Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 13 octobre 2013


Nous publions le texte ci-dessous, témoignage d’un militant proche qui s’est rendu, il y a quelques mois, à Gaza. Il nous livre son analyse de la situation là-bas
 (certains mots ou passages sont soulignés par nous).

GAZA,  ON N’OUBLIE PAS !

Ces mots nous les avons criés à pleins poumons chaque fois que la barbarie israélienne s'est acharnée sur la population palestinienne de Gaza, notamment en décembre 2008-janvier 2009 et en novembre 2012. Mais l'actualité dramatique en Egypte et en Syrie pourrait nous faire oublier la situation en Palestine.
Ayant eu la chance de pouvoir aller à Gaza début mai 2013, je souhaite témoigner de ce que j'y ai vu et entendu et des enseignements que j'en tire.

Un territoire sous blocus depuis 2007

La bande de Gaza est un territoire situé au sud-ouest de la Palestine longeant la Méditerranée et la frontière égyptienne. Sur 360 km² (40 km de long sur moins de 10 km de large) survivent et résistent plus de 1,6 million d'habitants enfermés depuis juin 2007. Le blocus imposé par Israël avec la complicité active des grandes puissances qui dominent le monde, est perceptible avant même d'arriver à Gaza. Alors qu'on est à 5H d'avion de la France, il faut deux jours pour aller à Gaza et autant pour rentrer. On entend parfois que Gaza est une prison à ciel ouvert. Cette formule n'est pas exacte, il s'agit bien d'une prison mais dans le ciel on peut y voir certains jours les chasseurs bombardiers, les hélicoptères de combat, les drones israéliens ou quelquefois même la lune et les étoiles mais pas d'avions civils qui relieraient les Gazaouis au vaste monde. L'aéroport réalisé sur financement européen a été détruit par l'armée israélienne en 2005. Il ne reste que l'avion de Yasser Arafat exposé pour le souvenir.

L'accès par la mer est impossible aussi, comme on l'a vu en mai 2010 où les commandos de Tsahal ont attaqué sauvagement, dans les eaux internationales, le Marwi Marmara, bateau civil turc transportant une mission internationale humanitaire qui se dirigeait vers Gaza. Neuf militants ont été tués et beaucoup d'autres blessés. En 2011 la deuxième tentative avec la flotille pour Gaza s'est terminée de manière moins dramatique mais plusieurs bateaux ont été bloqués et sabotés dans les ports de départ, en Grèce, à Malte et à Chypre, et celui qui a pu approcher des côtes de Gaza a été intercepté, le matériel et le bateau confisqués et les occupants incarcérés une semaine en Israël.

Ceux qui souffrent le plus du blocus maritime sont les pêcheurs Gazaouis. Ils ne peuvent aller au-delà de 3 miles nautiques, alors que les accords d'Oslo leur permettaient théoriquement d'aller jusqu'à 20 miles nautiques. Des bateaux de l'armée israélienne leur tirent dessus s'ils s'approchent de la limite des 3 miles. Et s'ils s'en sortent vivants, ils sont emprisonnés durablement en Israël et leur bateau saisi. Le nombre de pêcheurs a en conséquence fortement diminué et de nombreuses familles sont condamnées à la grande pauvreté.

Quant à l'accès terrestre, il n'est guerre plus facile. Déjà parce qu'il faut passer par Israël et aller en Palestine, surtout à Gaza, y est interdit à cause du blocus. Et si on est sur la liste noire du Mossad comme militant du mouvement de solidarité avec les Palestiniens, on peut même être interdit de monter dans l'avion pour Tel Aviv dans n'importe quel aéroport européen, comme on l'a vu au printemps 2012.

Gaza est ceinturée depuis 2007 par une ligne de démarcation infranchissable comprenant miradors, chemin de ronde avec patrouille de blindés, tranchée, surveillance par caméras vidéo et infrarouge, tours munies de mitrailleuses télécommandées. Ce dispositif est complété par un mur, semblable à celui de Cisjordanie, dans les zones urbanisées à Rafah au sud et à Eretz au nord, où on voit aussi un ballon d'observation. Dans les zones rurales le dispositif est le même mais un grillage renforcé remplace le mur. A l'intérieur de cette ligne de démarcation une zone tampon de 300 m est strictement interdite d'accès et la zone de tir, donc de danger de mort réel, va jusqu'à 1500 m. Ainsi 35% des terres agricoles de Gaza sont totalement inaccessibles alors qu'il y en a déjà bien peu.

