Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 24 juin 2013

Pour l’Hôtel-Dieu, les Solfériniens n’ont pas d’états d’âme


On connaissait l’utopie financière de «l’entreprise sans usines», ce rêve cupide de rentiers du capital coiffant dans des holdings d’actionnaires des entreprises à sueur, délocalisées dans les pays à bas salaires. On était loin d’imaginer un «hôpital sans lits» ou encore un «hôpital debout» pour reprendre l’expression du solférinien Jean-Marie Le Guen, député et président du conseil de surveillance de l’Assistance Publique/Hôpitaux de Paris. Les socio-libéraux, il faut le croire, ont bien appris de leurs maîtres !

C’est en effet au cœur de Paris, dans cet hôpital dit «Hôtel Dieu» qui connaît 90 000 passages aux urgences par an que la compassion pour les âmes et les corps en souffrance n’est plus de mise, l’heure est à la rentabilité et à l’arnaque. Cette structure sanitaire, l’une des plus grosses de la capitale, est victime d’une opération immobilière spéculative, ourdie dans le secret des hautes sphères où représentants de l’Etat et financiers envisagent de juteuses restructurations.

A l’origine, la vente du siège administratif de l’hôpital sis dans un bel immeuble avenue Victoria, fait l’objet de bien des convoitises, tout particulièrement des fonds qataris. Il faut donc expulser les employés qui y travaillent, les recaser dans leur hôpital et leur faire de la place…. en déménageant, supprimant personnels de soins et lits encombrants. Les services ont en effet besoin des 2/3 de la surface de l’hôpital. Quant au coût d’aménagement des salles en bureaux, il doit rester secret…. tout comme le projet de démantèlement progressif de cet hôpital. Il est effectif depuis plusieurs mois : des services ont été transférés à l’hôpital Cochin, à l’hôpital du Val de Grâce où le loyer pour les accueillir se monte à 800 000 euros par an ! Qu’importe ! La pneumologie, la chirurgie thoracique sont déjà évacuées et, cet été, la psychiatrie et la médecine interne devraient connaître le même sort.

Pour réaliser cette opération, la destruction de ce service public devait être suffisamment avancée pour convaincre, qu’au vu de l’état des lieux dépouillés, il ne pouvait plus fonctionner normalement, que l’on ne pouvait faire autrement. S’adapter, se moderniser furent les maîtres mots pour tenter de faire avaliser la transformation de cette structure de soins. Les urgences devaient fermer, ou plutôt dans le langage de la novlangue, être remplacées par un «centre de soins en urgence pour les cas non graves» et tous debout ! Sans lits ! Quelques importuns et autres praticiens en colère avaient beau avancer que l’impact de la fermeture des urgences serait désastreux, les hôpitaux St Antoine, de la Pitié Salpêtrière, de Cochin ou de Lariboisière ne possédant pas la capacité d’absorber les flux de patients, que ceux-ci attendaient déjà des heures sur des brancards avant d’être traités. Rien n’y fit ! D’autant que le pouvoir avançait que l’hôpital n’était plus aux normes bien qu’il ait été rénové 5 ans auparavant ! Pour calmer les esprits échauffés par tant d’autisme et de mauvaise foi, un prestataire de service payé grassement fit l’éloge de la modernité rentable. Cet hôpital vieilli, transformé en hôpital universitaire de santé publique sans lits, ouvert en journée et fermé la nuit serait une institution d’avenir, tout comme le nouvel hôpital qui devrait être construit pour 150 millions d’euros …estimés. Cette opération de marketing politique fut accompagnée de leçons d’austérité budgétaire : l’hôpital en voie de démantèlement devait économiser pour l’exercice 2014, 150 millions d’euros !

Comme cela, manifestement, ne suffisait pas à convaincre les soignants de terrain, des carabins, bureaucrates de haut rang, tous doyens de faculté, furent sollicités pour chanter les louanges de ce «projet ambitieux et innovant», dans l’hôpital-Dieu sans lits mais «rapide», «ouvert à tous», à «l’accès facilité» : ces grands humanistes pleins de compassion pour les personnels expulsés, victimes des «mobilités» forcées qui auraient le privilège d’être assistés par une «cellule d’accompagnement», de bénéficier d’un «suivi individuel», «de réunions d’information» sur leur sort, et même, pour ces «benêts» d’une (belle) «plaquette d’information» de présentation de la fameuse cellule d’accompagnement (1). Interpellée à l’assemblée nationale, Marisol Touraine ne pouvait faire que de partir dans de grandes envolées pour conclure face à un Gilbert Barbier aux anges : «Il faut s’adapter» Très bien ! dit-il après l’avoir entendue affirmer «on ne peut se contenter de reproduire ce qui a existé». Ce fut un Te Deum qui fit communier dans un même élan de satisfaction la ministre de la Gauche libérale avec l’homme de la Droite libérale dans un hémicycle républicain bien clairsemé.

Que la loi Bachelot, la T2A (la tarification à l’activité à la rentabilité plus qu’incertaine) et les restrictions de moyens agissent tous en vue de restreindre les dépenses de santé publique, que fermetures et restructurations en cours continuent et, dans la même lignée, que les déremboursements, les forfaits, franchises médicales, les dépassements d’honoraires ne soient pas remis en cause, ce n’est que le changement maintenant dans la continuité néolibérale.

Le 15 juin à Paris, une manifestation suppliera le pouvoir de financer la protection sociale à la hauteur des besoins et exprimera son opposition à la fermeture annoncée des urgences et de l’hôpital. Les manifestants exigeront-ils la démission de la ministre aux ordres pour déstabiliser ce gouvernement et lui faire payer ses forfaitures ? Rien n’est moins sûr… Faut-il encore entretenir l’illusion sur sa capacité de compréhension et sa possible compassion ?


Gérard Deneux, le 10 juin 2013
Amis de l’émancipation Sociale, membre du CA du Comité de vigilance et de défense des hôpitaux de proximité de Lure.   


(1)    lire leur dithyrambique prose sur le site le webzine sur l’APHP


Sources : sites de l’Humanité, du Comité de soutien Hôtel Dieu, de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité