Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 29 août 2012

MANIFESTE lors de la manifestation Lunes sin sol à laquelle la RIDEF s’est jointe


MANIFESTE
lu le lundi 30 août 2012 devant le parlement de Leon (Espagne)
 lors de la manifestation Lunes sin sol  à 20 h à laquelle la RIDEF s’est jointe


Je suis femme,
je m’aime comme telle
et je sens en moi toute l’Histoire que toutes les femmes de partout et de tous les temps ont écrite en lettres tangibles, même si ces traces sont parfois invisibles parce qu’on a essayé de les effacer du grand Livre du monde.

Je suis femme,
je m’aime comme telle
et j’aime en moi toutes les femmes qui, dans le monde, ont été, sont ou seront. Et cet amour est douloureux, d’une douleur infinie, somme de la souffrance qu’ont vécue toutes celles du même sexe que moi tout au long de l’Histoire. Et cette souffrance est gigantesque !

La souffrance de toutes les femmes, à toutes les époques, qui ont dû partager leurs vies avec des envahisseurs violents,
je la ressens à travers toutes celles qui vivent aujourd’hui encore dans des territoires occupés.

La souffrance de toutes les femmes de tous les temps qui furent victimes d’agressions sexuelles parce que leur corps «appartient» aux hommes,
je la ressens à travers les fillettes qui endurent l’excision de leur clitoris.

La souffrance de toutes les femmes qui, dans le monde entier, ont été victimes d’abus ou de discrimination dans leur travail,
je la ressens à travers les femmes immigrées qui, à cause de leur situation illégale, se retrouvent «invisibles» et supportent des conditions de travail s’apparentant à l’esclavage pour des salaires de misère dans notre monde «riche».

La souffrance de toutes les femmes qui, depuis toujours, ont vécu dans l’extrême pauvreté,
je la ressens à travers les femmes qui, aujourd’hui comme hier, partout dans le monde, subsistent de ce qu’elles trouvent dans les tas d’ordures.

La souffrance de toutes les femmes qui, à n’importe quelle époque et en n’importe quel endroit, ont été l’objet d’une violence physique,
je la ressens chaque fois que les médias nous annoncent de nouvelles brutalités commises par un mari ou un amant à l’encontre de «sa» femme.

Et cela arrive si souvent,
la douleur est si grande
que je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas dans l’espérance de toutes les femmes qui ont mis un point final à la vie qui ne leur plaisait pas et ont commencé à en construire une à leur mesure.

Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas avec la joie de toutes les femmes qui ont ouvert de nouveaux chemins, quoi qu’il leur en ait coûté, pour que nous puissions y passer toutes.

Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas par le courage de toutes les femmes qui, ayant subi une agression, ont osé porter plainte, mettant en évidence cette plaie sociale.

Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas de la justice de toutes les femmes qui ont contribué à faire changer les lois pour que nos droits comme citoyennes soient reconnus.

Je ne pourrais pas la supporter si je ne vivais pas dans la chaleur de l’étreinte de toutes les femmes qui ont décidé de devenir sœurs.
Dorénavant, j’appelle à ce que cette étreinte nous unisse toutes contre n’importe quelle violence  ponctuelle ou structurelle commise contre une femme, un collectif de femmes ou tout un peuple, exercée par un individu, un groupe ou un gouvernement.
Que cette étreinte nous donne de l’énergie pour continuer à contribuer à un monde plus juste, plus libre et par conséquent plus heureux.


A lire: L’émancipation des travailleurs


L’émancipation des travailleurs
Une histoire de la Première Internationale
De Mathieu Léonard
Editions La Fabrique  -  16€ - 383 p. octobre 2011

Huit ans : c’est ce qu’a duré l’Association internationale des travailleurs, plus connue sous le nom de 1ère Internationale. Une vie brève donc, et pourtant c’est tout un monde qui change avec la Commune de Paris pour pivot. Entre le meeting fondateur au St Martin’s Hall de Londres en septembre 1864, et le congrès de la scission, à la Haye, en septembre 1872, on passe d’un timide réseau d’entraide ouvrière à une organisation internationale qui parle ouvertement de révolution sociale. En partant d’un conglomérat hétérogène de syndicalistes anglais, d’artisans mutuellistes français et de communistes allemands, on voit surgir en chemin de grandes figures du mouvement ouvrier comme le Belge César De Paepe et le Français Eugène Varlin, et l’on assiste à la formation des courants marxistes, anarchistes et sociaux-démocrates. Pour finir, les épisodes se succèdent dans la lutte entre les « autoritaires » autour de Karl Marx et les « antiautoritaires » autour de Michel Bakounine, lutte qui finira par faire éclater l’Internationale.
Bien des questions qui sont les nôtres sont déjà posées dans les congrès de la  1ère Internationale, dans les luttes qu’elle a menées et dans les querelles dont elle a fini par mourir. Une richesse largement oubliée, que ce livre restitue avec une entraînante empathie. 