Nous avons vu une famille de petits paysans, dont la ferme a été réduite à un tas de pierres lors des bombardements de l'hiver 2008-2009, être obligée de faire la moisson à la main à proximité de la zone des 1500 m. En effet le matériel agricole est très coûteux et donc inabordable pour ces familles pauvres mais, de plus, quand des paysans ont du matériel agricole, les soldats israéliens, par pur sadisme, le détruisent en le mitraillant. Nous avons fait partie des militants internationaux qui «protègent» ces familles palestiniennes en jouant le rôle de boucliers humains portant des gilets jaunes fluorescents, pendant leurs travaux dans les champs. L'idée que les soldats israéliens pourraient hésiter davantage à tuer ou blesser des pacifistes occidentaux alors qu'ils le font  quasiment tous les jours à l'encontre des Palestiniens, doit cependant être relativisée, on se rappelle de la jeune américaine Rachel Corrie, écrasée délibérément par un bulldozer israélien détruisant des maisons palestiniennes. Nous garderons longtemps en mémoire cette famille coupant le blé à main nue en avançant à genoux sous la menace des mitrailleuses et de la ronde des blindés ennemis. Le travail a lieu de 5H à 9H du matin. Par temps de brouillard il faut attendre la levée de celui-ci pour raison de sécurité. Un peu avant 9H des tirs sporadiques d'avertissement retentissent et quand les rafales sont de plus en plus fréquentes, il convient de quitter les lieux sans délai.  
Le 17 novembre 2012, alors que la bande de Gaza subissait huit jours de bombardements meurtriers,  le ministre de l’intérieur israélien Eli Yishai déclarait : «Le but de cette opération est de renvoyer Gaza au Moyen Age. Alors seulement, nous serons tranquilles pour quarante ans». Ce n'était pas une parole en l'air, ils ont montré qu'ils en sont capables!

Le passage d'Eretz au nord est fermé sauf à quelques personnes autorisées. Celui de Kerem Shalom au sud est ouvert uniquement pour quelques importations de produits venant d'Israël, à grands frais et au compte gouttes, pour éviter une crise humanitaire de grande ampleur qui ternirait l'image d'Israël aux yeux des bien pensants. En revanche les exportations sont interdites ce qui nuit évidemment à l'économie gazaouie, notamment pour les productions agricoles.

Le passage de Rafah côté égyptien était lui aussi totalement fermé sous le régime Moubarak, allié aux USA et à Israël. Seuls les tunnels creusés par les Palestiniens sous la frontière permettaient quelques approvisionnements permettant la survie de la population gazaouie. Mais les accidents y sont nombreux sans compter les bombardements périodiques par les Israéliens avec des bombes perforantes. Et les Egyptiens y avaient même ajouté avec l'aide d'Israël et des Européens des parois de palplanches en acier pour couper les tunnels. L'arrivée du régime Morsi avait permis une ouverture partielle mais réellement bienvenue du passage de Rafah en surface.
C'est par cette seule porte d'entrée à Gaza que nous avons pu passer début mai en venant du Caire et après une traversée périlleuse du nord Sinaï par Al Arish entre Ismailia et Rafah (1).

Réfugiés dans leur pays

La bande de Gaza comprend 1.630.000 habitants dont 1.260.000 sont des réfugiés et leurs descendants. En 1948 , lors de la Naqka (catastrophe) que l'historien israélien Ilan Pappe a qualifié de nettoyage ethnique de la Palestine, plus de 700.000 habitants  de la Palestine mandataire (2) chassés de leurs villes et villages ont été regroupés dans des camps de réfugiés par l'ONU, au Liban, en Jordanie, en Syrie et en Palestine même, aussi bien en Cisjordanie qu'à Gaza, où sont situés huit camps dont celui de Jabalya, au nord de Gaza et celui d'Al Chateh dans la ville de Gaza, que nous avons visités.

