Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 27 février 2013


Amis de l’émancipation sociale
 Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté
Programme des débats, films, conférences



mardi 26 février 2013 – VESOUL – 20h30 à l’espace Villon – quartier du Montmarin, conférence-débat sur de « La décroissance, un projet de société ? » animée par Vincent Liégey, co-auteur « Un projet de décroissance. Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie », doctorant sur la décroissance à l’université d’économie de Budapest

vendredi 8 mars – MONTBELIARD – 20h  salle Mouhot, espace associatif, 1 rue du Château (ancien hôpital) – soirée « Justice pour Ayoub » en présence de plusieurs victimes de tirs de flash ball : Joachim Gatti, collectif du 8 juillet de Montreuil et Pierre Douillard de Nantes – organisé avec le comité pour Ayoub de Montbéliard

mercredi 13 mars – VESOUL – 20h30 au cinéma Majestic – diffusion du film « le grand retournement » suivi d’un débat avec le réalisateur Gérard Mordillat – romancier et cinéaste co-organisé avec les Amis du Cinéma de Vesoul et l’UD CGT 70

jeudi 14 mars – MONTBELIARD – 20h15 au cinéma le Colisée – diffusion du film « le grand retournement » suivi d’un débat avec le réalisateur Gérard Mordillat – romancier et cinéaste, co-organisé avec Cinéma et Rien d’autre de Montbéliard et l’Atelier de Valentigney

mercredi 20 mars – VESOUL – 19h – cinéma Majestic – diffusion du documentaire Terre promise sur le mouvement des Sans terre au Brésil – dans le cadre de la semaine du cinéma latino – les Amis du cinéma de Vesoul, le CSPAL, les AES

vendredi 22 mars – LURE – 20h30 – au cinéma Méliès – diffusion du film « La pirogue » suivi d’un débat animé par François Brun – chercheur au CNRS, membre de « Migrations société » sur le thème « la continuité des politiques publiques en matière d’immigration » en co-organisation avec le Comité d’entraide aux réfugiés de Lure et l’association des demandeurs d’asile de Saint-Loup sur Semouse

dimanche 7 avril – diffusion du film « Hollande, DSK, etc » suivi d’un débat en présence du réalisateur Pierre Carles à MONTBELIARD au cinéma le Colisée à 16h (en co-organisation avec Cinéma et rien d’autre et l’Atelier) et à LURE à 20h30 au cinéma Méliès

mardi 9 avril – BELFORT - 20h30 à la Maison du Peuple (salle 327) - conférence-débat sur le thème « La révolution syrienne. Quelle issue face à la barbarie de Assad ? » par Jean Pierre Filiu – professeur des universités, en charge du Moyen-Orient à Sciences Po Paris, auteur de livres ou d’articles sur le monde arabo-musulman – auteur de « Le nouveau Moyen-Orient. Les peuples à l’heure de la révolution syrienne »    


Contacts :  Odile-Mangeot@wanadoo.fr  03 84 30 35 73
Gérard Deneux  03 84 30 21 06  amis.emancipation.sociale@gmail.com


mardi 5 mars 2013
journée de mobilisation
contre l'accord national interprofessionnel
à Belfort - 10h - maison du peuple
à Vesoul - 16h30 - rue de la Préfecture

Hollande avait dit :
« Le changement c’est maintenant. Mes 60 engagements pour la France ».
Alors, impuissant ou amnésique ?

« Je proposerai à nos partenaires européens un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise… en réorientant le rôle de la BCE dans cette direction ». Qu’a-t-il fait ? Croissance zéro (Merkel lui a imposée), sacralisation de la Banque Centrale Européenne (selon Moscovici « on n’y peut pas grand-chose » !), remboursement des créanciers tout en promettant de ramener le déficit à 3% en 2013 sur le dos des salariés : impôts supplémentaires, réduction des dépenses publiques et des fonctionnaires...
 
« J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Je supprimerai les stocks option, j’encadrerai les bonus... Je garantirai l’épargne populaire… ». Qu’a-t-il fait ?  Chute du revenu du livret A à 1.75%, 20 milliards de crédits d’impôts aux entreprises, par cotisations patronales allégées - mesures qui ont fait la preuve de leur inefficacité pour l’emploi depuis 30 ans ! Et les banques, par leurs filiales, peuvent continuer à spéculer…

« Je lutterai contre la précarité… J’augmenterai les cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires... ». Qu’a-t-il fait ? Création  de 100 000 emplois d’avenir pour les jeunes sans avenir, des contrats de génération et autres contrats « aidés » au rabais : l’Etat, donc les contribuables, paieront !

« Je favoriserai la production et l’emploi … en orientant les aides publiques et les allègements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire… J’instaurerai pour les entreprises qui délocalisent un remboursement des aides publiques reçues… ». Qu’a-t-il fait ? A Florange, Arcelor/Mittal décide de fermer les deux hauts fourneaux. Il refuse de nationaliser, fût-ce temporairement, l’aciérie de Florange. Il préfère croire en Mittal qui promet d’investir 180 millions en 5 ans, en oubliant que celui-ci n’a pas tenu sa promesse de 2008 d’investir 330 millions.

« Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions… Je mettrai en place la sécurisation des parcours professionnels, pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelle ». Qu’a-t-il fait ?  


Et voici l’ANI, au goût bien amer pour les salariés !
Accord National Interprofessionnel,
signé le 11 janvier, entre le Medef et 3 syndicats minoritaires : CFDT, CFE-CGC et CFTC.
Le patronat obtient une déréglementation d’ampleur du droit du travail.
M. Ayrault l’a promis à Mme Parisot, aux anges, jamais Sarkozy ne l’a autant satisfaite !

C’est quoi l’ANI ?

Un accord de flexibilisation forcée. Eux, ils disent « mobilité interne » (art. 15). Il suffira à l’employeur de signer un accord minoritaire pour envoyer un salarié à l’autre bout de la France, voire à l’étranger, sur un poste totalement différent du sien. En cas de refus, le salarié sera licencié pour motif personnel. L’employeur pourra ainsi dissimuler, derrière un refus de mobilité, des licenciements en masse pour motif personnel, sans que le salarié puisse bénéficier des garanties propres aux licenciements économiques collectifs.

Un accord de chantage à l’emploi. Eux, ils disent « maintien dans l’emploi » (art. 18). Un accord d’entreprise peut prévoir une augmentation du temps de travail et ou une baisse des salaires en échange du maintien de l’emploi … comme l’ont vécu à leur dépens les Continental, Peugeot Motocycles ou Goodyear ! Le salarié qui refuse sera licencié pour motif économique sans pouvoir contester la cause même de son licenciement, et l’entreprise est exonérée des obligations légales attachées à un licenciement collectif pour motif économique.  Bref, les salariés doivent accepter de baisser leurs salaires, de travailler plus pendant deux ans et l’entreprise peut les licencier juste après ! Bien sûr ! Pas question de diminuer la rémunération des actionnaires ! Hollande avait pourtant promis, en février 2012, lors de sa visite à Gandrange « ce type d’accord ne verra pas le jour ». Amnésie ?

…/…
Un accord pour favoriser les licenciements collectifs (art. 20). La procédure de licenciement et le contenu du plan social pourront être décidés par simple accord d’entreprise, voire, si les délégués sont récalcitrants, par un simple document de l’employeur homologué par la direction du travail. Il suffira à l’employeur de consulter la CE et d’attendre 3 semaines la réponse de l’administration. Sans réponse, le texte est homologué et le patron peut licencier.

