qui n'en est pas vraiment une, voici l'article du Monde.fr qui en parle.
Très concrètement, la moitié des produits qu'on se colle sur la peau, dans les cheveux, sur les fesses de nos enfants et les ongles de nos mamans, est susceptible de provoquer des cancers et des problèmes de fertilité, car ils ont dans leur composition au moins un perturbateur endocrinien, c'est à dire une molécule qui va dérégler le fonctionnement d'une de nos glandes qui régulent nos hormones. On apprend également que les produits bio, eux, ne seraient concernés qu'à hauteur de 1.3%, soit 30 fois moins dangereux.
La raison voudrait que dès demain, l'on cessât d'acheter des shampoings, savons, déodorants classiques au profit de leurs équivalents bio. Pourtant, très peu d'entre nous vont le faire. Pourquoi ?

Parce que le bio est beaucoup plus cher, et pour la plupart d'entre nous, l'économie à court terme présente un intérêt supérieur à la santé future de nos propres enfants. On peut tourner le problème dans tous les sens, il se résume de cette façon là. Quand nos gosses choperont un cancer ou qu'on s'apercevra de leur infertilité, nous serons fiers de pouvoir leur dire : "oui, mais avec les économies qu'on a faites, j'ai pu t'acheter une tablette tactile !". On en est là et c'est triste. D'autant plus triste que si nous qui sommes en mesure de comprendre l'enjeu, ne faisons pas l'effort financier aujourd'hui, il n'y a aucune raison que demain cet effort soit moindre, autrement dit, si aujourd'hui nous ne soutenons pas la filière bio, demain lorsque nos enfants seront consommateurs à leur tour, les produits seront encore plus chers.
Je l'ai déjà dit mais je crois que c'est un argument de poids : si le prix est l'unique raison qui vous fait préférer les produits standards aux produits bio, alors ne vous plaignez plus jamais des patrons qui exploitent leurs employés en les envoyant traiter l'amiante, ou travailler dans des conditions d'hygiène impossible : vous faites la même chose avec vos propres gosses !
Songez à la chose la plus futile que vous consommez (vacances à l'autre bout du monde, forfait de portable, objet high tech, voiture dernier cri, ...) et mettez ça en balance avec le futur probable cancer de votre enfant en comptant ce que ça représente en tubes de dentifrice et en flacons de shampoing bio. Bon courage pour me démontrer que votre affaire est rentable.

Parce qu'on ne voit que la partie émergée de l'iceberg, on se dit que l'on utilise finalement pas tant de cosmétiques que ça (on pense rouge à lèvre, maquillage, fond de teint, mais on oublie shampoing, savon, dentifrice, déodorant) et on n'imagine leur effet que sur les gens qui les utilisent, en négligeant le reste. Le reste, c'est la production même de tous ces produits. Le label bio garantit que les matières premières utilisées ont été cultivées ou produites dans des conditions acceptables pour l'environnement. Cela dépasse le simple effet sur la qualité du produit lui-même. Par exemple, les légumes bio doivent être cultivés dans des endroits où il y a des haies autour, pour que les jolis petits oiseaux puissent y vivre. Cela ne change rien pour le goût ou la qualité nutritive du légume lui-même. Mais cela favorise la biodiversité, en général. Autrement dit, il y a un gain indirect pour tout le monde à acheter du bio, même pour ceux qui n'utilisent pas de cosmétiques du tout.

Parce que nous sommes tous des grenouilles dans l'eau chaude, si la température monte lentement, la grenouille ne saute pas de la casserole. C'est seulement en cas de choc thermique important que nous aurons le réflexe de survie salvateur. Et même, nous avons tous autour de nous des cancers du sein, de la peau, des malades atteints d'Alzheimer, ces vies brisées ne suffisent même pas à nous faire prendre conscience de l'urgence du problème.

Alors il faut quoi ? Une prise de conscience réelle et générale, qui ne peut passer que par l'action de la minorité qui aujourd'hui est déjà consciente. C'est vous, c'est moi qui devons agiter le bocal dans notre entourage. Parlez-en à votre femme, à votre beau-frère, expliquez à vos enfants, abordez le sujet en réunion de famille. Éteignez pour un temps les télés et les playstations pour faire du bruit. C'est à nous de réorienter le marché dans la direction qui ne tue plus personne ou qui ne rend plus malade. Cela ne dépend que de nous.

samedi 14 septembre 2013

Quand mon père dégrafait son ceinturon

Ceci est une nouvelle de fiction de ma composition sur la misère sociale. Heureusement, ce n'est pas autobiographique...

Quand mon père dégrafait son ceinturon, en rentrant du chantier, la soirée s'annonçait mal. Il susurrait quelques mots à ma mère et elle prenait un air contrit, celui qu'ont les gens qui se demandent ce qu'ils ont fait au bon Dieu pour mériter ça. Elle gardait le silence en préparant le souper, s'appliquant à découper chaque légume en morceaux minuscules.

Nul ne pouvait s'imaginer ce qui se passait. Lorsqu'il m'amenait à l'école, rarement, papa ne laissait rien paraître. Souriant et poli, il conversait avec les autres parents d'élèves en s'efforçant de donner le change. Parfois même, il donnait la pièce à un vagabond surgi de nulle part, croyant déceler dans les yeux du pauvre hère une misère urgente. La flamme qui s'allumait alors, dans ses yeux à lui, était sincère et réchauffait le cœur de tous ceux qui pouvaient capter son regard, et j'en étais.

Mais les soirs où mon père dégrafait son ceinturon, aucune étincelle ne brillait plus dans ses pupilles et c'est la froideur abrupte du silence qui envahissait la maison. Par naïveté, sans doute, et parce que j'étais un enfant, je tentais de rassembler tout ce que le jour avait pu apporter comme nouvelles heureuses. Les bonnes notes ou les billes récoltées de l'école, l'éclosion surprise du rosier de la voisine ou la résurrection miraculeuse de mon vélo, rafistolé à coup de morceaux de chewing-gum et de ruban adhésif. Vaines tentatives auxquelles mon père ne répondait que par un demi-sourire, en m'invitant à quitter la pièce pour qu'il puisse rester seul avec maman.