Villages de tentes à l'origine, ces camps sont devenus des quartiers de ville hyper-denses. En général la superficie de chaque camp est d'environ 1 km², celui d'Al Chateh, le plus petit, accueille une population de 87000 habitants sur 0,5 km² et celui de Jabalya, le plus grand, 110.000 habitants sur 1,4 km²! Au fil des années, le retour se faisant toujours attendre en dépit du droit international, les familles de réfugiés ont eu des enfants et des petits enfants et le béton a remplacé les tentes. D'abord des plaques de béton sans fenêtres sur une ossature de tubes métalliques comme il en existe encore un certain nombre puis au fur et à mesure des possibilités des familles des constructions plus solides et plus hautes ont été réalisées. Ainsi dans le camp d'Al Chateh, dont il est originaire, le Premier ministre Ismail Hanieh a construit une imposante propriété où il a sa résidence familiale. Comme les camps ont une superficie limitée, les extensions se sont faites non seulement en hauteur mais aussi sur les rues qui sont en conséquence devenues des ruelles de moins de 1,5 m, à l'exception de quelques rues principales.
On imagine avec effroi les résultats sur ces quartiers des bombardements massifs comme en 2009 et 2012 ou même des attentats ciblés par drone ou hélicoptère, assez fréquents! On peut d'ailleurs encore voir de nombreux immeubles détruits par les bombardements qui n'ont pu être déblayés ou d'autres secteurs, aujourd'hui terrains libres, où avant 2009 s'élevaient une école, un hôpital, un stade, et même la prison de Gaza,... La barbarie israélienne a montré qu'elle n'avait pas de limites.
En revanche nous avons constaté, avec une certaine surprise, un boom de la construction immobilière en plusieurs endroits de la ville de Gaza, notamment sur une partie du front de mer. Hôtels de luxe, immeubles de standing et de nouvelles mosquées magnifiques. Le régime Morsi a permis à la fois l'ouverture du passage de Rafah aux camions de ciment et de matériaux venant d'Egypte mais aussi aux capitaux qataris, investis chez leurs amis dirigeants du Hamas, qui rêvent peut-être d'une Gaza centre d'affaires du Proche-Orient le jour où le sionisme aura été vaincu.
On sait maintenant que Rafah est à nouveau fermé depuis juillet et tous les chantiers arrêtés. Cette nouvelle fermeture aggrave les difficultés de la population.
Il faut noter toutefois que le blocus est profitable pour les dignitaires du Hamas et quelques familles proches qui contrôlent les tunnels et qui perçoivent une taxe sur tout ce qui y passe.

Une population dans la précarité

Depuis le début du blocus en juin 2007, 60% des entreprises et commerces ont fermé. 80% de la population est au chômage et dépend entièrement de l'assistance humanitaire et 44% des familles vivent dans l'insécurité alimentaire.
Le taux de natalité est très élevé, les femmes mettant au monde souvent plus de 8 enfants. La population est très jeune, 48% de la population a moins de 15 ans !
L' UNWRA ( programme des nations unies pour les réfugiés palestiniens ) distribue des aides alimentaires en nature, organise une partie du système scolaire et des services sociaux. Cette organisation, créée par l'ONU en 1948, gère, dans la bande de Gaza, près de 250 écoles comprenant environ 1000 élèves chacune, une vingtaine de centres de santé et 12 centres de distribution de nourriture.