A lire: Marx écologiste


Marx écologiste
De John Bellamy Foster
Editions Amsterdam  - 12€ - 133 p. septembre 2011

Marx écologiste ? L’opinion courante est que Marx et le marxisme se situent du côté d’une modernité prométhéenne, anthropocentrée, qui ne considère la nature que pour mieux la dominer et l’exploiter, selon une logique productiviste qui fut celle tant du capitalisme que du socialisme historiques. L’écologie, comme discipline scientifique et comme politique, aurait ainsi à se construire en rupture avec l’héritage marxiste ou, du moins, au mieux, en amendant considérablement celui-ci pour qu’il soit possible de lui adjoindre des préoccupations qui lui étaient fondamentalement étrangères.
Qu’en est-il vraiment ? Dans Marx écologiste, John Bellamy Foster, textes à l’appui, montre que ces représentations constituent une radicale distorsion de la réalité : des textes de jeunesse aux écrits de la maturité, inspirés par les travaux de Charles Darwin et de Justus von Liebig, le grand chimiste allemand, fondateur de l’agriculture industrielle. Marx n’a jamais cessé de penser ensemble l’histoire naturelle et l’histoire humaine, dans une perspective qui préfigure les théories les plus contemporaines de la « coévolution », et il a offert à la postérité une des critiques les plus vigoureuses de la rupture par le capitalisme de « l’interaction métabolique » entre la nature et les sociétés humaine.
L’enjeu de ce retour à Marx dans une perspective écologique n’est pas de pure érudition ; il ne s’agit pas non plus de sauver une « idole ». S’il faut aujourd’hui tirer de l’oubli la tradition marxiste et socialiste de l’écologie politique, c’est que la perspective marxienne en la matière a une actualité brûlante : une des questions les plus urgentes de l’heure n’est-elle pas de savoir si la crise écologique est soluble dans le capitalisme ?

A lire: La nouvelle impuissance américaine


La nouvelle impuissance américaine
Essai sur dix années d’autodissolution stratégique
De Olivier Zajec
Editions L’œuvre  -  18€ - 175 p. août 2011

Dix ans se sont écoulés entre les attentats du 11 septembre et l’élimination d’Oussama Ben Laden. Une période pendant laquelle la puissance US a changé de nature. Dix années d’approximations et de manipulations qui ont dessillé bien des yeux et multiplié les interrogations sur une « hyper-puissance » incapable de stratégie cohérente depuis que la chute de l’URSS l’a rendue orpheline d’un ennemi digne de ce nom.
La mort d’un Ben Laden oublié de tous ne peut masquer le processus d’ « autodissolution stratégique » entamé symboliquement le 11 septembre 2001. Le véritable Ground Zero ne se situe pas à l’emplacement des Tours jumelles, mais à quelques rues de là, à Wall Street, où la crédibilité de la première puissance mondiale a été engloutie en 2008 sous les eaux noires d’une crise auto-générée. Il sera moins aisé de retrouver le cadavre de cette crédibilité défunte que celui de Ben Laden.
L’ère post-américaine a commencé tant sur les plans économique, militaire que culturel. Nous avons encore du mal à l’envisager, parce que la force de ce que l’on pourrait appeler notre Amérique interne nous empêche de regarder en face le naufrage de l’Amérique réelle.

A lire: Allemagne, 1918. Une révolution trahie


Allemagne, 1918. Une révolution trahie

de Sébastian Haffner (2001) Editions Complexe – 210 pages
Allemagne, automne 1918. La guerre est perdue. L’Empereur est en fuite. En quelques jours, tout le pays se couvre de conseils d’ouvriers et de soldats. La hiérarchie militaire, qui exerçait sa dictature depuis 4 ans, est paralysée. La révolution annoncée depuis des décennies par la social-démocratie est enfin là. Ses militants sont portés à la tête des conseils. Ses dirigeants sont au pouvoir. Quelques mois plus tard, il n’en reste rien. Une parenthèse, donc, un épisode sans conséquence ? Non : car c’est dans ce bref moment historique, aujourd’hui à peu près oublié, que s’est nouée la tragédie allemande des décennies suivantes. Sébastian Haffner, «l’homme qui explique l’Allemagne aux Allemands», fait ici le récit méthodique, passionnant et parfois passionné d’un évènement que tous les courants politiques, chacun pour son propre compte, ont par la suite occulté ou déguisé. Loin des idées reçues sur l’Allemagne – et sur la révolution ! – ce livre n’est pas dans l’air du temps. Il a mieux à faire.