Les lendemains, mes yeux rougis par le chagrin ont dû souvent engendrer les théories les plus folles sur le compte de notre famille. Le maître lui-même m'interrogeait savamment, avec son air de ne pas en avoir l'air. Je crois qu'il en discutait avec certains parents et même le maire. J'évitais de rapporter ces observations à mon père car elles n'auraient fait qu'empirer son sentiment de culpabilité.
Des fautes, pourtant, il en commettait peu. Mais la situation était telle que toute son énergie n'y suffisait plus.

Quand mon père dégrafait son ceinturon, nous savions qu'une fois de plus il ne mangerait pas pour que nous puissions le faire, il ne reviendrait qu'après le repas, la ceinture percée d'un trou supplémentaire et serrée autour de sa taille pour maintenir son vieux pantalon devenu trop grand et tromper la faim qui lui tenaillait le corps.

jeudi 12 septembre 2013

Rassemblement « Syrie » le 12 septembre 2013 à Belfort
A l’appel des AES, de l’AFPS, de la FASE, du PC et du PG, une trentaine de personne se sont rassemblées pour dénoncer toute intervention américano-française en Syrie

Gérard Deneux est intervenu au nom des Amis de l’émancipation sociale


Il y a comme un soulagement.  La guerre d’intervention étrangère s’ajoutant à la guerre civile syrienne est différée. Les lignes rouges d’Obama sont élastiques. Elles ont saisi la proposition de Poutine de contrôle et de démantèlement des armes chimiques syriennes !

Il y a comme un soulagement. Certes, les oppositions des opinions publiques à la guerre américano-française ont joué un rôle majeur pour éviter l’embrasement dans cette région du monde.

Mais, qu’importe aux puissants que le dictateur Bachar El Assad ait mitraillé, bombardé le soulèvement populaire démocratique dans son pays,
Qu’importe aux puissants que ce tyran ait perverti les aspirations démocratiques qui se sont manifestées dans la lignée des printemps arabes,
Le retour au statu quo devrait prévaloir entre les intérêts divergents des puissances, y compris ceux des mollahs iraniens et des dictatures des pétromonarchies.

Il y a comme un soulagement. Poutine a tendu une perche pourrie à Obama pour différer ses frappes ; le dirigeant états-unien, ce spécialiste des assassinats ciblés par drones interposés peut ainsi différer une intervention dont il perçoit le danger. Après la destruction massive de la société irakienne, après le chaos afghan, après le feu vert qu’il a donné à la répression contre le peuple du Bahreïn, après son soutien à l’armée égyptienne du général El Sissi, il connaît les difficultés pour l’impérialisme américain d’assurer sa domination dans cette région du monde.

Mais, pour nous, il  ne faudrait pas que ce soulagement soit un lâche soulagement.

Nous ne devons pas perdre de vue que le printemps arabe était, est encore, porteur d’aspirations à la démocratie, au pain et à la liberté.

Il ne faudrait pas perdre de vue que la proposition poutinienne n’est qu’un leurre.
Quoi ! Assad qui interdisait aux experts de l’ONU de mener leurs expertises en temps réel, sur les sites bombardés à l’arme chimique, accepterait désormais la neutralisation de son stock d’armes barbares ! 
Quoi ! Pourrait-on croire que la guerre civile, les massacres des populations vont, comme par enchantement, s’arrêter et que le bourreau va désormais s’asseoir comme par enchantement, à la table de négociations pour limiter son pouvoir de nuisance !
Peut-on croire un seul instant que l’ensauvagement de la guerre civile, avec l’appui notamment de l’Arabie Saoudite, des pays du Golfe d’un côté et, de l’autre, des mollahs iraniens et des conseillers russes, va s’arrêter par enchantement ?



Il ne faudrait pas que ce soulagement momentané soit un lâche soulagement. 

Car, si petit capitaine Hollande s’est placé sous la bannière étoilée du généralissime Obama, bien que celui-ci soit hésitant, c’est qu’il est, comme Obama pour les Etats-Unis, le représentant du complexe militaro-industriel du capitalisme français.

N’oublions pas que cette France-là, c’est celle qui a enquillé les guerres l’une après l’autre : le Tchad en 2008, l’Afghanistan en 2009, la Côte d’Ivoire en 2010, la Libye en 2011, le Mali en 2012 !

Ce soulagement momentané ne doit pas occulter les jérémiades des élus dits socialistes, des industriels et militaires qui s’inquiètent de la baisse de 26 % des ventes d’armes aux pays dictatoriaux de la planète et, d’abord, à l’Arabie Saoudite, au Qatar et à la Russie ! « Il faut vendre plus à l’étranger » vient de déclarer la direction générale de l’armement qui s’inquiète pour les hélicoptères de combat à livrer à la Russie, pour les rafales, chars et missiles à livrer aux pétromonarchies !

Bref, ce soulagement ne saurait être un lâche soulagement.

Oui à la paix, à l’émergence des aspirations démocratiques et sociales parmi les peuples. Les dictateurs, tyrans et despotes doivent être désarmés.

Les armes chimiques doivent être détruites, non seulement en Syrie, mais également en Egypte, aux Etats-Unis, en Russie, tout comme les armes bactérioloqiques !

Oui, les armes de destruction massive doivent être supprimées, les bombes atomiques que possèdent les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Pakistan, Israël, l’Inde, voire la Corée du Nord, et j’en passe !

Ce soulagement momentané, par devoir internationaliste, ne doit pas nous faire oublier qu’Assad va continuer à réprimer sa population.

Il ne doit pas nous faire oublier que plus durent cette guerre civile et sa militarisation régionale, plus nous assistons à l’ensauvagement du conflit, au recours au terrorisme, à l’apparition d’une guerre à caractère confessionnel et ethnique, à l’extension possible de ce conflit.


Ce soulagement momentané doit être mis à profit pour développer un mouvement anti-guerre prônant le désarmement général et ce, sans attendre quoi que ce soit de l’ONU, embourbée dans le blocage d’intérêts concurrents des grandes puissances.

Il nous faut à la fois réaffirmer l’aspiration des peuples à la Paix et à la démocratie sociale et pour ce faire, affirmer la nécessité d’un désarmement général et l’interdiction de production et de vente d’armes de guerre, qu’elles soient ou non de destruction massive.

Peu importe la nature d’un crime de masse,
avec ou sans armes chimiques, il reste un crime de masse !