Les équipements publics, notamment en matière d'eau potable, d'assainissement et d'énergie, essentiels pour la population, ont subi les bombardements massifs, comme la voirie et les constructions. Le manque de financement dans ces domaines est manifeste. Les capitaux qataris vont aux investissements privés et aux mosquées alors que ce sont les financements, insuffisants face aux besoins et en réduction, de l'ONU et de l'Europe, qui vont aux équipements publics.
Les problèmes d'assainissement sont inquiétants. Une partie des égouts de Gaza se rejette directement à la mer, polluant encore la zone de pêche déjà très réduite. Les Israéliens  avant d'évacuer leurs colonies de la bande de Gaza ont créé un énorme bassin de rétention d'eaux usées à l'air libre en ville qui a fini par déborder et inonder les habitations environnantes sur plusieurs mètres de hauteur! Ils ont réalisé en outre d'immenses bassins sur des terrains libres au nord de la ville de Gaza, qui, quand ils débordent, inondent les villages bédouins situés à proximité (plusieurs habitants ont été noyés récemment), polluent la nappe phréatique et attirent des nuées de moustiques. De plus ils ont transformé en égout à ciel ouvert le Wadi, une rivière qui prend sa source en Cisjordanie  et qui traverse la bande de Gaza avant de se jeter à la mer. A Tel Aviv les systèmes d'assainissement qu'ils réalisent, sont différents, évidemment!
La nappe phréatique est aussi polluée par l'eau salée de la mer qui rentre dans l'eau douce de la nappe, dans le sous-sol de la bande de Gaza, parce que les Israéliens pompent avec des puits à grand débit, dans la nappe de l'autre côté de la ligne de démarcation. La population doit donc boire de l'eau en bouteille importée et coûteuse.
Mais comme tous n'en ont pas les moyens, les maladies infectieuses sont fréquentes. Pour l'alimentation en eau non potable, chaque immeuble possède en toiture des tonneaux en plastique dans lesquels l'eau est montée par des pompes électriques quand il y a de l'électricité et qui alimente la robinetterie par gravité. Ce système simple est toutefois fragile en cas de bombardement mais simple à réparer.
La production d'électricité est assurée par une seule centrale thermique au fuel. Elle subit périodiquement les bombardements ennemis et les restrictions de carburant. De plus sa puissance est insuffisante pour alimenter 24H/24 toute la population de la bande de Gaza. Il y a donc une alimentation à mi-temps par quartier à tour de rôle. Dans un même quartier vous pouvez avoir de l'électricité tel jour dans la journée, le lendemain la nuit...Les plus fortunés ont un groupe électrogène à moteur thermique qui tourne dans la rue ou dans les entrées de jour comme de nuit, selon les besoins pendant des heures, avec le bruit et les fumées qui vont avec! Les plus modestes ont un système moins bruyant et moins polluant, de lampe au néon avec chargeur et accumulateur intégrés qui charge quand il y a de l'électricité en journée et peut alors être utilisé la nuit quand il n'y a pas d'alimentation électrique.
S'agissant des bouteilles de gaz, il y a des problèmes de coût, de qualité et de pénurie pour la majorité de la population mais auxquels échappent les mieux placés.

Toutes ces décennies de lutte, de résistance depuis 1948, en passant par1956, 1967, les deux intifada et les derniers massacres de 2008-2009 et 2012, ont laissé des traces durables dans les corps et les coeurs. Toutes les familles sont touchées par des morts, des blessés gravement handicapés à vie, des prisonniers.
Beaucoup de rencontres resteront pour moi inoubliables. Comme ce couple de vieux réfugiés dans le camp de Jabalya qui a vécu la Naqba dans sa jeunesse qui nous a raconté divers souvenirs. Par exemple quand des soldats israéliens se sont déguisés en soldats arabes demandant aux jeunes Palestiniens de venir chercher des armes pour se défendre et que tous ceux qui y sont allés ont tous été sauvagement massacrés.
Parmi les nombreux moments émouvants de ce voyage, je peux citer le rassemblement hebdomadaire des familles des prisonniers. Il y a en effet encore 5000 prisonniers politiques palestiniens dans les geôles israéliennes dont plusieurs centaines d'enfants. Cette manifestation est unitaire avec la participation entre autres, de militants du Fatah, du FPLP, du FDLP, du Hamas et même du Djihad islamique. Les témoignages des anciens prisonniers, dont certains ont subi 25 et 28 ans d'incarcération, ne peuvent laisser indifférent. Des hommes, des femmes, des jeunes qui ont subi la torture... Nous avons eu ce jour là le plaisir de parler avec Mahmoud Sarsak, jeune footballeur gazaoui kidnappé et incarcéré sans jugement (ils appellent ça la détention administrative) et qui a dû faire 93 jours de grève de la faim pour être libéré après une campagne internationale de solidarité ! Il était venu à Paris à l'invitation d' Europalestine après sa libération.
Malgré les énormes difficultés, notamment le manque de moyens, des médecins, des kinésithérapeutes, des éducateurs font un travail remarquable pour soigner et réinsérer dans la société les nombreux handicapés.
Une initiative qui nous a émerveillés, c'est la création d'une radio d'enfants gravement traumatisés par la guerre et les massacres subis par leurs parents ou frères et soeurs et dont ils ont eux-mêmes réchappé. Avec l'aide de jeunes journalistes, ils ont créé une radio au service des enfants et participent ainsi à leur propre thérapie avec de meilleurs résultats qu'une psychothérapie classique. Leur joie de vivre était réellement réconfortante face à tant de souffrances.
Le peuple palestinien à Gaza, comme en Cisjordanie, fait preuve d'énormes  capacités de résilience et de résistance depuis 65 ans. Ben Gourion, le premier dirigeant de l'Etat d'Israël, ce criminel de guerre, comme tous ceux qui lui ont succédé jusqu'à ce jour, d'ailleurs, disait des Palestiniens: «les vieux mourront et les jeunes oublieront» mais les Palestiniens sont toujours là qui résistent à la barbarie sioniste et nous sommes toujours et plus que jamais à leurs côtés.