Une attaque en règle contre le CDI. Eux ils créent  le CDII – contrat de travail intermittent à durée indéterminée – un emploi alternant les périodes travaillées et non travaillées (dans les entreprises de moins de 50 salariés). Il ne garantit aucune durée minimale de travail sur l’année. Et pourquoi ne pas utiliser le CDD saisonnier existant ? Mais voyons, celui-là ouvre des droits aux allocations chômage, pas le CDII ! C’est la précarisation-paupérisation des salariés les plus vulnérables.

Un accord de sécurisation de la délinquance patronale. Il met en place un maximum récupérable selon l’ancienneté et empêche de remonter au début du préjudice. La réparation pour des faits remontant à plus de 3 ans ne sera plus possible ! 

L’accord fait miroiter des avancées … mais …
Un nombre d’heures minimum pour les salariés à temps partiel (24 H par semaine)… mais le texte prévoit la possibilité d’y déroger ! Cela sert surtout à conforter les dispositifs d’annualisation en légalisant des pratiques précédemment condamnées par les juges.

La conciliation prud’homale sera facilitée (art. 25)  mais le texte prévoit une règle d’indemnisation forfaitaire nettement moins favorable que les indemnités auxquelles pourrait prétendre un salarié licencié suite à jugement prud’homal. Il s’agit de  revenir sur la jurisprudence protectrice des droits des salariés. De plus, les délais sont encore raccourcis en matière de prescription : passés de 30 ans à 5 ans en 2008, portés à 24 mois. Tous les 3 ans, l’employeur est amnistié de ces manquements si le salarié n’a pas saisi le juge.

Il généralise la couverture complémentaire des frais de santé (art. 1) mais c’est une négociation par branche professionnelle avec adhésion obligatoire et financement  par moitié entre salariés et employeurs.  A défaut d’accord intervenu au 1er janvier 2016, les entreprises sont tenues de faire bénéficier leurs salariés d’un panier de soins minimum. L’entreprise est libre de retenir l’organisme de son choix. Cadeau juteux aux assurances privées !

L’ANI est un accord scandaleux !
  Le Parlement ne doit pas l’adopter !

Nous ne voulons pas de cette politique qui se dit
  « de gauche » tout en ne prenant que des mesures contre les salariés et les classes populaires !

Brisons ce système infernal qui produit pauvreté et inégalités sociales, qui désespère les peuples
 et prépare la place aux populismes d’extrême droite !

 Retrait de cet accord inacceptable !
Sinon, un seul mot d’ordre « Ayrault, Dégage ! »



Les Amis de l’Emancipation Sociale
Rouges de colère car les clases populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme
Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète
Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité que nous voulons multicolore, multiculturelle et solidaire

le 25.02.2013  

Bébert Truxler nous propose un poème de 
De Roland Masseboeuf, poète à la «Peuge»
Extrait du recueil «Poésie en bleu» - édition Saint Germain-des-Prés en 1987


La violence


La violence n’est pas vêtue d’un blouson noir.
La violence n’a pas les yeux de ces loubards.
Pauvres gosses perdus dans ces tours de béton,
Qui nous montrent les dents à défaut d’affection.
La violence est vêtue d’un beau complet veston,
Tirée à quatre épingles, au-dessus de tout soupçon.
Et d’avion en avion, elle vend des canons,
De salon en salon, elle vend des avions.
La violence n’est pas dans le quartier Barbès.
Cité des Quatre Mille ne cherche pas son adresse.
Cherche plutôt à Neuilly, ou bien dans le seizième.
Mais je doute beaucoup qu’un jour tu y parviennes.
Les milices privées sont là  pour t’arrêter,
Et  méfie-toi des crocs de leurs chiens policiers.
La violence n’est pas derrière les banderoles,
Dans le cœur de cet homme qui a pris la parole,
Dans le cœur de ces gens, dressant des poings rageurs,
Qui gueulent leur colère pour conjurer leur peur.
La violence dort bien, sous de beaux édredons,
Mais, c’est dans ses usines que nous la côtoyons.
Si vous ne me croyez pas, demandez à Raymond.
Non, pas lui, il est mort peu après l’explosion.
Demandez à Antoine si vous ne me croyez pas.
Non, pas lui, les vapeurs lui ont brûlé la voix.
Pas non plus à Philippe, encore moins à Anna,
Le cœur pas assez dur pour mener le combat,
Faut-il que ce soit dur pour préférer à ça
Quelques grammes de plomb qui ne pardonnent pas.



Raymond, 47 ans, 5 enfants, est mort le 10 septembre 1981 des suites de ses brûlures, après l’explosion du four qu’il conduisait à la fonderie Peugeot-Sochaux
Antoine, délégué du personnel à la verve intarissable, a perdu l’usage de son arme favorite : la parole, après avoir travaillé de nombreuses années à la soudure aluminium sans dispositif d’aspiration des vapeurs. Deux de ses camarades, Marcel et René, sont morts d’un cancer de la gorge.
Philippe, délégué en Carrosserie, s’est donné la mort le 8 février 1980. Il avait reçu quelques 62 lettres d’avertissements, mises à pied, brimades, rien ne lui a été épargné.
Anna, ouvrière à la fonderie, a choisi d’en finir avec cette vie à 25 ans.

Roland Masseboeuf était ouvrier et délégué CGT à la fonderie de Peugeot-Sochaux. Il est reparti dans son Ardèche natale après les grèves de l’automne 1989, dégoûté comme beaucoup de militants sincères.


Les Amis de l’Emancipation sociale, les Amis du Monde Diplomatique
Nord Franche-Comté, le Cinéma et Rien d’autre, l’Atelier
vous proposent de découvrir le film

Le grand retournement

au cinéma Colisée à MONTBELIARD  
Jeudi 14 mars 2013 à 20h30
Tarif : 5 € (3,50 € avec la carte art et essai)

Suivi d’un débat en présence du réalisateur
Gérard Mordillat

Gérard Mordillat, romancier, cinéaste, a adapté la  pièce de théâtre de Frédéric Lordon « D’un retournement l’autre ».
C’est la crise. La Bourse dégringole, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l’économie se meurt… Pour sauver leurs mises, les banquiers font appel à l’Etat. L’Etat haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres…                                                          Contact : 03.84.30.35.73 




Les Amis de l’Emancipation sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, les Amis du cinéma de Vesoul  et l’UD CGT 70
vous proposent de découvrir  le film

Le grand retournement

au cinéma Majestic à VESOUL  
Mercredi 13 mars 2013 à 20h30
Tarifs habituels
 Suivi d’un débat en présence du réalisateur
Gérard Mordillat

Gérard Mordillat, romancier, cinéaste, a adapté la  pièce de théâtre de Frédéric Lordon « D’un retournement l’autre ».
C’est la crise. La Bourse dégringole, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l’économie se meurt… Pour sauver leurs mises, les banquiers font appel à l’Etat. L’Etat haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres.                                                            Contact : 03.84.30.35.73 




 Justice pour Ayoub 

 Deux ans après  un tir de flash ball qui lui a coûté un œil, ce jeune homme complètement étranger à ce qui motivait l’intervention de la police attend toujours que la justice inculpe l’auteur du tir. La liste des victimes du flash ball atteint la vingtaine en France et cette arme dangereuse a  fait sa dernière victime à Strasbourg lors de la  manifestation des ouvriers d’Arcelor Mittal.