Souvenons-nous des 800 000 morts au Rwanda et du rôle qui a joué la cette France-là, qui n’est pas la nôtre !
Retraites. Nous avons détesté le cru 2010, nous allons détester le cru 2013 !

Après l’avoir miré, humé et lampé, voici notre appréciation du cru 2013 : sans limpidité, sans brillance, arôme désagréable voire médiocre, saveur acide ! Comparé au cru 2010 «Sarkozy/Fillon», y’a que l’étiquette qui change «Hollande/Ayrault !».

Nous ne fumes pas dupes en 2012 quand Hollande dans «Mes engagements pour la France» affirmait  «Je veux négocier une nouvelle réforme des retraites. Je ferai en sorte que tous ceux qui ont 60 ans et qui auront cotisé la totalité de leurs annuités retrouvent le droit de partir à la retraite à taux plein à cet âge-là…». Il n’était nullement question de revenir à 37.5 annuités. C’était la poursuite des régressions engagées depuis 20 ans, et plus particulièrement celles de 1993, 2003, 2007 et 2010. Au prétexte d’une «mesure juste face à cette chance formidable qu’est l’allongement de l’espérance de vie», que va-t-il se passer si nous ne réussissons pas à nous mobiliser contre ce nouveau recul ? A la vielle de la journée d’action du 10 septembre, sans vouloir être pessimiste, personne n’est dupe sur la mobilisation qui ne sera sans doute  pas à la hauteur de 2010. A cette époque, le PS manifestait avec les salariés, les ouvriers, les fonctionnaires !     

«Défendons nos retraites» appelle le Collectif retraites 2013. Est-ce suffisant ?

On le sait pour les voir se réaliser au quotidien maintenant, les processus de privatisation des services publics et de régressions sociales se mettent en œuvre sur des périodes très longues, souvent à petits pas, pour éviter des rejets par le mouvement social. Défendre nos retraites ne suffira pas à renverser l’idéologie qui décide de ces politiques régressives, nous y reviendrons.

Le petit rappel qui suit (trop rapide) brosse à grands traits 20 ans de reculs en matière de retraites (sans pouvoir évoquer les retraites complémentaires, les régimes spéciaux…). Il s’attache à alerter tous ceux qui, nés dans les années 73 et après, vont subir la «réforme» qui s’annonce et celles qui suivront, si aucun mouvement idéologique anticapitaliste d’ampleur ne se construit. 

Si les ouvriers, salariés, travailleurs des années 1950 aux années 80, ne s’inquiétaient pas de leur retraite, c’est qu’ils étaient assurés que les réformes des régimes de retraite (depuis 1945, date de création du régime de la sécurité sociale) allaient dans le sens d’une progression des droits des salariés avec l’élargissement de la protection vieillesse à toutes les catégories de la population et avec  l’augmentation des prestations et l’abaissement de l’âge légal de départ. La période des Trente Glorieuses, dite «heureuse» du fait de ses gains de productivité, de l’augmentation de la population active sous l’effet du baby-boom et de l’immigration, ne laissait pas apparaître les impasses de ce système basé sur la croissance infinie. Mais, avec les crises économiques des années 70, l’augmentation du chômage, se sont annoncées, surtout à partir des années 1990, des contre-réformes régulières au prétexte de vouloir réduire les déficits des caisses de retraite ou de la Sécurité Sociale.

 A peine la décision prise par la gauche au pouvoir, en mars 1982, de fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans, que multiples rapports alarmants sur l’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale et des caisses de retraite se sont succédé. La loi Balladur du 22 juillet 1993 décide, pour le secteur privé, d’allonger la durée de cotisation de 37.5 ans à 40 ans, de calculer progressivement la retraite sur le salaire moyen des 25 meilleures années et non plus des10 meilleures, de revaloriser la retraite annuellement en fonction de l’indice des prix à la consommation et non plus selon l’évolution générale des salaires. Puis, en 1995, Juppé prévoit de réformer les régimes de retraite des fonctionnaires et les régimes spéciaux des salariés des entreprises publiques (SNCF, RATP, EDF-GDF…) en lui appliquant les règles de calcul du secteur privé ; mal lui en prit, le mouvement social d’ampleur le fit reculer et retirer son projet. Mais en 1999 et 2000, les rapports Charpin, Teulade, Taddei remettent sur le tapis «l’avenir des systèmes de retraite». C’est Fillon en 2003 qui présente le plan de réforme, déclenchant la protestation des syndicats et des mobilisations importantes. Après la lâche signature de l’accord par la CFDT et la CGC en mi-mai, la loi du 21 août 2003 aligne progressivement le régime des fonctionnaires sur le régime général pour la durée de cotisation, introduit un système de décote et de surcote, crée des dispositifs d’épargne retraite par capitalisation (le plan d’épargne retraite populaire PERP), ouvrant ainsi un marché juteux aux assurances privées et autres fonds de pension.  En 2007, le COR (Conseil d’orientation des retraites) annonce que la réforme de 2003 n’a pas apporté les fruits escomptés : en 2008, l’allongement des cotisations est entériné à 41 annuités à partir de 2012. Cela ne suffit encore pas à redresser les comptes, Sarkozy/Fillon/Woerth en novembre 2010 décident de nouveaux reculs en matière d’âge légal de départ, d’âge de liquidation à taux plein, etc. Et, le 21 décembre 2012, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit l’accélération de la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017 au lieu de 2018.

Le cru Hollande/Ayrault 2013

S’appuyant sur le rapport Moreau, la contre-réforme à venir est  menée pour les mêmes raisons que les précédentes. Elle est censée «rétablir durablement l’équilibre» du régime des retraites par répartition après 2020, affirme Ayrault ! Comme toutes les autres ! Bien sûr, pas question pour les Socialos au pouvoir de remettre en cause la réforme Sarkozy/Fillon de 2010 ! L’allongement de la durée de cotisation annoncée sera «la mesure la plus juste» face à «cette chance formidable qu’est l’allongement de l’espérance de la vie».  