Quelques nouvelles des Amis de la Commune de TARNAC ( ACT)


Quelques nouvelles des Amis de la Commune de TARNAC ( ACT)

Ce que les Amis de la commune de Tarnac ont commencé à construire, depuis plusieurs années, sur le plateau des Millevaches, n’a pas été anéanti par les forces de répression qui ont jeté en prison certains d’entre eux sur la base de faux procès-verbaux établis par la sous-direction antiterroriste. Ils n’ont pas été vaincus et construisent, grâce aux dons d’environ 500 personnes s’élevant à quelque 50 000 euros (ACC a versé 500€) la « commune » de Tarnac, conçue non comme une entité administrative ou  un simple découpage géographique mais comme un territoire de « partage, visant à s’organiser sans s’écraser, ne manquer de rien de ce qu’il faut pour vivre pleinement et se sentir portés par des liens assez forts, assez impénétrables à l’ingérence étatique pour ne jamais se retrouver seuls face à l’hostilité du monde, face à l’urgence de ne plus dépendre d’un monde qui va au gouffre ».
Ainsi  s’est constituée une assemblée populaire à l’automne 2010 dans le cours de la lutte contre la réforme des retraites (blocages de dépôts de carburants caisse de grève…) suivie d’un évènement festif «les Nuits du 4 août» en 2011 (débats, théâtre, concerts).  Création de l’association «Abita» pour la mise en place de tout l’instrument de production (plantation du bois, bûcheronnage, façonnage…) d’espaces habitables modulables : le 1er exemplaire devrait être terminé dans le cours de 2012, le concept sera mis à disposition d’auto-constructeurs du plateau ayant besoin de maison à bas coût. Autres réalisations : «Bourgeons de rosier», association qui a repris une première ferme de 14 ha en 2008, le «ciné-club de Tarnac». Restent à financer la maison de soin, la transformation du bâtiment du Goutailloux en lieu capable d’accueillir des évènements…
Tout cela est fort bien présenté dans une petite revue de 8 pages … sur papier glacé. Gageons que le prochain le sera sur papier recyclable !  
Pour tous renseignements : Les Amis de la commune de Tarnac – 12 rue du Tilleul  19170 Tarnac 
Contact : act@boum.org     

Pour l’ordre républicain, les Roms doivent être traqués


Pour l’ordre républicain, les Roms doivent être traqués


La chasse aux Roms a repris. Leur misère qui se répand dans nos villes est insupportable pour les bonnes âmes, pour les socialos, tout comme elle l’était pour la droite sarkozyste. Pérorant dans son rôle de premier flic de France, Valls, lui, n’a pas d’état d’âme humanitaire. Quant au gouvernement, il se garde bien de dénoncer les mensonges d’Etat qui ont couvert les discriminations d’hier. Ils sont aux affaires et les méthodes n’ont guère changé, les engagements de campagne semblent enterrés mais l’hypocrisie bienveillante couvre leurs méfaits. Il s’agit de fait, toujours et encore, de cultiver l’ignorance sur l’origine de la migration de ces populations européennes afin de mieux brosser dans le sens du poil le racisme ambiant, y compris celui des élus locaux. Le changement maintenant s’opère dans la continuité sarkozyste et la gauche du PS, comme les écologistes, ont pour l’heure chaussé les godillots ou adopté, comme Cécile Duflot, la «muselière»[1].

La traque aux miséreux Roms a repris

Il n’a pas fallu longtemps pour qu’avec jubilation Manuel Valls revête les habits de Guéant. La trêve du mois d’août était propice. Les 8 et 9 de ce même mois, les expulsions de Roms ont repris. Paris, Lille, Lyon et après une «concertation bidon», le 27 août à Evry avant même la décision de justice «républicaine» ! Et… de nouveau à St Priest où 140 Roms furent dispersés (le 28 août).

A Lille, le moratoire décidé après le discours de Grenoble de Sarkozy n’était plus de saison, le droit au logement enterré. La rondouillarde Aubry avait décidé de vider tous ces crève-la-faim. Et, en Ponce Pilate, la demande de recours aux forces de l’ordre déposée, elle est partie en vacances s’en laver les mains. Ainsi, près de Villeneuve d’Asque, au sein de la communauté urbaine où ils étaient stationnés, les Roms, du moins quelques-uns d’entre eux, prévenus la veille, ont-ils pu en toute urgence acheter quelques tentes et quelques vivres. Bien leur en prit car 150 d’entre eux ont eu leur caravane confisquée. Pour ces gens-là, le droit de propriété si cher aux bourgeois, ça n’existe pas ! Délogés, ils ont dormi près de la citadelle.

A Lyon même, à Villeurbanne, à Vaulx-en-Velin, ce furent 3 vagues d’expulsion concomitantes. Plus de 300 Roms, femmes et enfants disparus du paysage, 230 d’entre eux renvoyés par charter, ce moyen de transport cher à Pasqua ! Est-ce à dire que l’on assiste à de véritables rafles à caractère ethnique ? En tout cas, Gérard Collomb, maire PS, est un récidiviste impénitent, c’est lui qui déclenche les expulsions sans solution de ces ressortissants européens de basse classe. A chaque fois, tel Tartuffe, il invoque de nouveaux projets de construction et notamment de logements sociaux (sic !) sur les terrains occupés qu’il fait vider manu militari. Cette bonne foi de jésuite est toujours assortie de flatterie aux ressentiments racistes de quelques riverains. Et les associations de protester «ça continue, le rythme d’un charter par mois est maintenu», la promesse «hollandaise» de relogement oubliée, mis à part les 3 jours maxi selon les places disponibles ?