POURQUOI CES ARMES NE SONT-ELLES PAS INTERDITES ?
POURQUOI LA JUSTICE N’EST-ELLE PAS RENDUE ?

Pour en parler avec vous et pour envisager des actions communes contre l’utilisation de ces armes et contre l’impunité policière,
Le comité de soutien à Ayoub, les Amis de l’émancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté vous convient à



  une soirée TEMOIGNAGES
en présence de
 Joachim Gatti
 et des militants du Collectif du 8 juillet de Montreuil
  Pierre Douillard de Nantes
tous deux victimes de tirs de flash ball
et de
Clarisse TARON
 membre du Conseil du Syndicat de la Magistrature


VENDREDI  8  MARS 2013
à MONTBELIARD à 20h
Salle Mouhot – espace associatif
1 rue du château (ancien hôpital)
Entrée libre


 contacts : 03-81-90-13-83 et 03.84.30.35.73

mercredi 6 février 2013

Le Comité pour Ayoub de Montbéliard/Audincourt
organise une marche silencieuse en soutien aux victimes (dont Ayoub)
de l'usage par la police des armes sophistiquées (du type flash ball).

C'est samedi 9 février 2013 à 10h au marché d'Audincourt

Lever le voile sur le «projet pour l’école»


L’article d’Isabelle Mely et Marc Lefebvre, paru dans le n° précédent (241) d’ACC, sur la signification de la «réforme» Peillon de l’école primaire et le rôle pour le moins ambigu que jouent les organisations syndicales, souligne que ce «projet éducatif» a pour fonction d’opérer une mutation de l’école au profit des «potentats patronaux» locaux. Le développement qui suit cherche à approfondir cette veine ; la restructuration du capitalisme nécessite, outre l’acceptabilité de cette réforme par le  monde enseignant et ses syndicats, une nouvelle conception de l’école et des enseignants.

La semaine des 4 jours et demi qui, dit-on, viserait à prendre soin des élèves, ne serait-elle pas l’arbre qui cache la forêt ou plutôt un piège faisant apparaître les enseignants comme des privilégiés, éternels réticents à toute « réforme » ? Au-delà du pouvoir des maires introduits dans les conseils d’école, quelle est la nature des activités pédagogiques complémentaires qui seront mises en œuvre ? Que signifie véritablement pour Vincent Peillon « répondre au besoin de l’économie et des entreprises » ?

L’école des compétences contre l’école de transmission des connaissances

Pour répondre à ces questions mieux vaut partir des directives des «maîtres» avant de souligner l’obéissance de leurs serviteurs. Selon Mme Andralou Vassiliou, commissaire européenne de l’éducation, l’objectif est «d’améliorer les compétences et l’accès à l’éducation en se concentrant sur les besoins des marchés» et de préciser que la «réforme» du système éducatif doit viser «la maîtrise de la langue maternelle, des langues étrangères», l’acquisition «de compétences en mathématiques, en sciences, en technologies numériques». Cette énumération restrictive fait donc disparaître la philosophie, l’histoire, la littérature… disciplines jugées non-productives. Cette stratégie de Lisbonne explicitée, introduite en France en 2005, recourt à la novlangue, «apprendre à apprendre» (mais quoi ?) qu’il faut décrypter. En effet, derrière «le socle commun des compétences» se joue toute une conception/appauvrissement de ce qui doit être enseigné. Ceux qui sortent de l’école doivent être employables sur un marché du travail déréglementé et être capables «de projet en projet», selon un parcours heurté de périodes de travail et de chômage, de s’adapter. Jetables et ré-employables, ils devraient pouvoir «apprendre tout au long de la vie». Dans ces conditions le savoir est considéré comme superflu, voire périssable, les nouvelles technologies y pourvoyant selon les différentes séquences de la vie. Les seules compétences requises seraient celles permettant de s’adapter, en possédant un savoir-être normé et une communication de qualité pour pouvoir vendre sa force de travail.

Si l’innovation technologique est «moteur de croissance», s’il s’agit de gérer l’obsolescence de produits qui, à peine commercialisés, nécessitent de produire autre chose du même type, si la finalité du capitalisme débridé est la «destruction créatrice», l’identité professionnelle devient obsolète, tout comme les qualifications reposant sur des connaissances et des savoir-faire. L’exigence de mobilité, de flexibilité et, par conséquent, de précarisation du salariat doit se conjuguer avec une «logique de compétence» et de maîtrise des nouvelles technologies informatiques. Ce processus en marche depuis 2005 s’accélère avec Peillon.

La circulaire du 9 septembre 2005 met en place une compétence B2i (Brevet informatique et internet) comprenant 3 niveaux (école, collège, lycée) pour les enseignants ; celle-ci, tout comme le B21 et la maîtrise TICE (technologies informatique, commerciale, électronique) de 2010, obligatoire pour être nommé professeur stagiaire après réussite au concours, sont déjà significatives de la volonté de conditionner les élèves à l’usage des TICE surtout lorsqu’on les met en relation avec leurs conséquences pratiques initiées par des bâtisseurs de droite et de gauche. Ainsi, Xavier Bertrand, avait concocté un plan doté de 50 millions d’euros, en 2009, afin que les 4/12 ans puissent bénéficier d’un cartable électronique, suivant en cela l’initiative locale de François Hollande offrant dès 2008 aux Corréziens de la 5ème à la 3ème un ordinateur portable, tous les élèves devant être dotés à partir de 2010. Rien d’étonnant donc que Vincent Peillon annonce, le 30 mars 2012, qu’il mettra en place «l’éducation numérique moteur du changement» afin de «former les élèves au monde qui les attend»…. Et comme pour s’en justifier, d’ajouter «les TICE entrent en résonnance avec les pratiques affectives des jeunes, c’est une source d’attrait». Il ne faisait là que suivre le rapport Fourgous remis à François Fillon : «l’utilisation de la 3D et les jeux sérieux dans les cours permettront des enseignements plus attractifs et plus motivants» ; il s’agit désormais de «former et manager les enseignants pour que les TICE se développent. Leur formation et leur statut doivent évoluer : ils vont devenir des guides, des metteurs en scène, des ingénieurs pédagogiques».

Vers un enseignement sans enseignants ?

Si l’on a pu remplacer des ouvriers par des machines en les expropriant de leur savoir et de leur savoir-faire, pourquoi ne pourrait-on pas remplacer les enseignants par des ordinateurs ? La réponse n’est pas seulement dans la question, elle est déjà à l’œuvre. Les supports pédagogiques numériques comprenant cours, fiches pédagogiques, exercices, tests existent déjà. Leur extension signifie que les capacités des professeurs à transmettre des savoirs seraient purement niées, leur rôle réduit à celui d’animateur numérique ou assistant navigateur doublé d’un surveillant. L’utopie numérique du capitalisme néolibéral technologisé en matière d’éducation rejoint le fantasme d’un enseignement sans enseignant. Il va de soi que ces nouvelles «pratiques éducatives» auront (ont déjà[1]) de profondes répercussions sur le mode de recrutement du personnel de l’éducation nationale. Quant aux entreprises privées, elles profitent de l’aubaine. L’enseignement à distance de soutien scolaire connaît une augmentation de 10% de son chiffre d’affaires par an et concerne 850 000 élèves sur 2 millions. Ainsi à titre d’exemple, Acadomia a réalisé 110 millions de chiffre d’affaires l’an dernier. Comme le soulignent les articles du Monde du 24 janvier, consacrés à l’expérimentation qui prévaut à l’université de Bretagne, celle-ci permet de désengorger les amphis bondés, de flexibiliser les professeurs qui interviennent sur plusieurs sites tout en se déplaçant uniquement pour orchestrer les travaux dirigés. Geneviève Fraroso, vice-présidente de cette université, travaille, reconnaît-elle, au lancement de «France université numérique» afin de «développer une offre de formation initiale et continue en ligne». Elle est d’ailleurs chargée de préparer un projet de loi que le ministre de l’enseignement supérieur doit déposer le 6 mars prochain au conseil des ministres. Le but, comme le reconnaît son collègue, Patrice Roturier, c’est de «faire des économies d’échelle». Il a déjà calculé que «la licence en droit coûtera 2 fois moins cher». Quant à «l’expert» interviewé un certain François Taddéi, ces formulations sont encore plus abruptes : «la question est de savoir s’il restera des étudiants dans les amphis demain» et à l’interrogation «Va-t-on apprendre aussi bien ?» d’avouer : «pas forcément. Mais on apprend pour moins cher et d’une manière plus flexible». 