Ce qu’Ayrault/Hollande ne nous disent pas, c’est que Barroso, le président de la Commission européenne, fin mai, a présenté des  recommandations très détaillées au sujet de la réforme nécessaire et même si Hollande, en colère, riposta avec emphase : «La commission n’a pas à dicter»  à la France ce qu’elle doit faire, il a jusqu’au 1er octobre pour communiquer à Bruxelles le détail des réformes engagées en échange du délai de deux ans, obtenu avant l’été, pour ramener le déficit du budget en deçà du seuil de 3 % du PIB en 2015. Bruxelles a martelé deux objectifs à tenir : assurer la stabilité des finances publiques et réduire le coût du travail pour éviter une nouvelle détérioration de la compétitivité des entreprises françaises et de leur capacité à créer des emplois. Le commissaire européen Olli Rehn estime que les autorités françaises doivent cesser d’alourdir les prélèvements qui ont atteint, selon lui, un «seuil fatidique» (1). Or, le gouvernement français prévoit d’augmenter les cotisations patronales. Contre l’avis de la commission, les régimes spéciaux sont épargnés par la réforme, et le gouvernement n’a pas souhaité repousser l’âge légal du départ à la retraite, ni toucher à l’indexation des retraites sur l’inflation. Il n’envisage d’allonger la durée de cotisation qu’après 2020. A peine un tiers du déficit (soit 7 milliards sur 20 milliards) serait couvert par ce projet. Non mais ! Qui est-ce qui décide en France ? Gageons que cette manifestation de souveraineté va vite s’effriter ! D’ailleurs, Moscovici, invité à l’université d’été du Medef le 29 août, rassurait Gattaz, le patron, fustigeant la réforme des retraites qui «nous est insupportable. Le ministre de l’économie affirma que «la hausse des cotisations patronales conséquentes à la réforme des retraites sera intégralement compensée par une baisse des cotisations famille dès 2014 et pour l’intégralité du mandat»… «La réforme des retraites ne pèsera pas sur le coût du travail». Et comme si cela ne suffisait pas, il a précisé que «57% de dépenses publiques, ça ne va pas. Il faut réduire le poids des dépenses publiques, il faut le faire, vite, il faut le faire fort», ce qui lui valut les applaudissements … des patrons.   

Alors, quelles sont les mesures de la contre-réforme Ayrault ?

1 - Les mesures contre les salariés.

La loi de 2010 a reculé l’âge légal d’ouverture des droits à 62 ans et l’âge du taux plein à 67 ans. Ayrault augmente la durée de cotisation nécessaire pour l’obtention de la retraite à taux plein d’un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035. Elle passerait de 41 ans et trois trimestres pour les assurés nés en 1958 (qui atteindront 62 ans en 2020) à 43 ans pour ceux nés en 1973. Cette mesure s’appliquera aux salariés et aux fonctionnaires.

Sachant que la durée du travail est de l’ordre de 35 ans en moyenne, demander une durée de cotisations de 43 ans revient à décider que très peu de salariés pourront y accéder. Par ailleurs, les employeurs ne gardent pas les salariés les plus âgés dans les entreprises, cela se vérifie par l’explosion du nombre de ruptures conventionnelles qui concerne les salariés les plus âgés (2). Dans le même temps, la productivité du travail a littéralement explosé. On produit beaucoup plus avec moins de travailleurs et dans un temps moindre. Affirmer que «le vieillissement de la société impose d’en passer par l’augmentation de la durée de cotisation» est donc un faux argument. Allonger la durée de cotisation rapportera seulement 2.7 milliards par an en 2030 et 5.6 milliards en 2040. Considérer qu’il est naturel de reculer l’âge de départ  à la retraite parce que l’espérance de vie augmente est profondément inégalitaire : les ouvriers vivent non seulement moins longtemps que les cadres mais profitent aussi de moins d’années sans incapacité. Une étude parue dans «Retraite et société» en 2010 soulignait que «à 50 ans, l’espérance de vie des professions les plus qualifiées atteint 32 ans pour les hommes, soit près de 5 ans de plus que celle des ouvriers». Pour les femmes, l’écart est de 2 ans «avec une espérance de vie maximale pour les professions les plus qualifiées de 36 ans». Autrement dit, ceux qui bénéficieront des retraites les plus longues seront toujours les classes sociales les plus favorisées. En France ces inégalités sont «parmi les plus grandes en Europe»(3). Par ailleurs, une étude de l’INSEE de 2008 démontre que l’espérance de vie sans incapacité n’augmente pas. Dit autrement, et plus brutalement, en augmentant la durée des cotisations, on se rapproche de la «retraite des morts» (4). Le COR, dans un rapport publié en janvier 2013, constate que le temps effectivement passé à la retraite qui augmente rapidement pour les générations nées jusqu’en 1950, ne progresserait que très modestement pour celles nées après 1955 : environ un an de plus à la retraite gagné en 20 ans. Pour les autres, nées entre 1950 et 1955, le temps passé à la retraite baisserait carrément d’un an «car le relèvement des âges légaux de la retraite en 5 ans est plus rapide que la progression de l’espérance de vie à 60 ans»(5).

La cotisation d’assurance vieillesse due par les actifs et par les entreprises augmentera de 0.15 point en 2014, puis de 0.05 point chacune des trois années suivantes. En 2017, elle aura atteint 0.3 point et représentera un effort d’environ 4.50€ par mois (rien pour les patrons puisque ce sera compensé par des réductions sur les cotisations famille, elles-mêmes supportées, au bout du compte par les impôts des contribuables.

2 - Les mesures contre les retraités

Fiscalité des retraités
Sarkozy avait déjà pris des mesures fiscales pénalisantes : suppression progressive de la ½ part pour les veufs, veuves, ayant eu des enfants et blocage du barème de calcul de l’impôt sur le revenu. Avec Hollande, des retraités paieront plus d’impôt sur le revenu : ceux qui ont élevé 3 enfants ou plus touchent un supplément de pension de 10%... qui sera imposable dès l’année prochaine. Ces retraités paieront un total de 1.2 milliard en 2014 et 1.7 en 2040. Les retraités arrivant juste à la limite permettant de ne pas payer d’impôt sur le revenu vont subir des conséquences sur leurs impôts locaux, la suppression de l’exonération de la redevance télé, la perte de certains avantages sociaux.

Revalorisation des pensions. Depuis la désindexation des pensions sur les salaires, les retraités ont la garantie d’une revalorisation des pensions d’un montant égal à celui de l’inflation. Sarkozy a repoussé la revalorisation des pensions de 3 mois, en la passant du 1er janvier au 1er avril. Hollande fait «mieux» et la repousse de 6 mois, au 1er octobre. Cette mesure fera «gagner» 100 millions pendant chacun des 6 mois (soit 600 millions en 2014) !     