Pour les Roms, le lot quotidien c’est la liberté d’errance, d’expulsion et … de retour assuré, le misérable espoir de la surexploitation, du travail au noir, de ventes d’objets bricolés, de mendicité voire, si des caïds résidant en Roumanie leur ont mis le grappin dessus, de la prostitution. C’est dans l’Europe moderne et libérale des cours des miracles ambulantes. Et pourtant comme précisé plus loin, ce ne sont pas des nomades. Comme ouvriers agricoles saisonniers pour ramasser les fraises, cueillir les abricots, faire la récolte dans les vignes ou comme ouvriers-manœuvres intermittents dans le BTP, ils sont utiles, «mobiles», «compétitifs», «flexibles» avant d’être renvoyés «sans feu ni lieu» et de s’installer ici ou là. Particulièrement présents en Italie et en Espagne, ils ne sont que 15 000, indésirables, en France. Comprenez ! La France généreuse et exemplaire n’a pas les moyens !  

Mensonge d’Etat et politique discriminatoire et raciste

Le coût de cette politique gouvernementale, aides au retour, frais de gestion, recours judiciaires, escortes policières, vols en charter, c’est 100 millions d’euros par an. Une «bourse» de 300€ par adulte et 100€ par enfant et… ils reviennent abîmer nos villes et nos campagnes de leur sang impur. Ainsi grassement soudoyés, leurs «départs sont volontaires» et la liberté de circulation garantie dans l’UE leur permet de reprendre le chemin en sens inverse ! Kafkaïen ! Des technocrates mal avisés ont donc imaginé de leur donner, en plus, des troupeaux de moutons pour devenir chez eux, des bergers sur leurs terres. Louable humanité cousue d’ignorance crasse pour avoir méconnu que les Roms n’ont pas de terre pour les faire paître. Alors mieux avisés, les Roms bénéficiant de cette expérience, après avoir mangé les moutons, sont revenus en France… Mais les caisses sont vides, nous dit-on ! Et pourtant les deniers non utilisés sont bien là. Selon les responsables d’Emmaüs, Deltombe et Auger, sur «une dizaine de millions qui leur sont destinés par les fonds européens, et qui sont gérés par l’Etat français, un million a été péniblement consommé» !

En fait, lorsque l’on examine les mesures réglementaires régissant la «libre» circulation de ces hommes à part, aucun doute ne subsiste, il s’agit bien d’une politique consciencieusement construite. Il y a d’abord la fallacieuse motivation de protection du travail des «Français d’abord» : il conviendrait de lutter contre la concurrence déloyale, ce «dumping social» qu’exercerait cette population sur les salariés. C’est la raison invoquée justifiant les «mesures (dites) transitoires». Elles contraignent les Roms à ne pouvoir s’embaucher que dans 150 métiers dits «en tension», ceux où l’on manquerait de bras. Ces restrictions sont couplées avec des contraintes pécuniaires dissuasives exercées sur les chefs d’entreprises qui souhaiteraient, par bonté d’âme, recourir à cette main d’œuvre bon marché. Ils doivent payer une taxe proportionnelle au salaire qu’ils comptent verser, de 74€ pour un SMIC jusqu’à 50% du salaire brut, dans la limite, toutefois, de 2.5 fois le SMIC. Et ce n’est pas tout, ces travailleurs potentiels doivent encore obtenir un permis de travail délivré par la Préfecture et… l’attente peut durer plusieurs mois… Ces discriminations raciales instituées assimilent ces Européens à des étrangers de l’UE. La commission européenne ne s’y est pas trompée en condamnant l’Etat français, recommandant par conséquent qu’il y soit mis fin avant le 31 décembre 2013. Car constat a été fait : «la mobilité des Roumains et des Bulgares a été positive pour les économies d’accueil car ils ont pénétré (sic !) des professions en pénurie… ils ont contribué à hauteur de 0.2 % au PIB de l’UE». Diantre ! Un gisement de croissance, d’accumulation du capital dont on s’est privé à la différence de l’Espagne et de l’Italie. Ces deux pays qui accueillent respectivement 38 et 41 % de la migration des Roms n’ont que faire des mesures de restriction de type  pétainiste. Ce qui ne signifie pas pour autant que ces populations bénéficient de conditions de rémunération, de travail et de logement plus acceptables.

Avec Hollande, avec Valls sur son flanc droit, il s’agit à la fois de donner des gages aux réactions poisseuses de l’électorat d’extrême droite et, sans se presser, de se mettre en conformité normale avec les directives de la commission européenne. Avec Sarko, c’est 10 000 expulsions par an (et retour !), avec le socialo sarkozysme, c’est le changement dans la continuité avec quelques promesses.