La situation politique interne

Elle reste marquée par la division entre le Hamas et le Fatah. Tout le monde en parle, tout le monde la déplore, mais elle perdure au détriment du peuple palestinien et pour le plus grand profit de l'ennemi israélien. Une grande fresque murale sur une des places de Gaza, regroupant les visages de Yasser Arafat et de Cheik Yassine, exprime l'aspiration populaire à l'unité.
En janvier 2006 le Hamas a gagné les élections législatives en bénéficiant à la fois de sa popularité dans le domaine social, de sa relative nouveauté sur le terrain politique  comme dans la résistance armée et dans le même temps de l'impopularité des principaux dirigeants du Fatah sanctionnés pour leur échec à défendre efficacement les intérêts du peuple palestinien depuis 1993 (accords d'Oslo) et leur corruption croissante. Entre janvier 2006 et juin 2007 Gaza a vécu avec une dualité de pouvoir, une administration dirigée par l'Autorité palestinienne donc de fait par le Fatah et une majorité politique donc un gouvernement et un premier ministre Hamas. Cette période est marquée par une situation de plus en plus dramatique où les services de sécurité du Hamas et du Fatah s'entretuent pendant que des bandes mafieuses armées font leur loi ici ou là. Pendant ce temps la situation se dégrade pour la population, le début du blocus entraîne une crise humanitaire et l'armée israélienne en profite pour mener son offensive « Pluie d'été» (où le soldat Shalit est capturé  avant d'attaquer le Liban à l'été 2006. En juin 2007, alors que le Fatah, avec la complicité de la CIA et d'Israël, se prépare à écarter militairement le Hamas du pouvoir, c'est celui-ci qui prend les devant et l'emporte. Les forces de sécurité du Hamas éradiquent les milices mafieuses et répriment sauvagement les forces armées du Fatah. Porter le keffieh, symbole de la résistance palestinienne depuis les années 1930 et surtout depuis la création de l'OLP en 1964, ou brandir un drapeau du Fatah, du FPLP ou du FDLP, pouvait conduire à se faire assassiner ou au moins blesser et incarcérer. A partir de cette date Israël soutenu par les grandes puissances et une partie des pays arabes (Egypte, Arabie saoudite, Jordanie) ont renforcé le blocus de la bande de Gaza.
Il est utile de rappeler ces faits pour comprendre l'état de division qui perdure entre les militants et responsables de l'OLP et du Hamas. Il faut en tout cas se garder de l'idée que le Hamas serait aujourd'hui le seul mouvement authentique de résistance et le Fatah réduit à un groupe de notables corrompus qui collaborent avec Israël. Il y a encore des forces à l'intérieur du Fatah qui combattent réellement l'Etat sioniste, c'est le cas, par exemple, des brigades des martyrs d'Al Aqsa. Marwan Barghouti est le plus célèbre et ce n'est pas un hasard s'il est incarcéré en quartier de haute sécurité en Israël depuis 2002 et condamné à perpétuité (5 fois !). Nous avons rencontré des militants de l'OLP, du comité des réfugiés, qui oeuvrent quotidiennement au service de la population. Quant aux dirigeants du Hamas, y compris des ministres, que nous avons rencontrés, ingénieurs, médecins, architectes, qui ont fait leurs études et le début de leur carrière dans les pays du Golfe et en Arabie saoudite, ils gèrent les affaires, mais aussi leurs affaires, en  écoutant les directives du Qatar, et en montrant peu d'impatience à une évolution de la situation, notamment à la levée du blocus.

