Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 29 août 2012

Pour l’ordre républicain, les Roms doivent être traqués


Pour l’ordre républicain, les Roms doivent être traqués


La chasse aux Roms a repris. Leur misère qui se répand dans nos villes est insupportable pour les bonnes âmes, pour les socialos, tout comme elle l’était pour la droite sarkozyste. Pérorant dans son rôle de premier flic de France, Valls, lui, n’a pas d’état d’âme humanitaire. Quant au gouvernement, il se garde bien de dénoncer les mensonges d’Etat qui ont couvert les discriminations d’hier. Ils sont aux affaires et les méthodes n’ont guère changé, les engagements de campagne semblent enterrés mais l’hypocrisie bienveillante couvre leurs méfaits. Il s’agit de fait, toujours et encore, de cultiver l’ignorance sur l’origine de la migration de ces populations européennes afin de mieux brosser dans le sens du poil le racisme ambiant, y compris celui des élus locaux. Le changement maintenant s’opère dans la continuité sarkozyste et la gauche du PS, comme les écologistes, ont pour l’heure chaussé les godillots ou adopté, comme Cécile Duflot, la «muselière»[1].

La traque aux miséreux Roms a repris

Il n’a pas fallu longtemps pour qu’avec jubilation Manuel Valls revête les habits de Guéant. La trêve du mois d’août était propice. Les 8 et 9 de ce même mois, les expulsions de Roms ont repris. Paris, Lille, Lyon et après une «concertation bidon», le 27 août à Evry avant même la décision de justice «républicaine» ! Et… de nouveau à St Priest où 140 Roms furent dispersés (le 28 août).

A Lille, le moratoire décidé après le discours de Grenoble de Sarkozy n’était plus de saison, le droit au logement enterré. La rondouillarde Aubry avait décidé de vider tous ces crève-la-faim. Et, en Ponce Pilate, la demande de recours aux forces de l’ordre déposée, elle est partie en vacances s’en laver les mains. Ainsi, près de Villeneuve d’Asque, au sein de la communauté urbaine où ils étaient stationnés, les Roms, du moins quelques-uns d’entre eux, prévenus la veille, ont-ils pu en toute urgence acheter quelques tentes et quelques vivres. Bien leur en prit car 150 d’entre eux ont eu leur caravane confisquée. Pour ces gens-là, le droit de propriété si cher aux bourgeois, ça n’existe pas ! Délogés, ils ont dormi près de la citadelle.

A Lyon même, à Villeurbanne, à Vaulx-en-Velin, ce furent 3 vagues d’expulsion concomitantes. Plus de 300 Roms, femmes et enfants disparus du paysage, 230 d’entre eux renvoyés par charter, ce moyen de transport cher à Pasqua ! Est-ce à dire que l’on assiste à de véritables rafles à caractère ethnique ? En tout cas, Gérard Collomb, maire PS, est un récidiviste impénitent, c’est lui qui déclenche les expulsions sans solution de ces ressortissants européens de basse classe. A chaque fois, tel Tartuffe, il invoque de nouveaux projets de construction et notamment de logements sociaux (sic !) sur les terrains occupés qu’il fait vider manu militari. Cette bonne foi de jésuite est toujours assortie de flatterie aux ressentiments racistes de quelques riverains. Et les associations de protester «ça continue, le rythme d’un charter par mois est maintenu», la promesse «hollandaise» de relogement oubliée, mis à part les 3 jours maxi selon les places disponibles ?

Pour les Roms, le lot quotidien c’est la liberté d’errance, d’expulsion et … de retour assuré, le misérable espoir de la surexploitation, du travail au noir, de ventes d’objets bricolés, de mendicité voire, si des caïds résidant en Roumanie leur ont mis le grappin dessus, de la prostitution. C’est dans l’Europe moderne et libérale des cours des miracles ambulantes. Et pourtant comme précisé plus loin, ce ne sont pas des nomades. Comme ouvriers agricoles saisonniers pour ramasser les fraises, cueillir les abricots, faire la récolte dans les vignes ou comme ouvriers-manœuvres intermittents dans le BTP, ils sont utiles, «mobiles», «compétitifs», «flexibles» avant d’être renvoyés «sans feu ni lieu» et de s’installer ici ou là. Particulièrement présents en Italie et en Espagne, ils ne sont que 15 000, indésirables, en France. Comprenez ! La France généreuse et exemplaire n’a pas les moyens !  