3 - Les mesures en trompe-l’œil

La reconnaissance de la pénibilité. Un compte personnel de pénibilité sera créé en 2015 pour tout salarié du secteur privé exposé à des conditions de travail réduisant son espérance de vie. Il permettra de cumuler des points : chaque trimestre d’exposition donnera droit à un point ou à deux points selon les cas, qui seront utilisés pour suivre des formations pour une orientation vers un autre métier, ou financer un maintien de rémunération à temps partiel ou pour bénéficier de trimestres de retraite (10 points donnant droit à un trimestre).  La CGT conteste les modalités de cette mesure qui oppose formation professionnelle et mesures de réparation puisque les salariés auraient à choisir entre formation, temps partiel ou départ anticipé. Reconnaître la pénibilité c’est d’abord apporter la réparation. Concrètement, dans l’hypothèse d’une carrière complète avec au moins une pénibilité, le départ anticipé interviendrait à … 60 ans ! Enfin, la situation des salariés âgés, pour qui le compte pénibilité ne pourra être opérationnel, n’est pas prise en compte.

Les annonces en faveur des femmes
A compter du 1er janvier 2014, autant de trimestres que de périodes de 90 jours de congé maternité (au lieu de 60 jours) pourraient être validés. Pour les assurés exerçant à temps très partiel (essentiellement les femmes) un trimestre serait validé pour l’équivalent de 150 heures rémunérées au SMIC (au lieu de 200 heures). Ces mesures pour les femmes ne compensent pas les écarts existant entre la moyenne des annuités réalisées par les hommes (39 en 2012) et par les femmes (36.25). Pour échapper à la décote, 33% des femmes partant en retraite avaient au moins 65 ans, en 2012, contre 20% des hommes.

Et celles en faveur des jeunes
Cette réforme est particulièrement néfaste pour les jeunes.  Pour les assurés nés après 1973, la durée requise restera de 43 ans (172 trimestres). Fillon avait mis en place un principe du partage des gains d’espérance de vie, 2/3 pour le travail et 1/3 pour la retraite. En passant à 43 ans de cotisations pour la génération 1973,  Hollande crée les conditions pour que le nombre de salariés accédant au taux plein se réduise comme peau de chagrin. Rappelons que la durée moyenne validée aujourd’hui est de 151 trimestres (145 pour les femmes et 156 pour les hommes).
Quelques autres mesures bien timides : les apprentis et jeunes en alternance pourraient valider tous leurs trimestres d’apprentissage. Un tarif préférentiel de rachat jusqu’à 12 trimestres d’assurance au titre des années d’études supérieures pour les jeunes entrant dans la vie active qui sont plutôt dissuasives, tant les conditions d’accès sont chères.

Pour les «carrières heurtées», comme les périodes de chômage indemnisé, les périodes de formation professionnelle seraient assimilées à des périodes d’assurance, un trimestre serait validé pour chaque période de 50 jours de stage.

Qui va payer ? (6)

Ce sont les salariés et les retraités qui supporteront la quasi-totalité du poids de la réforme. Les entreprises, elles, seront quasiment exonérées.
Concrètement, d’ici à 2040,  les salariés (les plus jeunes) vont payer 5.6 milliards € via l’allongement à 43 annuités (de 2020 à 2035). Rappelons qu’en 2003, à l’époque de la réforme Fillon, les militants socialistes avaient estimé que la justice sociale exigeait que la durée d’activité n’aille pas au-delà de 40 ans d’activité  et qu’en 2010, ils défilaient avec les salariés en manifestant leur désaccord contre la réforme Sarkozy-Fillon-Woerth pour les mêmes raisons !

Les salariés vont apporter 3.2 milliards sous la forme de la hausse de 0.3 point des cotisations retraite, échelonnées de 2014 à 2017 et les entreprises vont apporter 3.2 milliards (auxquels s’ajoute 0.8 pour la pénibilité), aussitôt annulés par une mesure de baisse des cotisations famille promise par Ayrault. Il s’agit de prolonger le «choc de compétitivité» engagé en 2012, avec 20 milliards d’euros de crédit d’impôt offerts aux entreprises, sans la moindre contrepartie.  Ces 3.2 milliards et plus seront donc compensés dans le cadre de la réforme du financement de la protection sociale à venir, soit via la CSG soit l’impôt.   

Les retraités paieront 3.7 milliards (revalorisation retardée des pensions, fiscalisation des bonus de pension…)

Cette contre-réforme fait, encore une fois, la part belle au capital et bien peu de cas au travail, une réforme antisociale qui va accentuer encore les inégalités, mais rien d’étonnant à cela de la part d’un gouvernement «socialiste» qui accumule les renoncements et volte-face : signature du pacte budgétaire, non réforme fiscale, non-réforme bancaire, sabotage encours de la timide taxe européenne sur les transactions financières, qui fait siens les préceptes néolibéraux. Cette contre-réforme, il doit la mener «à petits pas» par souci de ne pas s’aliéner complètement les fonctionnaires ou ceux qui voteraient encore ( !) PS dans les classes moyennes. Sans doute est-ce la raison de son recul sur l’augmentation de la CSG (pour le moment) pour financer les retraites. Il est par contre totalement pris au piège par les exigences de la Commission Européenne et à ses promesses d’assurer «la crédibilité internationale de la France» et nous aurons encore à subir des reculs sociaux dans les mois à venir si nous ne réussissons pas à nous opposer et à proposer une «réforme» des retraites et plus globalement  un vrai projet social.

Quelles conditions seraient nécessaires pour une réforme sociale des retraites ?

La question des retraites n’est pas un problème de financement en soi. Elle relève du choix d’affectation des richesses produites par le peuple. Des richesses, il y en a : la richesse nationale produite par le travail double tous les 40 ans mais la fraude fiscale coûte 60 à 80 milliards, la seule rémunération des actionnaires représente 100 milliards par an, les intérêts de la dette publique auprès des marchés financiers constituent le 3ème poste de dépenses du budget (plus de 46 milliards). Les exonérations de cotisations patronales représentent plusieurs dizaines de milliards… Le déficit actuel ne doit rien au vieillissement de la population, le COR lui-même affirmait dans son rapport que l’aggravation des déficits des caisses de retraite provenait de la récession et non pas de l’évolution démographique. C’est donc bien les choix politiques favorisant le capital au détriment du travail qui sont en cause. En 2002, le sommet de Barcelone, en présence de Chirac et Jospin, adoptait le plan européen du patronat contre les retraites : 45 années de cotisations, recul de 5 ans de l’âge légal de départ, pensions réduites, développement de la capitalisation. Le rapport Moreau, présenté à Hollande, va dans ce sens, comme tous les rapports précédents pour aboutir à l’objectif ultime : abandonner la retraite par répartition et privilégier seulement la capitalisation.  