Tous ces politiques et hauts fonctionnaires de s’indigner : «Nous sommes en retard !» En effet, l’exemple de la Floride est emblématique d’une avancée qu’il nous faudrait rattraper. Patricia Cabera, directrice de l’institut universitaire de révéler ( !) que les classes virtuelles appelées «labos d’apprentissage électronique» nous ont permis des coupes sombres dans le budget de l’éducation. Nous avons procédé à la «dématérialisation de l’école», «les élèves peuvent s’entraîner sur ordinateur avec des exercices auto-corrigés, chacun selon son rythme d’apprentissage». Mais elle compte maintenir son avance : «Nous imaginons des contenus éducatifs que le professeur pourra recevoir via son téléphone portable ou son i.pad. Nous cherchons à comprendre comment diffuser ce matériel via facebook ou twitter. C’est le sujet de nos échanges avec le ministère».

Le monde de demain qu’ils nous préparent

Vis-à-vis de l’introduction des nouvelles technologies informatiques à l’école, il y a chez les enseignants à la fois comme une résignation face «au progrès» et un certain malaise vis-à-vis du comportement des jeunes. En deux clics, ils peuvent avoir accès aux informations demandées et face au scintillement des écrans, avoir du mal à fixer leur attention. C’est que la recommandation de «sortir de la routine du tableau noir» occulte la différence entre informations accessibles et connaissances articulées sur un savoir qui nécessite une mémorisation. D’où les difficultés au maniement de la syntaxe, la méconnaissance de l’orthographe, voire les obstacles à procéder à la lecture, à l’écriture, à articuler des raisonnements logiques. Car ce que l’on forme, ce sont des esprits zappeurs, une génération multitâche qui cherche des recettes immédiates sans avoir la possibilité de les resituer dans leur contexte. Pour Michel Desmurget, chercheur en neurosciences, «la multitâche est antinomique du fonctionnement cérébral», «cela altère les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation au niveau neuronal». Plus abrupt, le philosophe Jean-Claude Michéa déclare : «il s’agit d’un sabotage des apprentissages fondamentaux». En effet, si la «vraie vie» ce sont les jeux vidéo, facebook, la saturation informationnelle, la destruction cognitive n’est pas loin. C’est peut-être l’ambition qui taraude les élites qui nous gouvernent. Ainsi, John Gage dirigeant de Sun Microsystems, chantre de la malléabilité flexible de la main d’œuvre, déclare tout de go : «nous engageons nos employés par ordinateur, ils travaillent sur ordinateur, ils sont virés par ordinateur». Cette vision est définie depuis 1995 par «l’aristocratie» capitaliste qui entend façonner le monde de demain. Deux journalistes d’investigation, Hans Peter Martin et Harold Schumann[2] rapportaient les délibérations des «500 grands leaders économiques, politiques de premier plan réunis à San Francisco en septembre 1995». S’agissant des grandes évolutions à venir «ils estimèrent que seuls 20% de la population active suffiraient à maintenir l’activité économique mondiale. Les 80% restants, il conviendrait de les occuper». Et Zbigniew Rsazezinski d’ajouter «il va falloir les allaiter avec un cocktail de divertissements abrutissants et une alimentation suffisante pour maintenir cette population frustrée dans la bonne humeur» et garantir ainsi la «paix sociale».  

S’agissant précisément des 20%, les cadres supérieurs de Google, Yahoo, Apple dans la Silicon Valley ne s’y sont pas trompés. Ils envoient leurs enfants dans des écoles où les nouvelles technologies sont proscrites et où prévaut la pédagogie de Waldorf. Pour ce dernier, «les ordinateurs inhibent la créativité, le mouvement, les interactions sociales et les capacités d’attention». Dans ces écoles pour l’élite, «il n’y a que du papier, des stylos, de bons vieux tableaux noirs et des encyclopédies» ; Interpellé, Thierry Klein, gérant d’une société spécialisée dans les logiciels éducatifs de s’exclamer : «ils sont parfaitement conscients du phénomène d’addiction qu’ils créent et veulent en préserver leurs enfants. C’est d’un cynisme génial !».

Mais il n’est pas certain que les «maîtres du monde» parviennent à mettre en application leur vision du monde.

Quelle mobilisation des enseignants et des parents d’élèves ?

Si on laisse penser que, tous comptes faits, l’aménagement du rythme scolaire que veut imposer Peillon n’est animé que par de bonnes intentions visant à améliorer l’apprentissage des élèves, s’il parvient à faire croire que les augmentations de salaires doivent être différées pour rembourser la dette de l’Etat et satisfaire les créanciers et, par conséquent, que le monde enseignant doit participer à «l’effort demandé à tous», lui faisant obole d’une petite prime, la mobilisation placée sur le terrain de l’adversaire restera minoritaire. Elle prêtera le flanc à toutes les accusations stigmatisantes (corporatisme, des nantis qui défendent leurs privilèges…).

Cela ne veut pas dire qu’il faille se priver de contre-attaquer sur le terrain des soi-disant bonnes intentions du ministre. A l’instar de Sylvia Ulmo[3], il y a quelques bonnes questions à poser : «Qui a tronçonné l’année avec 6 semaines de vacances» pour satisfaire les organisateurs de tourisme et les stations de sports d’hiver ? Sont-ce les enseignants qui ont demandé la suppression des cours le samedi pour satisfaire les parents qui ont les moyens de partir en week-end ? Qui a réduit le temps de travail annuel des élèves de 20% en 4 ans et supprimé les RASED (Réseaux d’Aide aux Elèves en difficultés) ? Toujours les mêmes, ces politiciens en mal de se constituer un capital électoral et de satisfaire des intérêts privés.

Mais plus fondamentalement, il s’agit de démontrer la nature du «projet de société» qui se dessine en creux derrière cette réforme en apparence anodine[4]. Si les maires siègent au sein des Conseils d’écoles, ils vont être sollicités pour fournir aux écoles des ordinateurs et autres NTCI ainsi que du personnel périscolaire. Confrontés au chômage dans leur bassin d’emploi, ne seront-ils pas les porte-parole des «entrepreneurs» ? Comment former ou formater les «citoyens» de demain et développer ou non leur esprit critique ? Les recrutements au rabais, l’invasion des nouvelles technologies informatiques n’augurent-ils pas la précarisation/prolétarisation du monde enseignant ?