Une nouvelle méthodologie proclamée. Des engagements qui n’engagent à rien

Suite aux premières expulsions, le gouvernement Ayrault a réuni les responsables d’organisations à caractère caritatif. Il fallait bien les rassurer par un dialogue constructif. Qu’en est-il sorti ? Les évacuations se poursuivront à condition qu’une décision de justice le permette, légalité républicaine oblige ! Des «supports méthodologiques» vont être adressés aux Préfets afin d’humaniser ces expulsions. Il s’agira pour eux «d’anticiper, d’individualiser» ces coups de balai, ainsi nous promet-on, des travailleurs sociaux remplaceront les policiers. Quant aux hébergements d’urgence à construire ou à réserver, une «mission de coordination» verra le jour : un Préfet délégué sera nommé auprès du Premier Ministre pour rechercher (vainement ?) des hôtels modestes et des gymnases aménagés (déjà saturés) pour des résidences n’excédant pas 3 jours. Quoi de neuf surtout quand la main droite ignore la compassion de la main gauche : c’est sans attendre une quelconque décision de justice que Valls continue de sévir à Evry, Saint Priest… Il suffit d’invoquer des conditions sanitaires insupportables et la République Quant à la levée des «mesures transitoires», Ayrault d’affirmer : «nous sommes favorables à une évolution» et non à leur suppression ! L’on comprend mieux dans ces conditions que la droite et l’extrême droite raciste jubilent. Comme on a pu l’entendre sur les ondes, ils encouragent les socialo-sarkozystes à «nous» débarrasser de toute «cette vermine», de tous «ces crasseux». Pour ceux qui auraient la mémoire courte et les sens olfactifs bouchés, faut-il rappeler les relents idéologiques nauséabonds justifiant naguère le clivage de classes : les petits paysans aux culs-terreux, les ouvriers à casquettes, aux ongles noirs venant polluer en 1936 les belles plages, les prétendues tares des Juifs d’hier et aujourd’hui des musulmans et des jeunes des quartiers dits sensibles !

Entretenir l’ignorance pour mieux dominer

Pour la classe dominante et ceux qui la servent, maintenir les classes dominées dans une ignorance crasse ou entretenir des mythes de sens commun permet d’opacifier leurs propres responsabilités. L’histoire des origines et du passé des Roms est pourtant édifiante[2].

Lors de la désintégration de l’empire byzantin, de l’invasion puis de l’expansion de l’empire ottoman, les Tigani (devenus par mythe, tsiganes) fuient, émigrent en Roumanie et en Hongrie. Ils sont mis en esclavage par les seigneurs féodaux locaux (les boyards) par les princes et ecclésiastiques dans les monastères. Propriété de leurs maîtres, vendus, échangés, situés au bas de l’échelle, plus méprisés que les serfs liés à la terre, ils sont hommes à tout faire hors les métiers agricoles. Lors de l’abolition du servage (1840-1880), ils sont affranchis, beaucoup émigrent en Europe de l’Ouest, les plus pauvres en Europe centrale, certains aux USA. Ceux qui restent, mettant en œuvre leurs pauvres expériences, deviennent artisans, chaudronniers, ferronniers, maréchaux-ferrants et certains, gens de cirque, voire musiciens. Mais pour les Roumains et les Bulgares, avec la montée des nationalismes lors de la crise de 29/30, ils sont ce petit peuple sans feu ni lieu dont il faut se démarquer : ce sont des déracinés, des vagabonds, des bohémiens, bref, des gens dangereux. Lorsque les fascistes prennent le pouvoir en 1940 en Roumanie, 30 000 d’entre eux considérés comme nomades, sont déportés en Transnistrie. Sous le régime dit communiste, la prolétarisation forcée les conduit dans des immeubles cages à lapin à proximité des usines ou dans des fermes collectives. Certains deviennent ouvriers spécialisés, fonctionnaires. Mais cette évolution n’a guère éradiqué le racisme structurant cette société. A preuve, lors de la libéralisation sauvage des années 90, ils furent les boucs émissaires tout trouvés. Les affrontements ethniques reprirent. Et ceux qui furent toujours considérés comme des «marginaux», touchés de plein fouet par le chômage (taux de 25%, moyenne nationale 11.5%) ont pris le chemin de l’exil[3]. 34 % d’entre eux n’ont pas terminé leur cursus scolaire et certains sont analphabètes.