La question des retraites, comme celle de l’emploi ou des salaires, n’est pas une question technique, elle est une question fondamentale de lutte entre la classe dominante et le monde du travail sur les choix économiques essentiels et sur le partage de plus en plus inégalitaire des richesses créées par le travail. Depuis 3 décennies, les gouvernements successifs entérinent la baisse de la part salariale dans la valeur ajoutée des entreprises et tous les acquis sociaux doivent être réduits au nom de la compétitivité et de la rentabilité. Il n’y aurait pas d’autre alternative. Si ! : «l’élargissement de l’assiette des cotisations à l’autre fraction de la valeur ajoutée permettrait d’y inclure les dividendes, de toute manière versés aux actionnaires qu’ils cotisent ou non. En modifiant ainsi la répartition primaire des revenus (voie différente d’une fiscalisation), d’une part les écarts de contributions entre les entreprises employant beaucoup de main-d’œuvre et les entreprises très capitalistiques seraient atténués, d’autre part, le lamento patronal sur le «coût du travail» serait sans objet puisqu’on réduirait le coût du capital imposé à la société»(7).

De nombreuses propositions alternatives ont déjà été formulées pour engager des réformes structurelles, économiques et politiques : étendre la part du secteur non marchand, de la gratuité, définir les besoins fondamentaux et les faire financer par la collectivité, créer une alternative au marché du travail par la généralisation du salaire à vie, créer une alternative à la propriété lucrative et au crédit par la généralisation de la cotisation pour financer l’investissement et de la copropriété d’usage de tous les outils de travail (8) . Il ne faut plus attendre car le capital est en train de trouver un autre marché lucratif diminuant encore les emplois et les services, via la robotisation et toutes ses déclinaisons pour accélérer la productivité. L’annulation de la dette publique est un autre ressort à activer qui permettrait de rééquilibrer les budgets publics pour rétablir les retraites, les emplois publics ou l’investissement écologique. Ont déjà été évoqués aussi : gel des hauts salaires, fermeture de la Bourse, nationalisation des banques, remise en cause du libre-échange, contrôle des capitaux…. « Définir quelques grandes priorités, reconstruire le combat autour d’elles, cesser de tout compliquer pour mieux prouver sa propre virtuosité, c’est jouer le rôle de l’horloger. Car « une révolution Wikipédia dans laquelle chacun ajoute du contenu » ne réparera pas la montre. Ces dernières années, des actions localisées, éclatées, fébriles, ont enfanté une contestation amoureuse d’elle-même, une galaxie d’impatiences et d’impuissance, une succession de découragements.  La définition de quelques priorités mettant directement en cause le pouvoir du capital permettrait d’armer les bons sentiments, de s’attaquer au système central, de repérer les forces politiques qui y sont elles aussi disposées »… «La partie n’est pas perdue, l’utopie libérale a brûlé sa part de rêve, d’absolu, d’idéal, sans laquelle les projets de société se fanent puis périssent. Elle ne produit plus que des privilèges, des existences froides et mortes. Un retournement interviendra donc. Chacun peut le faire advenir un peu plus tôt»(9). 

Odile Mangeot, le 9 septembre 2013

(1)  Le monde du 6.09.2013
(2)  CGT « Campagne retraite »
(3)  Médiapart.fr du 4.07.2013
(4)  Déclaration de Jean-Claude Mailly – FO – médiapart.fr
(5)  Médiapart 4.07.013
(6)  UNIRS – Union nationale interprofessionnelle des retraités SOLIDAIRES
(7)  Jean-Marie Harribey – membre d’ATTAC, de la fondation Copernic et des Economistes atterrés dans Politis du 5 septembre 2013
(8)  Bernard Friot «Le salariat, c’est la classe révolutionnaire en train de se construire» L’humanité du 14 août 2013
(9)  Serge Halimi  «Afin que l’audace change de camp. Stratégie pour une reconquête» le Monde Diplomatique – septembre 2013



Les Amis de l’Emancipation sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté,  Solidaires Nord Franche-Comté
vous invitent à découvrir un documentaire

Notre monde
Suivi d’un débat en présence du réalisateur
Thomas Lacoste
au cinéma Méliès à LURE
Mercredi 25 septembre 2013 à 20h (5.50€)

Notre monde  met en place une sorte de séminaire où 35 intervenants (militants, sociologues, écrivains, syndicalistes…) traitent des questions d’éducation, de santé, de justice et de libertés, de frontières et de différences, de culture, de travail, d’économie, d’Europe, de démocratie… Ce qui est remarquable, c’est que sur des sujets différents, ces voix diverses se croisent et convergent pour dénoncer la vaste entreprise de destruction des droits qui est en cours et proposer des réformes concrètes pour les défendre.
Non à la domination de l’homme blanc occidental sur les étrangers et sur les femmes. Non à la domination des banques sur les entreprises, les travailleurs et les gouvernements. Non à la destruction des services publics, et plus largement des droits et des libertés… Ca suffit !!!
Notre monde, tourné sur l’avenir, nous invite à faire certes de la politique, mais de la politique «autrement » !