Bref, la critique du néolibéralisme, d’une société à deux vitesses qu’il promeut, doit être une arme pour favoriser l’effervescence intellectuelle pour agir et contester le système qui se met en place. Ce combat contre l’idéologie dominante, sans rester abstrait, doit être porté au sein même des syndicats qui, certes, sont plus ou moins intégrés à l’appareil d’Etat mais dont la survie dépend en partie des réactions de leur base, y compris des réactions des parents d’élèves, voire des collégiens, lycéens et étudiants eux-mêmes.

Gérard Deneux
Le 2.02.2013    

Sources pour cet article (sauf indications contraires), l’essai de Cédric Biagini «L’emprise numérique» édition l’Echappée (en particulier les pages 131 à 170).


[1] Le campus numérique de Bretagne concerne 72 000 étudiants
[2] «Le piège de la mondialisation» éd. Actes Sud (paru en 1997 en français)
[3] Voir son article page débats du Monde du 26 janvier «Cessons de clouer les enseignants au pilori»
[4] Voir l’article du Monde du 2 février (p. 9) où certaines critiques adressées au projet de loi sur les universités laissent penser que les gouvernements avancent masqués et que l’avenir des établissements supérieurs est largement compromis par manque de crédits…

SAMEDI 9 FEVRIER 2013
 JOURNEE DE MOBILISTATION POUR LA PALESTINE

Signataires : Euro Palestine, Amis de l'Emancipation Sociale Association, France Palestine Solidarité ,Parti de Gauche, Coordination contre le Racisme et l'Islamophobie

15H00 RASSEMBLEMENT DEVANT LA
PREFECTURE PLACE DE LA REPUBLIQUE A
BELFORT
POUR SOUTENIR NOTRE AMI GEORGES IBRAHIM
ABDALLAH MILITANT LIBANAIS PRO PALESTINIEN
EMPRISONNE SUR LA BASE DE FAUX TEMOIGNAGES
ET MANIPULATIONS EN TOUT GENRE, LIBERABLE
DEPUIS 2003 MAINTENU EN DETENTION PAR L'ETAT
FRANCAIS MALGRE LES DECISIONS DE JUSTICE.
MANUEL VALLS SOUS LA PRESSION DES ETATS UNIS
ET D'ISRAEL OUTRE PASSE LES DECISION DE JUSTICE
ET MAINTIEN GEORGES IBRAHIM ABDALLAH EN
OTAGE.
LIBEREZ GEORGES IBRAHIM
ABDALLAH !!!

16H00 ACTION BOYCOTT
La vente et l'achat de biens d'entreprises agricoles
israéliennes, comme Jaffa, Mehadrin et Hadiklaim,
finance et récompense la continuelle exploitation et
colonisation illégales israéliennes de la terre
palestinienne, et minent encore plus les chances
d'une paix juste fondée sur le droit international et le
respect des droits humains universels.
Comme cela a été démontré dans la lutte pour mettre
fin à l'apartheid en Afrique du Sud et le large
mouvement de solidarité internationale qui l'a
soutenue, les citoyens peuvent faire la différence en
s'abstenant d'acheter les produits des entreprises
complices et en s'employant à convaincre leurs
supermarchés de cesser de faire affaires avec eux.
Le lieu de l'action sera définit lors du rassemblement devant la prefecture.

Egypte: des journées de janvier qui préparent des bouleversements considérables

Les affrontements entre manifestants et les forces de répression devant le palais présidentiel ont pris fin à 5 h du matin le samedi 2 février.
Par ailleurs, ce vendredi 1er février, qui était prévu à l'origine pour "dégager" Morsi, il y avait moins de participation aux manifestations que vendredi dernier. Les raisons politiques qui en ont été données oublient souvent d'expliquer le plus remarquable, la durée, 9 jours (au moins) de manifestations et d'affrontements importants, après déjà trois semaines de grande ampleur fin novembre et début décembre. Ce sont les raisons de cette durée qu'il faut essayer de comprendre afin d'en saisir le contenu. Pour se rendre compte surtout que personne ne pense que ce soit fini. Tout le monde s'attend au contraire à un prochain soulèvement encore plus large. Et pour la plupart, une entrée dans l'inconnu.

Le tournant politique du FSN
On peut chercher à attribuer cette moindre participation le vendredi 1er février, comme cela a été fait dans une certaine mesure par les journalistes, à la pluie battante. Ou plus probablement, à la crainte provoquée par les violences qui avaient fait la semaine précédente 53 morts et 2 000 blessés, au moins. Et puis surtout, du fait de l'attitude des grands partis et mouvements d'opposition rassemblés dans le FSN qui ont clairement rejoint le camp des "institutions" détestées par le peuple, contre le mouvement de la rue et au nom de la non-violence.
Le FSN a en effet proposé, deux jours avant la manifestation, un gouvernement d'union nationale, Frères Musulmans-Salafistes-FSN pour arrêter, selon eux, les violences. Et pour faire cette proposition, le FSN s'est allié à l'extrême droite salafiste du parti Al Nour, principal instigateur des brutalités par l'armement de milices islamiques et dont le but est clairement d'imposer une dictature sur le peuple en détruisant violemment tous ses organes d'expression démocratique.
En mettant sur le même plan - avec de tels alliés - les violences de la police et l'armée et celles des manifestants qui ne font que tenter de se défendre, sans parler de leurs raisons de fond à se défendre contre la violence économique de ce régime où près de 40% de la population vit avec moins de 1,5 euros par jour, le FSN a pris clairement position contre la rue. Bien sûr, il a aussi appelé à manifester ce vendredi. Mais dans quel but ? Car cette mise à égalité des violences a clairement signifié, la population égyptienne l'a bien compris, que les libéraux, les démocrates, les socialistes nassériens et les principaux mouvements de jeunes démocrates révolutionnaires, alliés dans le FSN, qui avaient été porté au devant de la scène de l'opposition ces deux premières années de révolution, ont pris position contre la continuation de la révolution.
Pour dénoncer "la" violence, le FSN refait l'histoire et prétend que la chute de Moubarak s'est faite pacifiquement. On voit d'ailleurs à cette tentative explication que c'est bien la violence du peuple qui est visée. Or c'est un mythe que Moubarak soit tombé pacifiquement. Non seulement parce qu'il y a eu des centaines de morts mais aussi parce que presque tous les commissariats de police ont été brûlés le 28 janvier 2011 tout comme les sièges du PND et autres bâtiments symbolisant la force publique.
Le FSN a pris ce tournant parce qu'il a peur de la révolution sociale mais aussi parce qu'il a compris, le dirigeant de l'armée et ministre de la défense leur a expliqué, qu'il ne fallait pas qu'il compte que l'armée lâche les Frères Musulmans malgré leurs querelles, à leur profit. Pour un gouvernement FSN/armée en quelque sorte. Non pas que l'armée ne le veuille pas. Mais parce qu'elle ne le peut plus. La situation est tellement tendue, l'appareil d'Etat y compris l'armée, tellement fragilisé, qu'il faut que l'armée et la religion s'unissent tant qu'ils ont encore un peu d'autorité, pour préserver la propriété et l'ordre. Les Frères Musulmans sont certes haïs par le peuple mais il leur reste un peu d'autorité, par le biais de ce qui se maintient de leurs deux millions de membres, de leurs milices et de leur influence sur les mosquées. Le FSN a déjà perdu toute autorité et en plus il n'a guère de troupes bien solides.