Mais les enjeux sont considérables, à la fois internes à la Palestine, au niveau du Proche et Moyen-Orient et au delà, au niveau mondial. La coupure territoriale et la division politique entre Gaza et la Cisjordanie, sans oublier les millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au Liban et en Syrie, le rôle du Qatar, du Hezbollah, de l'Iran, la situation en Egypte et en Syrie, et bien sûr le rôle des USA et des pays européens qui maintiennent leur appui politique, économique et militaire à cet Etat colonial et criminel d'Israël, donnent un aperçu de la complexité de la situation. Le risque est grand d'un éclatement et même d’une disparition irrémédiable de la Palestine. La bande de Gaza reléguée à une dépendance égyptienne et la Cisjordanie définitivement gangrenée par l'Etat sioniste jusqu'au Jourdain. Les forces politiques qui poussent dans ce sens sont multiples. Les pays arabes n'ont jamais vraiment admis l'idée d'une Palestine libre.
Heureusement quelques petits signes de changement apparaissent dans la société palestinienne, à Gaza notamment. Le régime Hamas reste un régime autoritaire, mais est-il possible d'avoir une démocratie quand on subit la guerre menée sans relâche par un Etat aussi redoutable qu'Israël? On a vu dans certains quartiers des drapeaux du Fatah aux fenêtres, ailleurs ceux du FPLP ou ceux du FDLP. Les manifestations pour fêter l'anniversaire du début de la résistance armée (1er janvier 1965 par le Fatah) étaient interdites dans la bande de Gaza ces dernières années. En janvier 2013, les militants de l'OLP ont osé appeler au rassemblement et celui-ci a été si massivement suivi par des milliers de personnes que le Hamas n'a pas pu intervenir pour l'empêcher. Les soulèvements en Egypte et dans les autres pays arabes ont sans doute joué dans la décision du Hamas. Plus récemment, le 21 juin 2013, un jeune chanteur originaire de Gaza, Mohammad Assaf, a gagné à Beyrouth un prix de la chanson arabe pour son interprétation du chant patriotique palestinien «Brandis le keffieh». Des manifestations de joie ont eu lieu dans toute la Palestine. Son retour à Gaza a reçu un accueil populaire triomphal.  Le Hamas ne l'a pas mis en taule et n'a pas réprimé les rassemblements.  Un manifeste avait déjà été lancé avec un large succès en décembre 2010 sur Internet par un collectif de jeunes artistes et militants associatifs de Gaza qui déclaraient d'entrée « Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l’ONU et à l’UNWRA. Merde à l’Amérique ! Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations permanentes des droits de l’Homme et de l’indifférence de la communauté internationale» ; ils expliquaient toutes leurs souffrances et exprimaient leurs «trois exigences : nous voulons être libres, nous voulons être en mesure de vivre normalement et nous voulons la paix ».
Si une hirondelle ne fait pas le printemps, ces indices sont porteurs d'espoir. On peut penser que l'unité populaire indispensable se reconstruira par la base et sur de nouvelles bases. La société palestinienne a une grande culture politique et une longue expérience de la résistance, notamment à Gaza, où a démarré la première intifada en 1987. La jeunesse, très nombreuse, est pleine d'énergie et d'imagination.