Mensonge d’Etat et politique discriminatoire et raciste

Le coût de cette politique gouvernementale, aides au retour, frais de gestion, recours judiciaires, escortes policières, vols en charter, c’est 100 millions d’euros par an. Une «bourse» de 300€ par adulte et 100€ par enfant et… ils reviennent abîmer nos villes et nos campagnes de leur sang impur. Ainsi grassement soudoyés, leurs «départs sont volontaires» et la liberté de circulation garantie dans l’UE leur permet de reprendre le chemin en sens inverse ! Kafkaïen ! Des technocrates mal avisés ont donc imaginé de leur donner, en plus, des troupeaux de moutons pour devenir chez eux, des bergers sur leurs terres. Louable humanité cousue d’ignorance crasse pour avoir méconnu que les Roms n’ont pas de terre pour les faire paître. Alors mieux avisés, les Roms bénéficiant de cette expérience, après avoir mangé les moutons, sont revenus en France… Mais les caisses sont vides, nous dit-on ! Et pourtant les deniers non utilisés sont bien là. Selon les responsables d’Emmaüs, Deltombe et Auger, sur «une dizaine de millions qui leur sont destinés par les fonds européens, et qui sont gérés par l’Etat français, un million a été péniblement consommé» !

En fait, lorsque l’on examine les mesures réglementaires régissant la «libre» circulation de ces hommes à part, aucun doute ne subsiste, il s’agit bien d’une politique consciencieusement construite. Il y a d’abord la fallacieuse motivation de protection du travail des «Français d’abord» : il conviendrait de lutter contre la concurrence déloyale, ce «dumping social» qu’exercerait cette population sur les salariés. C’est la raison invoquée justifiant les «mesures (dites) transitoires». Elles contraignent les Roms à ne pouvoir s’embaucher que dans 150 métiers dits «en tension», ceux où l’on manquerait de bras. Ces restrictions sont couplées avec des contraintes pécuniaires dissuasives exercées sur les chefs d’entreprises qui souhaiteraient, par bonté d’âme, recourir à cette main d’œuvre bon marché. Ils doivent payer une taxe proportionnelle au salaire qu’ils comptent verser, de 74€ pour un SMIC jusqu’à 50% du salaire brut, dans la limite, toutefois, de 2.5 fois le SMIC. Et ce n’est pas tout, ces travailleurs potentiels doivent encore obtenir un permis de travail délivré par la Préfecture et… l’attente peut durer plusieurs mois… Ces discriminations raciales instituées assimilent ces Européens à des étrangers de l’UE. La commission européenne ne s’y est pas trompée en condamnant l’Etat français, recommandant par conséquent qu’il y soit mis fin avant le 31 décembre 2013. Car constat a été fait : «la mobilité des Roumains et des Bulgares a été positive pour les économies d’accueil car ils ont pénétré (sic !) des professions en pénurie… ils ont contribué à hauteur de 0.2 % au PIB de l’UE». Diantre ! Un gisement de croissance, d’accumulation du capital dont on s’est privé à la différence de l’Espagne et de l’Italie. Ces deux pays qui accueillent respectivement 38 et 41 % de la migration des Roms n’ont que faire des mesures de restriction de type  pétainiste. Ce qui ne signifie pas pour autant que ces populations bénéficient de conditions de rémunération, de travail et de logement plus acceptables.

Avec Hollande, avec Valls sur son flanc droit, il s’agit à la fois de donner des gages aux réactions poisseuses de l’électorat d’extrême droite et, sans se presser, de se mettre en conformité normale avec les directives de la commission européenne. Avec Sarko, c’est 10 000 expulsions par an (et retour !), avec le socialo sarkozysme, c’est le changement dans la continuité avec quelques promesses.

Une nouvelle méthodologie proclamée. Des engagements qui n’engagent à rien

Suite aux premières expulsions, le gouvernement Ayrault a réuni les responsables d’organisations à caractère caritatif. Il fallait bien les rassurer par un dialogue constructif. Qu’en est-il sorti ? Les évacuations se poursuivront à condition qu’une décision de justice le permette, légalité républicaine oblige ! Des «supports méthodologiques» vont être adressés aux Préfets afin d’humaniser ces expulsions. Il s’agira pour eux «d’anticiper, d’individualiser» ces coups de balai, ainsi nous promet-on, des travailleurs sociaux remplaceront les policiers. Quant aux hébergements d’urgence à construire ou à réserver, une «mission de coordination» verra le jour : un Préfet délégué sera nommé auprès du Premier Ministre pour rechercher (vainement ?) des hôtels modestes et des gymnases aménagés (déjà saturés) pour des résidences n’excédant pas 3 jours. Quoi de neuf surtout quand la main droite ignore la compassion de la main gauche : c’est sans attendre une quelconque décision de justice que Valls continue de sévir à Evry, Saint Priest… Il suffit d’invoquer des conditions sanitaires insupportables et la République Quant à la levée des «mesures transitoires», Ayrault d’affirmer : «nous sommes favorables à une évolution» et non à leur suppression ! L’on comprend mieux dans ces conditions que la droite et l’extrême droite raciste jubilent. Comme on a pu l’entendre sur les ondes, ils encouragent les socialo-sarkozystes à «nous» débarrasser de toute «cette vermine», de tous «ces crasseux». Pour ceux qui auraient la mémoire courte et les sens olfactifs bouchés, faut-il rappeler les relents idéologiques nauséabonds justifiant naguère le clivage de classes : les petits paysans aux culs-terreux, les ouvriers à casquettes, aux ongles noirs venant polluer en 1936 les belles plages, les prétendues tares des Juifs d’hier et aujourd’hui des musulmans et des jeunes des quartiers dits sensibles !