Le fond de l’air est poisseux pour ceux qui tiennent les murs dans les banlieues, comme pour ceux dont le bannissement est sans feu ni lieu. La compassion n’est pas de mise pour eux, guère moins pour les Grecs accusés notamment en Allemagne d’être des filous qui ne payent pas d’impôts, qui seraient dispendieux et se doreraient la pilule au soleil. La presse poubelle des Teutons est révélatrice à ce sujet. Reste pour les progressistes aux mains blanches l’exotisme humanitaire des sans terre en Amérique latine ou adoption de quelques Noirs ou Asiatiques ! Comme l’a souligné Leslie Hawke qui dirige l’association Ovidia Roms : «J’ai grandi au Texas à l’époque du mouvement des droits civiques. Et tout ce que les Blancs disaient sur les Noirs, par exemple qu’ils étaient fainéants, sales, qu’ils n’allaient pas à l’école, tout ça, je l’entends aujourd’hui sur les Roms. Mais il s’agit surtout d’un problème de pauvreté plutôt que d’une question raciale».

Gérard Deneux, le 28 août 2012     



[1] Cette expression, c’est elle qui la revendique en prétendant qu’on la lui impose, sinon elle ne pourrait conserver son maroquin de ministre du logement. Les Roms apprécieront.
[2] Je reprends ici des éléments contenus dans l’article de Martin Olivera, ethnologue, membre du CNRS, qui enseigne à Paris X. dans le Monde du 18.08.
[3] Recensement de 2002 à caractère raciste. Seules 435 000 personnes se déclaraient Roms. Ils seraient en fait entre 1 et 2.5 millions sur 21 millions d’habitants.  

Deux poèmes de Hassen


Cupide et avare
Stupide et vantard,
C’est cela être politicard.
Je ne suis pas un bout de lard,
Encore moins un cafard.
Je serai toujours là avec ma guitare
Dans les champs ou bien dans un bar
Par beau temps ou par blizzard
Chantant, criant au canular.
Sortons de ce cauchemar,
Notre savoir, c’est notre phare
Et ce n’est pas dû au hasard.
Il faut toujours rester hagard
Sans limite, sans radar,
Sans étendard, sans bazar, sans lézard.
Tu travailles dare-dare,
Pour une retraite placard
Avec moins de beurre dans les épinards.
Ce qui reste de notre part,
Ils l’ont volé ces renards
Et ils paieront plus tard.
Stoppons, amis, tous les chars
De tous ces politicards,
Ces nantis, ces pantouflards.
Il faut combler notre retard
Pour redonner au monde son étendard
Tous unis avec le même foulard,
Pour la vie, pour ce regard
De vivre dans un monde à part.

Ecoute
Ecoute le silence, il chante et il danse
Ecoute le vent, il crie de douleur
Ecoute la terre, elle nous renvoie la mer
Ecoute le monde qui se déchire sous les bombes
Prends garde à ne plus tendre l’oreille
Et de ne pas voir
Ce qui t’attend sur cette terre.

Brèves sur les résistances d’Espagne et d’ailleurs


Brèves sur les résistances d’Espagne et d’ailleurs

La 29ème RIDEF (Rencontre Internationale des Educateurs Freinet) a réuni environ 350 enseignant-e-s de 29 pays différents de 4 continents, du 23 juillet au 1er août 2012 à Leon (Espagne). Organisée tous les  deux ans par la Fédération Internationale des Educateurs Freinet (FIMEM),  elle avait cette année pour thème Education et égalité de genre (entendez égalité entre les sexes, le mot ‘genre’ en français ayant des sens multiples et divergents !). J’ai pu y participer. Voici quelques brefs échos des engagements des un-e-s ou des autres.

ESPAGNE
Lunes sin sol (lundi sans soleil) est un mouvement né en 2005 regroupant plus de 20 collectifs différents (associations, partis politiques, syndicats) de Leon, capitale de la Province de Leon, située  au nord-ouest de l'Espagne. C'est une plate-forme contre la violence machiste et qui a pour objectif d'unir les forces pour éradiquer la violence qui tue chaque année un nombre élevé de femmes. Le nombre de femmes mortes sous les coups de leur conjoint est affiché (et modifié au fur et à mesure, hélas, car il évolue vite…) sur le mur du Parlement de la Province. La manifestation publique a lieu les lundis à 20 h devant ce Parlement, car il importe de briser le silence sur les assassinats, viols et autres violences dont sont victimes les femmes.
Solidaires de Lunes sin sol, nous participâmes à la manifestation du lundi 30 juillet et y lûmes en trois langues le texte ci-joint écrit lors de notre rencontre par une enseignante espagnole.  Nous, les Françaises, apportâmes notre contribution en chantant l’hymne des femmes.