Boycott d'Israël-Libération de la Palestine

De retour en France, après avoir vu ce que vivent ces hommes, ces femmes, ces jeunes, on est encore plus motivé pour poursuivre le combat en solidarité avec eux jusqu'à la libération de la Palestine. Mais on revient aussi plus conscient de notre devoir. Parmi nos rencontres, beaucoup connaissent la France, certains y sont venus, à Paris, et quelquefois même à Strasbourg, d'autres y ont une fille, un frère qui y ont fait des études, beaucoup connaissent les valeurs de la République, certains n'ont pas perdu espoir que notre pays joue un rôle positif pour la Palestine, tous apprécient les actions militantes que nous menons chez nous pour élargir et renforcer le mouvement de solidarité et infléchir la politique de nos dirigeants.
Une des principales avenues de la ville de Gaza porte le nom de Charles de Gaulle. Et elle n'a pas été débaptisée depuis, même par le Hamas. On comprend pourquoi quand on prend le plaisir de réécouter sur internet l'intégralité de sa conférence de presse de  novembre 1967!
On mesure l'énorme régression dans ce domaine en France depuis au moins dix ans avec des gouvernements infestés par le lobby sioniste et des présidents qui prennent des ordres à Tel-Aviv.

On est bien loin de l'Etat démocratique de Palestine sur l'ensemble du territoire de la Palestine mandataire, revendiqué légitimement par l'OLP, avant qu'elle y renonce en 1996. Et du temps (1975) où l'assemblée générale de l'ONU, elle-même, assimilait, à juste titre, le sionisme au racisme, avant de rectifier sous la pression du lobby en 1991. Mais nous devons, sans état d'âme, démasquer cet Etat d'Israël, colonial et criminel dès sa création, d'ailleurs illégitime et en contradiction avec le droit. En effet, l'ONU n'avait pas la compétence pour créer un Etat et, en novembre 1947, les USA ont fait revoter l'assemblée générale des Nations Unies ( 3 ) pour obtenir la majorité requise après avoir exercé des pressions très fortes sur certains Etats qui n'avaient pas voté, la première fois, pour le plan de partage de la Palestine. Quant aux Palestiniens eux-mêmes, personne ne leur a demandé leur avis. Et de plus, il a fallu la livraison d'armes lourdes américaines et de chars tchèques fournis par Staline aux milices terroristes sionistes face à des armées arabes mal organisées, mal équipées et subissant l'embargo sur les armes. Israël, dont les méthodes s'apparentent à celles des nazis ( 4 ) et qui ronge la Palestine comme un cancer ( 5 ) depuis plus de 65 ans,  joue incontestablement le rôle de pitbull de l'impérialisme américain au Proche-Orient.

Notre devoir est aussi de défendre sans relâche tous les droits fondamentaux, inaliénables et imprescriptibles, de l'ensemble du peuple palestinien, à Gaza, en Cisjordanie, contre l'apartheid en Israël et dans les camps de réfugiés. Et le droit au retour en fait partie assurément. Ben Gourion, encore lui, disait aussi en 1948 : « nous devons tout faire pour nous assurer qu'ils ne reviendront jamais ». Ces gens là parlaient clairement, n'est-ce pas ? A la différence de nos politiciens actuels. Il convient de rappeler le droit international. En ce qui concerne le droit au retour, la résolution 194 de l'ONU en 1948, confirmée en 1974 et chaque année depuis, précise que l'assemblée générale des Nations Unies: "réaffirme également le droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d'où ils ont été déplacés et déracinés, et demande leur retour ".
Le droit international n'est déjà pas si souvent favorable aux Palestiniens mais quand c'est le cas, il n'est jamais respecté. Ce droit au retour gêne certains, y compris parmi les organisations favorables à la cause palestinienne qui veulent ménager les Israéliens. Et on a vu récemment Mahmoud Abbas, qui n'en est plus à une honte près, y renoncer, pour lui-même, a-t-il ajouté, pour atténuer le scandale provoqué par sa déclaration. Pourtant ce droit au retour est véritablement essentiel pour les 5,3 millions de réfugiés palestiniens. A Gaza, tout le monde nous en a parlé spontanément qu'ils soient Fatah, Hamas, ou autre. Le respect de ce droit serait déterminant pour la construction d'une autre Palestine.