Les Bio’Jours  fêtent leurs 10 ans à Vuillafans(25)
Les Amis de l’émancipation Sociale, Les Amis du Monde Diplomatique
 Nord Franche-Comté,  l’association TERRES  vous proposent un débat

Dimanche 15 septembre 2013
à 16 h à la salle de l’ancienne école, au sein de la foire éco-bio (entrée libre)
à VUILLAFANS (près d’Ornans) 
sur le thème  Gaz de schiste : danger ?

animé par Eva LACOSTE
 Journaliste à Golias Hebdo et dans la revue les Zindigné(e)s

Bien vivre dans un environnement sain ! Le rêve se transforme en cauchemar avec la fracturation hydraulique de la roche. Destruction des paysages, rejets de gaz, boues polluantes hautement toxiques accompagnent la raréfaction de l’eau potable, de graves atteintes à la santé des populations. Contre la loi de juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique, tout le gratin des pétroliers et gaziers est mobilisé. Les fantastiques profits qu’en tirent, pour le moment, leurs concurrents aux Etats-Unis, au Canada, demain en Grande-Bretagne et en Allemagne, les allèchent. Recours devant les tribunaux, pressions sur le gouvernement (Montebourg est pour, Ayrault prétend que «le débat n’est pas tranché», les écolos au gouvernement font silence). Les forages continuent et le ministère de l’environnement refuse toujours de communiquer la liste des produits chimiques utilisés par les firmes (Total, Schuepach Energy). Des collectifs se mobilisent et, notamment, « Stop gaz de schiste Jura ».  Venez en débattre pour agir.                                                                                                





Economix

Pour mon premier article sur ce blog, je souhaite vous parler de la bande-dessinée de Goodwin et Burr, traduit et publié en français au début de l'été :



C'est un pavé de 300 pages d'illustrations en noir et blanc retraçant l'histoire sérieuse de l'économie, telle que vous pourriez l'apprendre si vous faisiez des études dans le domaine. Les théories de Friedman, Ricardo, Keynes ... sont très bien expliquées et mises en image, et leur mise en pratique au fil des siècles commentée et critiquée.

Pour moi qui comme quelques autres arrivent à s'intéresser à l'économie sur le tard, par la force des choses, pour comprendre d'où viennent toutes ces crises, c'est un excellent moyen d'appréhender certains fondements de l'économie théorique sans plonger dans des tomes et des tomes de prose technique et rébarbative.
On y comprend bien, par exemple, comment des modèles théoriques basées sur des hypothèses TRÈS fragiles, ont dominé et dominent encore le monde de la finance et les discours des économistes. L'idée que la "main invisible" du marché corrige toute dérive, car tous les acteurs économiques sont considérés parfaitement informés et les ententes commerciales supposées impossibles car a priori contre-productive, est une des plus rigolotes, quand on observe ce qui se passe vraiment.
Pourtant, ce sont vraiment ces théories-là qui président aux décisions politiques les plus importantes, aujourd'hui encore.

Le bouquin met aussi parfaitement en image les différents cercles vicieux qui entraînent l'économie de par le fond, par exemple page 148-149 :

1. Donc les gens achetèrent plus de voiture -> 2. ... qui rendirent nécessaires plus de routes et de parking -> 3. ... et les villes s'étendirent encore plus... -> Allez en 1

et

1. Plus les intérêts particuliers avaient d'argent, plus ils avaient de l'influence à Washington -> 2. Plus ils avaient d'influence, plus ils pouvaient être favorisés -> 3. Plus ils étaient favorisés, plus ils avaient d'argent. -> Allez en 1

Pour vous donner une idée du ton et des illustrations, voici une des planches (en anglais mais je vous rassure c'est très bien traduit) :


La lecture de ce bouquin est donc indispensable pour tous ceux qui s'intéressent à ces choses-là, même ceux qui savent ou croient déjà tout savoir sur la question.

Je déplore néanmoins qu'un certain nombre de sujets ne soient pas abordés du tout. Outre le fait que le discours est essentiellement centré sur l'économie américaine, j'ai regretté en effet que la question de la monnaie et plus particulièrement de la création monétaire ne soit même pas effleurée dans les 300 pages. Cela me semble personnellement essentiel, et si je me trompe j'aurais aimé au moins savoir pourquoi, selon l'auteur. Pas un mot là-dessus, donc.

Autre angle mort : la démocratie. Les auteurs semblent tourner autour du sujet sans jamais se rendre compte de la supercherie. Hormis le cercle vicieux recopié ci-dessus, qui laisse entendre que ce n'est plus vraiment les élus qui nous gouvernent, mais qu'ils sont gouvernés par les plus riches, aucune remise en cause du processus qui rend les élus impuissants : l'élection elle-même. Je sais que ces deux sujets sont de mes vieilles antiennes, mais sans déconner, il faut s'y intéresser et s'insurger, je l'ai déjà dit !

Mis à part ceci, je vous encourage à nouveau à vous procurer cet ouvrage, et si vous l'avez déjà, à inciter votre bibliothèque à l'acheter, et votre banquier, et votre député aussi. Et prêtez le votre autour de vous.

Merome

lundi 2 septembre 2013

Syrie.
Non, l’intervention américano-française ne règlera rien.
C’est l’embrasement régional qui serait assuré !

A l’heure d’une probable intervention militaire en Syrie contre le régime de Damas, il nous faut affirmer qu’ajouter le risque d’une guerre régionale à la guerre civile syrienne, ne fera qu’accentuer la barbarie et le chaos qui ébranlent le Moyen-Orient. De fait, ce sont les aspirations à la démocratie et au mieux-être qui se heurtent à la puissance des tyrans locaux, soutenus hier par l’Occident ou la Russie. Les peuples sont d’ailleurs de plus en plus récalcitrants à l’imperium états-unien qui peine à s’imposer dans un «ordre» mondial fissuré.

Pour l’impérialisme états-unien, malgré ses réticences à s’engager, il s’agit d’abord et avant tout d’enrayer la perte d’influence et de crédibilité dont il est l’objet, tout particulièrement dans cette région du monde. Après avoir proclamé haut et fort que la «ligne rouge» de l’utilisation des armes chimiques ne devrait pas être franchie, puis fermé pudiquement les yeux face à leur utilisation ponctuelle, Obama, face aux massacres des environs de Damas, s’apprête à se lancer dans une aventure militaire qu’il voudrait limitée.  A défaut de légalité internationale, la légitimité morale dont il se prévaut masque un cynisme des plus prononcé. Le message à Assad était clair : vous pouvez recourir à l’utilisation de bombardements intensifs, y compris au napalm (comme on vient de l’apprendre) mais pas au gaz ! Quoi ? C’était permis à Saddam Hussein contre les Iraniens et les Kurdes avec des armes provenant directement de l’industrie allemande Siemens ! Quoi ? Le massacre de masse à la machette était permis avec la complicité mitterrandienne au Rwanda (800 000 morts) et on nous ferait la morale, pourrait répondre le tyran Assad !