Entretenir l’ignorance pour mieux dominer

Pour la classe dominante et ceux qui la servent, maintenir les classes dominées dans une ignorance crasse ou entretenir des mythes de sens commun permet d’opacifier leurs propres responsabilités. L’histoire des origines et du passé des Roms est pourtant édifiante[2].

Lors de la désintégration de l’empire byzantin, de l’invasion puis de l’expansion de l’empire ottoman, les Tigani (devenus par mythe, tsiganes) fuient, émigrent en Roumanie et en Hongrie. Ils sont mis en esclavage par les seigneurs féodaux locaux (les boyards) par les princes et ecclésiastiques dans les monastères. Propriété de leurs maîtres, vendus, échangés, situés au bas de l’échelle, plus méprisés que les serfs liés à la terre, ils sont hommes à tout faire hors les métiers agricoles. Lors de l’abolition du servage (1840-1880), ils sont affranchis, beaucoup émigrent en Europe de l’Ouest, les plus pauvres en Europe centrale, certains aux USA. Ceux qui restent, mettant en œuvre leurs pauvres expériences, deviennent artisans, chaudronniers, ferronniers, maréchaux-ferrants et certains, gens de cirque, voire musiciens. Mais pour les Roumains et les Bulgares, avec la montée des nationalismes lors de la crise de 29/30, ils sont ce petit peuple sans feu ni lieu dont il faut se démarquer : ce sont des déracinés, des vagabonds, des bohémiens, bref, des gens dangereux. Lorsque les fascistes prennent le pouvoir en 1940 en Roumanie, 30 000 d’entre eux considérés comme nomades, sont déportés en Transnistrie. Sous le régime dit communiste, la prolétarisation forcée les conduit dans des immeubles cages à lapin à proximité des usines ou dans des fermes collectives. Certains deviennent ouvriers spécialisés, fonctionnaires. Mais cette évolution n’a guère éradiqué le racisme structurant cette société. A preuve, lors de la libéralisation sauvage des années 90, ils furent les boucs émissaires tout trouvés. Les affrontements ethniques reprirent. Et ceux qui furent toujours considérés comme des «marginaux», touchés de plein fouet par le chômage (taux de 25%, moyenne nationale 11.5%) ont pris le chemin de l’exil[3]. 34 % d’entre eux n’ont pas terminé leur cursus scolaire et certains sont analphabètes.


Le fond de l’air est poisseux pour ceux qui tiennent les murs dans les banlieues, comme pour ceux dont le bannissement est sans feu ni lieu. La compassion n’est pas de mise pour eux, guère moins pour les Grecs accusés notamment en Allemagne d’être des filous qui ne payent pas d’impôts, qui seraient dispendieux et se doreraient la pilule au soleil. La presse poubelle des Teutons est révélatrice à ce sujet. Reste pour les progressistes aux mains blanches l’exotisme humanitaire des sans terre en Amérique latine ou adoption de quelques Noirs ou Asiatiques ! Comme l’a souligné Leslie Hawke qui dirige l’association Ovidia Roms : «J’ai grandi au Texas à l’époque du mouvement des droits civiques. Et tout ce que les Blancs disaient sur les Noirs, par exemple qu’ils étaient fainéants, sales, qu’ils n’allaient pas à l’école, tout ça, je l’entends aujourd’hui sur les Roms. Mais il s’agit surtout d’un problème de pauvreté plutôt que d’une question raciale».

Gérard Deneux, le 28 août 2012     



[1] Cette expression, c’est elle qui la revendique en prétendant qu’on la lui impose, sinon elle ne pourrait conserver son maroquin de ministre du logement. Les Roms apprécieront.
[2] Je reprends ici des éléments contenus dans l’article de Martin Olivera, ethnologue, membre du CNRS, qui enseigne à Paris X. dans le Monde du 18.08.
[3] Recensement de 2002 à caractère raciste. Seules 435 000 personnes se déclaraient Roms. Ils seraient en fait entre 1 et 2.5 millions sur 21 millions d’habitants.