La profondeur et l'étendue du tournant
On assiste aujourd'hui, à un profond rejet de toutes les institutions. Plus personne ne croît dans le gouvernement, l'armée, la justice, la police, les mosquées, les islamistes, Frères Musulmans ou salafistes, et maintenant les partis et mouvements d'opposition regroupés dans le FSN. Les journées de janvier 2013 ont ressemblé à la situation insurrectionnelle de janvier 2011, à la différence qu'après deux ans d'expériences diverses, d'un gouvernement de l'armée nationale à l'islamisme politique en passant par la démocratie participative et tous les partis et mouvements qui la défendait, il ne semble plus y avoir d'alternative.
En même temps, ces derniers jours, toutes les tentatives pour mettre fin aux vagues de révolte par la violence d’État ont échoué. La brutalité de la police n'intimide plus une grande partie des manifestants qui ont même réussi ces derniers jours à se saisir d'un haut officier de police et de trois véhicules blindés de la police. La propagande du gouvernement assimilant les manifestants qui ont attaqué les commissariats de police et les sièges des gouvernorats à des bandits, n'est ni entendue ni crue. Pour exemple, lors des affrontements qui se sont déplacés dans les rues d'Héliopolis, banlieue où se situe le palais présidentiel – un peu le XVIème arrondissement de Paris – où des Black Blocs, ou prétendus tels, jetaient cocktails molotov, pierres et fusées sur les forces de police, les gens ont clairement choisi leur camp en insultant les policiers depuis leurs balcons. Ou encore, le gouvernement a cru bon d'interdire les Black Blocs apparus à cette occasion, les présentant alternativement comme des milices chrétiennes ou des instruments de Moubarak et toujours comme des voyous seuls fauteurs de toutes les violences. Le seul effet a été de permettre aux marchands ambulants de vendre des milliers de leurs masques aux parents parce que leurs enfants les demandaient. Enfin le couvre feu imposé par Morsi aux villes du canal de Suez, Port Saïd, Suez et Ismaïlia a été ridiculisé par les manifestants qui l'ont défié en manifestant et chantant se moquant ouvertement de l'impuissance de Morsi. C'est une révolte contre les islamistes et l’État que la police est incapable d'arrêter et probablement pas non plus l'armée.
Pour que les manifestants cessent de s'en prendre aux bâtiments représentant l’État, il faudrait qu'ils sentent et pensent que cet État les représente. Or c'est tout le contraire. Et aucun des grands partis et mouvements au pouvoir ou dans l'opposition montre qu'il n'a de solutions de rechange. Ils sont tous paniqués à se demander s'il faut condamner ou pas cette violence populaire sans être même capables de se pencher sur la signification de ce tournant.
Ce qui fait que personne n'est en situation de contenir cette colère populaire ou même la capitaliser. Ce qui est d'une certaine manière le certificat de décès de toutes les solutions politiques issues de la révolution démocratique de janvier 2011 et des attentes populaires à leur égard.

Les raisons de fond du tournant et leurs conséquences
Cela n'est pas étonnant. Tous les partis d'opposition ont limité les objectifs de leurs combats au sommet de l’État, d'abord contre l'armée et maintenant contre les islamistes, sans jamais avoir tenté de poser les problèmes économiques et sociaux et encore moins d'y chercher et trouver des solutions. Or le pays est à deux doigts de la banqueroute. Le budget est déficitaire à des niveaux inimaginables, les réserves sont inexistantes de telle manière que personne ne sait comment le pays pourra importer pétrole et nourriture dont les gens ont tant besoin. Et le FMI soumet ses aides à des augmentations drastiques des taxes en tous genres y compris sur les produits de première nécessité. Taxes que le gouvernement avait annoncées en décembre mais à propos desquelles il avait ensuite reculé devant l'immense colère populaire soulevée par ces annonces. Or le peuple a faim et est à la limite de la rupture.
Et bien que certains partis du FSN, comme les nassériens, aient leur base en milieu populaire et ouvrier, ou dans le mouvement syndical bourgeonnant, alors que les autres partis et mouvements, l'ont plutôt dans les couches moyennes et supérieures, jamais le FSN n'a voulu abordé ces questions économiques et sociales, et même pire, n'a jamais critiqué la politique d'austérité que demande le FMI et que cherchent à mettre en place les Frères Musulmans. Seul le parti nassérien avait abordé ces questions, mais de manière floue, lors des présidentielles, ce qui avait valu le formidable succès de son candidat montrant bien combien ces questions sont au centre de la colère populaire et pas le fait de savoir s'il faut un régime parlementaire, théocratique, ou encore un mélange, etc.

De ce fait, tout aussi sûr que le Titanic avançant dans la nuit vers son iceberg, le pays va tout droit, les yeux fermés pour ses dirigeants, vers une formidable explosion économique et sociale, une deuxième révolution de la faim telle qu'il l'avait déjà connu en 1977. A la différence cette-fois ci, que lorsque surgira le "peuple de l'abîme", son amplitude et sa violence seront décuplées par deux années de soulèvements partiels, de centaines de morts, de milliers de blessés et d'emprisonnés, une police déliquescente, une armée paralysée par des menaces de désagrgation et par le fait qu'aucun parti et mouvement actuel ne le veut, le prépare et donc, d'ailleurs, ne le capitalisera.
Si cette explosion est inéluctable, la seule chose qu'on ne sait pas, c'est si elle se fera en mille émeutes dispersées ou en un seul surgissement gigantesque. C'est cela qui donnera la forme du régime à venir.
Il est en effet plus que probable qu'on verra alors les islamistes et l'opposition s'unir derrière l'armée et la police, tout autant d'ailleurs que les mouvements de jeunes révolutionnaires démocrates, facebookers et autres, contre ces émeutes de la faim, au nom de la stabilité sociale, de la propriété et de l'ordre. Les événements de janvier 2013 viennent de nous en donner un avant goût. Et il ne fait pas de doute que ces alliés, tous partisans de la démocratie et de la non-violence, n'hésiteront pas à aller, s'ils en ont les moyens, jusqu'à un massacre des pauvres révoltés du type de celui de juin 1848 à Paris s'il y a soulèvement global, ou, une dictature fascisante féroce contre les exploités en cas de révoltes émiettées.
S'ils en ont les moyens, bien sûr, car l'état de la police et de l'armée ne le leur permettront peut-être pas, surtout quand on voit le courage et la détermination de la jeunesse à qui les forces de répression, pourtant féroces dans ce pays, ne font plus peur, mais aussi sa lente maturation psychologique et politique.