MAROC
Lors de cette manifestation Lunes sin sol fut lue aussi une déclaration de la délégation marocaine : à Tiznit, ville tranquille à 100 km au sud d'Agadir, depuis la mi-juillet, une dizaine de jeunes femmes ont été agressées dans la rue par un homme, un inconnu (un "barbu" disent les Marocain-s/es dans leur texte). Cet inconnu arrive sournoisement à bicyclette et poignarde le postérieur d'une victime avec une longue lame préalablement enduite d'ail, afin de retarder la cicatrisation de la blessure. Il s'enfuit tout aussi rapidement qu'il arrive. Au jour où la déclaration a été lue à Leon, l'inconnu en question n'avait toujours pas été arrêté par la police, malgré plusieurs signalements de témoins ; il est vrai qu'il opère la tête cachée par un capuchon et très vite. On ignore donc s'il s'agit d'un psychopathe ou d'un membre d'un groupe fanatique. La délégation marocaine à la RIDEF dénonce ces agressions et demande le respect des libertés individuelles, dont celle pour les jeunes filles de s'habiller comme elles le souhaitent, avec ou sans voile, en jeans ou en habit traditionnel… 

ESPAGNE
Les mineurs du nord-ouest de l’Espagne où se trouvent les mines de charbon menacées de fermeture par suppression des subventions publiques sur ordre de l’Union européenne avaient organisé une longue marche sur Madrid. Leur arrivée dans la capitale espagnole le 11 juillet, puis les jours suivants, avait donné lieu à des soutiens à travers le pays, culminant dans les grandes manifestations anti-austérité du 19 juillet. A Leon, depuis le mois de mai, des mineurs se sont barricadés dans le bâtiment du Parlement de la ville, d’autres se sont enfermés dans leurs mines d’où ils refusent de sortir. Des participant-e-s à la RIDEF ont manifesté publiquement leur soutien en allant, le lundi soir après Lunes sin sol, discuter depuis la rue avec les mineurs enfermés au Parlement : dialogue émouvant à travers les barreaux sculptés en fer forgé des fenêtres du bâtiment à l’architecture vénérable. Et grande émotion aussi quand mineurs et enseignants espagnols entonnèrent ensemble des chants de mineurs de leurs Provinces, puis quand un instituteur Indien Mapuche du sud du Chili entonna à son tour un chant des mineurs de là-bas. Enfin, l’Internationale s’éleva en un seul chœur mêlant toutes les langues des délégués présents…

ESPAGNE
Le 24 juillet en fin d’après-midi, les participants à la RIDEF assistèrent à l’inauguration solennelle de l’exposition intitulée Antonio Benaiges, un maître Freinet dans une fosse de Burgos. Fusillé le 25 juillet 1936 par les franquistes, cet instituteur catalan fut l’un des six mille instituteurs et institutrices exécutés ou démis de leur fonction par le régime fasciste. Pourquoi une telle exposition présentant les photos des restes de plusieurs centaines de disparus de la fosse commune située à Villafranca Montes de Oca près de Burgos ? Parce qu’en Espagne, en «démocratie», l’administration continue de rendre très difficile l’ouverture des fosses et l’identification des corps qui pourraient permettre à la société espagnole de reconnaître enfin ces assassinats et les victimes. Plus de 150 000 personnes sont encore enfouies dans les fosses communes de la répression franquiste à travers tout le pays. Cette exposition avec une présentation de la vie de l’humble maître d’école et notamment des exemplaires originaux des journaux imprimés dans sa classe par ses élèves qui les ont pieusement conservés jusqu’à ce jour complétait l’autre exposition en cours au même musée : Presas de Franco (prisonnières de Franco). Pour la première fois étaient montrées des centaines de photos et de documents avec explications détaillées sur les prisons pour femmes de l’Espagne franquiste. En jeu dans ces deux expositions, la construction d’une mémoire démocratique et sociale…

JAPON
Plus d’une trentaine d’enseignant-e-s japonais-es participaient à la RIDEF à Leon. Ils nous racontèrent l’opposition très forte de la population de leur pays contre la première réouverture d’une centrale nucléaire depuis leur fermeture après la tragédie de Fukushima du 11 mars 2011. Ils venaient de participer à la manifestation gigantesque antinucléaire qui a eu lieu le 16 juillet à Tokyo. Ils nous offrirent des dragons, chaque dragon étant composé de centaines de grues de papier plié (origami) et reliées entre elles par un fil très serré. Ces grues reliées sont devenues le symbole de l’après-Fukushima, nous dirent-ils, car ce fut un choc pour tous, rappelant la fragilité et la précarité humaines. Une institutrice dont une partie des élèves mourut dans la catastrophe fit fabriquer des grues aux survivants, symbolisant les vivants et les morts. Et le fil qui relie les grues symbolise le lien qui peut nous unir tous ensemble, ici et maintenant : tant que nous sommes en vie, profitons-en pour nous aimer et être solidaires. Cette initiative d’une maîtresse fut reprise avec une rapidité extraordinaire dans tout le pays et des millions de grues illustrent l’opposition au nucléaire.

ESPAGNE
Une autre initiative d’une maîtresse reprise avec une rapidité extraordinaire dans tout le pays est celle d’une institutrice d’une école maternelle privée de la région de Madrid : elle se bat comme des millions d’autres «pour une école publique gratuite pour tous» et eut l’idée de confectionner un tee-shirt vert portant ce slogan. Elle arriva un matin, vêtue de ce tee shirt, à son école, mais la directrice lui en interdit le port. Alors, par solidarité, une, puis dix, puis cent et maintenant des milliers de personnes fabriquent et portent ce tee-shirt vert avec son slogan, devenu le symbole du combat pour la défense de tous les services publics.