C’est que la puissance impériale, non seulement, ne veut pas perdre la face, mais surtout son objectif demeure inchangé. Que les adversaires s’épuisent afin que le statu quo demeure : les protagonistes de la conférence de Genève II doivent se mettre autour de la table pour assurer la continuité de l’Etat syrien remodelé, et ce, en présence de ceux qui s’ingèrent dans les affaires du peuple syrien. Avec Poutine, il ne semble y avoir qu’un sujet de divergence, le départ ou non de Bachar El Assad. Pas simple ! Car les Etats-Unis ne sont plus les maîtres du jeu devenu compliqué à souhait.

Passe encore l’opposition des opinions publiques des pays d’une large et improbable coalition pro-US à une intervention qui, par quelques frappes ciblées, se voudrait morale et punitive, mais les conséquences d’un risque d’embrasement de toute la région sont autrement incalculables. Certes, Obama, le dérisoire prix Nobel de la paix et de l’intensification de l’utilisation des drones pour assassinats ciblés, peut compter sur Hollande au soutien empressé. Quoique le fraîchement galonné du Mali campe sur une posture morale désuète ; il n’est qu’un Guy Mollet aux petits pieds ; il ne pèse pas lourd et semble bien embarrassé par la défection anglaise, lui qui demande le feu vert de l’ONU pour une intervention en Centre-Afrique !  

Mais, de quoi s’agit-il en réalité ? Les printemps arabes et les aspirations à la démocratie et au mieux-être dont ils sont porteurs, se heurtent à leurs classes dirigeantes despotiques qui défendent pied à pied leurs intérêts. Elles peuvent se débarrasser d’un Ben Ali ou d’un Moubarak mais n’entendent rien céder sur le reste, encore moins dans un pays où cette domination est incarnée par le tyran Assad. Face à ces soulèvements, les pétromonarchies sont aux abois et marchandent leur influence sur le marché de la religion et des dollars.

Le Qatar s’oppose à l’Arabie Saoudite, soutenant l’un les Frères Musulmans, l’autre les salafistes et l’armée égyptienne, tout en s’ingérant dans la composition du Conseil National Syrien autoproclamé. Quant aux mollahs iraniens, ils entendent susciter la haine potentielle contre les sunnites pour conserver leur influence sur les chiites et par conséquent sur la Syrie d’Assad et le gouvernement irakien. Quant à la Turquie d’Erdogan, qui a affronté sa jeunesse en mal de liberté et de démocratie, elle est confrontée à la volonté des Kurdes, eux-mêmes divisés, qui visent à obtenir pour le moins une autonomie toujours promise, toujours trahie.

Et il faudrait se jeter dans ce guêpier lourd de balkanisation pour ajouter la guerre régionale à la guerre civile syrienne, sans attendre les dernières singeries des experts de l’ONU, à qui l’on interdit de dire qui sont les responsables des tirs à l’arme chimique ?

Si Bachar le boucher s’est décidé à les employer massivement dans la banlieue de Damas encerclée au sud et à l’est, s’il a eu recours dans le même temps à l’emploi de bombardements aveugles contre sa propre population insurgée, c’est qu’il est acculé. Il ne dispose plus que de sa propre puissance de feu meurtrière alimentée par Poutine et les hommes de main iraniens ainsi que les Libanais du Hezbollah. Il manque d’hommes pour reprendre le terrain occupé par les rebelles. Mais, pour les Occidentaux comme pour les Russes et leurs alliés, la prise de pouvoir de l’opposition armée syrienne est inacceptable. Ils ne rêvent que de la paix des cimetières, seule susceptible d’imposer leurs hommes de paille. Mais cet objectif semble lui-même hors de portée, les intérêts des uns (USA, Grande-Bretagne, France, Arabie Saoudite, Israël, Turquie…) sont inconciliables entre eux et avec les autres (Russie, Iran, Irak chiite). 

Force est de constater qu’une intervention militaire dite limitée des Etats-Unis et de leur supplétif «hollandais» ne résoudrait rien, bien au contraire. Elle renforcerait dans la région les sentiments anti-occidentaux et, ici-même, la xénophobie sans compter le nombre de victimes collatérales. Pire, elle risquerait d’enclencher un engrenage incontrôlable. Que faut-il pour que l’Iran, voire la Russie s’oppose, riposte aux lancements de missiles sur la Syrie ? Vont-ils rester l’arme au pied après l’énorme effort pour soutenir un régime à l’agonie ? Que ferait Israël, toujours belliciste, dans cette hypothèse ? Quelles en seraient les conséquences au Liban… et dans les métropoles impériales suite à la flambée des prix du pétrole et à l’approfondissement de la crise économique qui s’en suivraient ? Et l’on pourrait multiplier les questionnements mortifères !

Le mythe d’une bonne guerre «limitée», morale, exportant la civilisation, a vécu. Après deux défaites politiques et militaires en Irak et en Afghanistan, qui ont accentué le chaos et la destruction massive de ces pays, l’imperium US, drainant péniblement les pays européens, se heurte désormais aux puissances émergentes et à la Russie dictatoriale poutinienne, et dans le même temps, aux opinions publiques mondiales. Le monde n’est plus celui de Bush d’après l’effondrement du mur de Berlin, ni celui d’Eltsine, le pro-américain autocrate, encore moins celui de la mondialisation heureuse sous l’égide d’un prétendu soft power. Il est celui où les peuples tentent difficilement de sortir de la domination que leur impose l’arrogance des oligarques et des apparatchiks barbares.

Que chez nous, un petit caporal autoproclamé se place sous la bannière étoilée d’un généralissime hésitant, en dit long sur le type de régime «démocratique et républicain» qui est le nôtre. Il en dit long également sur la nature d’un parti de la gauche de droite. Il se veut plus atlantiste que Sarko-Merkel-Cameron réunis !

En définitive, ce dont ont besoin les rebelles syriens pour l’emporter par eux-mêmes, ce sont à la fois d’armes capables de détruire les chars et les avions du boucher, mais aussi de la condamnation de l’influence des pétromonarchies et d’un islam réactionnaire et enfin d’une mobilisation des peuples en soutien à leur lutte contre le tyran.    

Gérard Deneux, Amis de l’émancipation sociale

Le 2 septembre 2013