Les deux révolutions, démocratique et sociale et ce qu'impliquent psychologiquement démocratie participative et démocratie directe
La révolution démocratique, celle qui a occupé toute la scène politique jusqu'à présent et qui voulait construire avec le règne de la loi une démocratie représentative, était animée par une haine de l'autoritarisme du régime de Moubarak. La seconde, la révolution sociale n'était pas visible jusque là. Elle avait pourtant un programme "le pain, la justice sociale, la liberté" et des demandes politiques spécifiques pour la réalisation de ce programme: dégager tous les petits Moubarak de toutes sortes, à tous les niveaux de l'économie ou de l'administration. Mais cette haine de la dictature sociale n'avait personne pour la remarquer et la dire.
L'essentiel du peuple des manifestants, de ceux qui se sont affrontés en janvier 2013 aux forces de l'ordre, qui ont encerclé les gouvernorats, brûlé les commissariats ou bloqué les voies ferrées, ceux qui ont cherché à faire des milices d'auto-défense et se nomment parfois Black Blocs ou Ultras, ont toujours vu dans la démocratie représentative défendue par le FSN qu'un système fait pour les marginaliser, mettre en minorité l'immense majorité du peuple des usines et des campagnes, des rues et des bureaux, en bref étouffer ou utiliser la démocratie directe des grèves et manifestations, des places et des assemblées générales. Les hommes de la révolution sociale étaient les soutiers de la révolution démocratique. Or avec la trahison par le FSN, déjà en décembre 2012 et plus clairement encore en janvier 2013, il y a eu là pour le peuple de la rue, une rupture psychologique avec de longues habitudes séculaires de renoncement, de soumission...
C'est pour ça que leur prise de la rue de cette fin janvier-début février n'est pas qu'une protestation comme il y a en a déjà eu bien d'autres. Là, les soutiers de la révolution étaient seuls, livrés à eux-mêmes et ils s'en sont rendu compte. Ils ont fait ces journées sans ou contre les partis qui jusque là les avaient dirigé et leurs avaient donné objectifs et dirigeants. On avait déjà vu, notamment le 28 janvier 2011, un mix de la révolution sociale et de la révolution démocratique. C'est cela qui avait fait tomber Moubarak. Puis la révolution démocratique avait continué sa marche sans se préoccuper de ceux d'en bas. Mais après les journées de décembre 2012, lorsqu'ils étaient 750 000 à marcher sur le palais présidentiel de Morsi en exigeant son départ et que, déjà, le FSN avait sauvé ce dernier, en l'aidant à détourner la rue vers les urnes du référendum sur la nouvelle constitution, il s'était passé quelque chose d'étrange. L’Égypte avait été envahie d'un grand silence. Même le 1er janvier si festif d'habitude n'avait pas été fêté. La révolution sociale digérait la trahison du FSN, de la révolution démocratique et mûrissait sa réponse. La révolution sociale devait chercher son expression propre, son chemin ou mourir..
Le défi de Port Saïd, Suez et Ismaïlia au couvre feu de Morsi et de l'armée a été la réponse la plus nette. En commençant par provocation à manifester dès que le couvre feu commençait, tout en chantant, dansant, jouant au foot pendant sa durée malgré le drame du massacre du stade de Port Saïd et les condamnations à mort de supporteurs, ils affirmaient là, à tous et à eux-mêmes, non seulement qu'ils s'asseyaient sur les décisions du pouvoir, que l'armée même ne pouvait plus les faire appliquer, mais que eux pouvaient être la loi, la règle. C'était une manière d'affirmer un autre pouvoir, d'autres codes et valeurs: une loi d'honnêteté, de joie et de courage, qui ne se réduise pas à leur démocratie factice des bureaux de vote. Car d'une certaine manière, ils détestent les bureaux de vote. Ils les ont toujours détesté.
Jusque là, ils les fuyaient et continuaient à en subir la loi. Pensons que le sénat - élu au suffrage universel - qui aujourd'hui légifère par défaut de l'Assemblée législative dissoute, n'a été élu qu'avec une participation de 7% et que le scrutin le plus suivi depuis deux ans n'a guère dépassé 50% de participation, officiellement, beaucoup moins probablement. Et que cette participation, plus on avance dans le temps, est en chute libre. Pour eux les élections sont profondément et doublement injustes. Encore plus en Égypte qu'en France, les élections sont affaire d'argent. Non seulement parce qu'il n'y a aucune subvention de l’État, tout dépend donc de la seule richesse des candidats mais aussi parce qu'on achète les électeurs, les scrutateurs, les juges, les journaux, les radios, les télévisions, bref les résultats. C'est une double injustice parce qu'il y a tricherie généralisée mais aussi parce que les pauvres en sont systématiquement et particulièrement exclus, seulement convoqués une fois tous les 4 ans pour y jouer le rôle de figurant dans un film où les rôles vedettes sont toujours tenus par les autres classes. C'est un système électoral de classe qui consiste à faire croire qu'il est l'expression du peuple alors qu'il est l'exclusion du peuple. En bref, pour tous ceux qui tentent d'imposer une autre démocratie par la rue, les élus au parlement, au sénat ou à la constituante ne doivent leur siège qu'à leur capacité à tromper le peuple.

Depuis décembre-janvier, le changement, c'est qu'en inventant l’embryon psychologique d'un autre pouvoir, une autre démocratie, celle de la rue, tout d'un coup se matérialise ce qu'ils ressentaient depuis toujours sans oser le penser, à savoir que tout ce cinéma de la démocratie représentative n'est rien qu'un théâtre d'ombres, insensé et dérisoire, mort.
La différence de contenu des manifestations de janvier, c'est cela, et, ça s'est vu très clairement. Les partis du FSN et même leurs leaders les plus populaires comme Khaled Ali, un des avocats-militants du nouveau syndicalisme, qui ont tenté de s'interposer entre forces de répression et révolution tout en appelant à la non-violence, ont été conspué. "Allez chercher votre paye" a-t-on entendu à leur encontre. Sous entendu, allez vous faire payer par la police pour ce que vous faites. Le désarroi des militants du FSN était patent. Ils ne savaient plus quoi dire ou faire. Du coup, il n'y avait personne, aucun parti pour fausser le fait brut, le détourner, l'utiliser. Les Black Blocs par exemple, qui sont l'expression du besoin d'une milice populaire et peut-être leur embryon, qui n'ont rien à voir avec ceux d'occident, se voulaient service d'ordre, protection des manifestants, et ont servi ainsi à la manifestation de Mahalla, en ont été un des signes. Ils ont surpris tout le monde semblant surgir de nulle part. Or tout ce qui représentait l'ancien monde les a sali. Les Frères Musulmans ont dit que c'étaient des milices chrétiennes, le pouvoir les a interdit en les présentant comme des bandes de gangsters, les révolutionnaires patentés ont prétendu que c'était à cause de leurs méthodes que la police était aussi violente, que sans eux, on pourrait renverser Morsi pacifiquement...
Réponse de la révolution: comme on l'a vu plus haut, les familles achetaient partout les masques des Black Blocs ( anonymous) à leurs enfants qui les réclamaient, même au milieu des affrontements, auprès de centaines de marchands ambulants. Réponse encore: une femme voilée entraîne une manifestation hésitante en criant : « C’est fini du pacifisme ... on veut les affronter. Celui qui a le courage de m’accompagner, qu’il m’accompagne ! Celui qui a peur des Frères musulmans, qu’il reste chez lui ! ». Sans hésitation, des masses de citoyens n’appartenant à aucun parti se rassemblent autour d’elle. Ils sont prêts à marcher sur ses pas. « On est là pour récupérer notre liberté. Nous avons lutté pour vivre libres et non pas en esclaves », crie un homme de 50 ans. Finalement, il est décidé que la marche se divise en deux. Certains, comme le mouvement du 6 Avril qui a pourtant été à la tête de la plupart des mouvements jusque là, changent de chemin pour ne pas affronter les partisans de M. Morsi. "Honte" a crié la foule à certains de ces anciens leaders de la révolution démocratique qui tentaient de faire barrage pour protéger le palais présidentiel. Comment ne pas penser au dialogue de John Reed dans ses "Dix jours qui ébranlèrent le monde" entre l'étudiant révolutionnaire et le soldat...