Aller en Palestine et dans les camps de réfugiés dans les pays voisins, témoigner le plus largement en rentrant, c'est bien évidemment utile, quand c'est possible. Mais pour mobiliser le plus grand nombre de personnes et faire pression sur Israël, c'est la campagne de boycott qui doit être amplifiée et développée partout.
Il s'agit d'une campagne internationale lancée par la société civile palestinienne depuis 2005. Saisie par l'assemblée générale des Nations Unies, la Cour internationale de justice avait rendu en 2004 un avis déclarant illégal le mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie et demandé sa démolition. Constatant que rien n'était fait un an après, en juillet 2005, plus de 170 organisations représentant toutes les composantes du peuple palestinien (de Cisjordanie, de Gaza, d'Israël et des camps de réfugiés) ont lancé un appel au boycott d'Israël, au désinvestissement et aux sanctions (BDS). Cette campagne s'est surtout développée en Europe depuis 2009, après les trois semaines de massacres israéliens sur Gaza, qui ont fait près de 1500 morts, dont le tiers d'enfants.

Les sanctions sont celles que devraient subir notamment les dirigeants d'Israël pour crimes contre l'humanité, si la justice internationale était appliquée. L'initiative de  tribunal Russell pour la Palestine a été un élément de popularisation de cette campagne pour faire pression sur les Etats et l'ONU.

Le désinvestissement consiste à faire pression sur les entreprises occidentales et les banques qui investissent en Israël et dans les colonies pour qu'ils se retirent. Cette campagne commence à porter.

Le boycott c'est celui de tous les produits exportés par Israël, mais aussi le boycott culturel et universitaire. De plus en plus de personnalités y compris des cinéastes, des  scientifiques, des musiciens et des chanteurs prennent position en faveur de ce boycott. Des personnalités israéliennes elles-mêmes ont le courage de lancer aussi cet appel.

Cette campagne de boycott, inspirée de ce que nous avons fait pendant plus de vingt ans pour faire cesser l'apartheid en Afrique du sud, est une action citoyenne et non violente qui permet à tout le monde d'agir, puisque l'ONU et les grandes puissances n'interviennent pas efficacement pour mettre les israéliens hors d'état de nuire.

Cette mobilisation doit être maintenue jusqu'à ce que tous les droits fondamentaux des Palestiniens soient respectés et que le vœu des altermondialistes soit réalisé:

From the river to the sea
Palestine will be free*

*« De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée), la Palestine sera libre »                                                            

                                                                                                      Elsa Richting

1) Le trajet du Caire à Rafah passe par le nord du Sinaï qui est une zone de plus en plus dangereuse. La route est surveillée par des postes de garde de l'armée. Mais les attaques de djihadistes et de bandes mafieuses ont déjà fait des dizaines de morts parmi les militaires depuis plusieurs mois. A l'aller nous avons du être escortés par un blindé à l'avant et un autre à l'arrière de notre minibus égyptien. Au retour, menacés, nous avons du nous réfugier dans une caserne avant d'être escortés à nouveau jusqu'à Ismaïlia !

2) La Palestine était un Etat reconnu comme tel de 1922 à 1947 même s'il était sous mandat britannique. Il ne s'agissait pas « d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre » comme voulaient le faire croire les sionistes et leurs supporters. Les villes de Palestine existent depuis plusieurs millénaires, c'est notamment le cas de Gaza. Lire, à ce sujet « Histoire de Gaza » de Jean-Pierre Filiu – éditions Fayard

3) Voir le livre « Israël-Palestine Les enjeux d'un conflit » Sous la direction d'Esther Benbassa CNRS Editions et « La question de Palestine » tome II, Henri Laurens, Fayard

4) Voir la tribune de Michel Warschawski « Non,non et non ! Pas en leur nom, pas en notre nom ! » publiée le 18 janvier 2009 par AIC et reprise par l'UJFP http://www.ujfp.org/ et l'interview de Hajo Meyer, survivant d'Auschwitz, le 8 juin 2009 à http://electronicintifada.net/, reprise par Europalestine http://europalestine.com/

5) Voir sur le site du Monde Diplomatique les cartes de la Palestine en 1947, en 1949, en 1967 et aujourd'hui


NB : cet article ne tient pas compte des évènements récents liés à la nouvelle situation égyptienne depuis début juillet 2013.