Réponse de la révolution aux partis du FSN: place Tahrir, les tribunes traditionnelles des partis sur les côtés avaient quasi disparu, comme hier celle des Frères Musulmans avait été détruite. Seul un "crieur" avec hauts-parleurs à fond, donnait des nouvelles des manifestations en Égypte et lançait des slogans contre le régime.
Réponse aux islamistes: l'imam de la place Tahrir, Mohammed Abdallah Nasser, peut-être un futur Jacques Roux égyptien, dénonce dans les hauts-parleurs Morsi comme un islamiste illégitime mais également tous ceux qui utilisent l'islam pour faire de la politique. Il justifie la révolution et défend les Black Blocs car pour lui les vrais terroristes sont les policiers et les milices islamistes. Dans une mosquée comme dans cent autres, pleine de fidèles, parmi lesquels des partisans du président: dès que la prière est terminée, les cris commencent à s’élever : « A bas, à bas, le régime du guide suprême de la confrérie ! » (le dirigeant des Frères Musulmans), « Vive la chute des chiens qui suivent le guide ! ». Les partisans du président ont entendu les insultes mais n’ont pas osé répondre. Une banderole à Suez "Allah, libère l’Égypte des tyrans" (Frères Musulmans, salafistes, jihadistes). Une autre à Port Saïd "Dieu n'est pas avec Morsi". On pense à 1905 en Russie, au pope Gapone...
Avec ces événements de janvier, une marche est franchie dans l'émancipation des esprits. Non seulement les gens n'ont plus peur du pouvoir, mais ils ont vu que le pouvoir était impuissant contre eux. Justement parce qu'ils n'ont plus peur. De là s'ouvrent de multiples portes psychologiques et donc politiques. Quand on a décidé de ne plus passer sa vie à genou on comprend que la piété ou l'honnêteté sont des valeurs qui n'ont pas de place ni au parlement ni dans les mosquées et qu'on les trouve bien plus largement dans la rue chez les manifestants, les Ultra, les Black Bloc, les bloqueurs de rues, les jeteurs de pierre... En rejetant la peur de la police qui était liée au mépris d'eux-mêmes, en ne craignant plus dieu, en arrêtant de déléguer leur pouvoir au FSN, ils sont en train de comprendre que eux, les exclus, les méprisés, les prolétaires, portent ces valeurs bien plus dans la rue qu'on ne les trouve en haut lieu, dans les palais, les mosquées et les parlements.

C'est une révolution. Une révolution mentale aux conséquences considérables.
Une révolution dont on a peut-être vu les premiers symptômes organisationnels et politiques à Mahalla en décembre et peut-être à Kafr el Sheikh en janvier avec les proclamations des premières structures autogérées par les révolutionnaires pour prendre en main la gestion de ces villes. Ce n'était peut-être pour le moment que momentané voire même symbolique. Mais pour qu'apparaisse "spontanément" ce genre de structures, il faut situation qui donne naissance à cette révolution mentale, des hommes qui en aient l'esprit et la volonté. Or c'est cette situation, cet esprit qu'on a vu germer en janvier 2013. Les soviets de 1905 en Russie ne se sont construits que parce qu'ils avaient été précédés par des années de luttes et de grèves d'importance où une génération avait appris par l'expérience à ne plus avoir confiance dans de prétendus représentants mais seulement en elle-même. Où des hommes avaient assez confiance en eux et se méfiaient suffisamment de ceux du dessus pour non seulement faire des assemblées ou se retrouver sur des places pour voter des motions, crier son enthousiasme mais ensuite repartir chez soi et laisser faire les autres comme d'habitude, mais pour cette fois aller jusqu'au bout, appliquer ce qui a été décidé. Car ils avaien t appris qu'il n'y a personne d'autre qu'eux-mêmes pou l'appliquer.
Cette révolution mentale n'en est qu'à ses débuts, mais nous entrons dans une période où cette démocratie directe passera des manifestations de rue, des commissariats brûlés, à la marche" vers la gestion commune des villes, des usines et des champs, comme elle a déjà posé le problème de sa propre sécurité par ses embryons de milices. Les révolutionnaires ne posent la question de l'armement du peuple qu'après que la révolution ait montré dans les faits que la situation en était mure. Il en va de même pour les structures autonomes de pouvoir du peuple. C'est pourquoi on regrette vivement que pas un révolutionnaire n'ait eu l'envie de regarder sérieusement et de plus près sous cet angle ce qui s'était passé à Mahalla el Kubra en décembre et, peut-être, à Kafr el Sheikh en janvier ou même peut-être encore à Port Saïd ou a été proclamée une république libre de Port Saïd.
Après avoir viré Moubarak, ça fait longtemps que dans les revendications populaires, on voyait cette exigence de "dégager" tous les petits Moubarak. Maintenant il est bien possible qu'on passe de l'idée à la réalisation. Et que la revendication de "Mahalla partout" soit celle de demain.

Populisme, programme politique et programme social
On ne peut pas séparer la souveraineté populaire de ses objectifs économiques et sociaux. On ne peut pas séparer longtemps la démocratie directe des buts sociaux et économiques qu'elle s'assigne. En Russie c'était "pain, paix et terre", ici c'est "pain, justice sociale, liberté". Or, on sait depuis Blanqui et le toast de Londres, que pour avoir du pain, il faut des fusils; la question se pose maintenant à bien des égyptiens. Mais cela peut encore se poser sous différentes formes.
Jusqu'à présent la pensée de droite avait le monopole du mot "populisme". Cependant en Égypte, dans cette situation de maturation de la révolution sociale et d'immaturité de ses représentants, peut-on voir renaître sur ce chemin de la politisation du peuple, des sortes de populismes telles que la Russie du XIXème siècle en avait fait naître ? Bien sûr, dans la Russie rurale de l'époque, les populistes avaient envisagé les communes de village dans de petites unités économiques autonomes liées dans une confédération remplaçant l'État. Or l’Égypte est avant tout une société urbaine. Mais ces Narodniks se sont transformés pour tenter à partir de 1879 plusieurs assassinats politiques. En 1881 plusieurs membres de ce groupe organisent l'assassinat du tsar Alexandre II. Morsi n'est-il pas qualifié de nouveau Pharaon ? Les Ultra n'ont-ils pas promis la mort à Tantawi ( maréchal de l'armée, ex patron du CSFA qui a dirigé l'Egypte jusqu'aux Frères Musulmans) ? Les conjurés russes seront condamnés à mort et pendus en place public le 1er avril 1881. On sait combien l'engagement de Lénine est du à la pendaison de son frère, militant populiste, en 1887. Et tout ce que doivent les Socialistes Révolutionnaires fondés en 1901, aux Narodniks. L'avenir dira d'ici peu à la planète les chemins que prendra la progression de la conscience révolutionnaire en Égypte et tout le monde peut en comprendre son importance pour la planète entière.
C'est pourquoi, dans ce chemin du prolétariat égyptien vers la conscience politique, on voit toute l'importance de ce que les étudiants socialistes, les militants socialistes révolutionnaires d'Egypte mais aussi d'ailleurs, les démocrates révolutionnaires honnêtes, les militants ouvriers syndicalistes conscients, les intellectuels ouvriers ou autres, les Ultras d'avant-gardes, tous, bandent leurs forces pour permettre d'aboutir à cette première révolution du XXIème siècle.

Jacques Chastaing, le 3 février 2013