Nicole Maillard-Déchenans, le 27 août 2012

samedi 25 août 2012

Nouméa. La France coloniale conforme à ses traditions.


Nouméa. La France coloniale conforme à ses traditions.

Dans cette France «une et indivisible», à 18 368 kms de Paris, à 1 900 à l’Est de Sydney (Australie), en plein Pacifique, dans cette grande île, pour les colons, la fraude fiscale n’est pas un délit. Le pouvoir «blanc», malgré les révoltes et résistances des Kanaks, est maintenu. Pour les petits délinquants et autres révoltés, la justice et la pénitentiaire ont de solides traditions depuis 1853. Pour 156 000 habitants, on dénombre 5 000 policiers et militaires, venus de la France métropolitaine et les prisons sont pleines à craquer, comme celle de Nouméa, un ancien bagne «reconverti» où sont entassés 480 détenus pour 226 places. Des cellules de 12 m2 pour 6 détenus, 3 lits (2 superposés et un matelas par terre), pour toute aération, un maigre soupirail. Enfermés 23 heures sur 24, ces modernes bagnards ne sont pas seuls, ils cohabitent avec les rats et les cafards. Dans ce lieu de bannissement dénommé «camp Est», chaleur et odeurs sont insupportables et la crasse est le lot commun des pestiférés. 80 % d’entre eux sont des jeunes Kanaks condamnés pour de menus larcins : vols, violence, vente de cannabis. Faut-il s’étonner que la révolte du 14 juillet pour discriminations raciales, ou le début de mutinerie le 4 août avec incendie des matelas et cartons avec refus de réintégrer leurs cellules, n’aient trouvé que peu d’écho dans les médias ? Cette France-là est encore plus éloignée de la préoccupation des journalistes que celle de nos banlieues. De fait, l’affaire fut vite étouffée. L’intervention des policiers et des pompiers y mit bon ordre «républicain».

Certes l’Etat français a été récemment condamné à indemniser 30 détenus qui avaient osé porter plainte pour mauvais traitements : 167 € chacun… le pactole ! Certes, 11,5 millions d’euros sont affectés à des travaux de réhabilitation et d’agrandissement de cette prison. Mais, force doit rester aux intérêts des colons. La Mairie de Nouméa s’y oppose. Elle lorgne sur la belle plage en lisière du «camp Est» qui promet de juteuses opérations immobilières. Le projet est donc bloqué dans l’attente éventuelle de la construction d’une nouvelle prison et la destruction du «camp Est».

Taubira, informée, a nommé une mission d’inspection. Pourvu qu’elle ne rejoigne pas ce coin perdu de la République en pédalo ! A moins qu’il faille attendre l’hypothétique référendum d’autodétermination qui aurait lieu en 2014 ou … 2018, pour satisfaire aux exigences de l’ONU proclamant en décembre 1986 le droit à l’autodétermination de ce territoire colonisé. Faut-il, dans l’intervalle, d’autres barrages routiers, séquestrations de sous-préfet (1984), révoltes, état d’urgence, attaques de la grotte de Gossanah sur l’île d’Ouvéa (1988) ? On imagine mal Rocard reprendre du service pour faire œuvre de pacification ou Hollande renouveler la promesse de Jospin (1998) : «la possibilité (pour la Nouvelle Calédonie) d’accéder à l’indépendance dans 15 ou 20 ans»…

Les confettis de l’Empire ont la vie dure. Nickel surtout, mais aussi manganèse, gaz, cobalt… et intérêts bien compris des colons obligent ! Et puis, c’est aussi 100 000 touristes par an sur les belles plages dont près de 30 % de métropolitains à égalité avec les Japonais, devançant les Australiens…

Gérard Deneux le 24.08.2012       

Amiens, quartier nord. La normalité «hollandaise» !


Amiens, quartier nord. La normalité «hollandaise» !

Les médias se sont très peu répandus sur les causes de l’embrasement de cette banlieue. Ils ont préféré, brièvement, s’en tenir à l’importance des dégradations commises en reprenant à leur compte la ritournelle de la délinquance irrépressible des jeunes. Pour ce que l’on en sait, les faits révèlent une autre réalité largement occultée. Quant aux annonces qui ont suivi, elles servent essentiellement à rassurer l’opinion tout en donnant bonne conscience au gouvernement.

Les faits. Les commentaires.

Le 12 août, c’était un dimanche, comme de coutume dans ce quartier, la Brigade anti-criminalité (BAC) avait investi ce paysage urbain de barres de béton pour procéder à des énièmes contrôles d’identité ! Soudain, un automobiliste prend un sens interdit. Pas de demi-mesure, il est arrêté avec fracas : gaz lacrymogènes, flash ball. A-t-il tenté de fuir ? Ce délit nécessitait-il ce savoir faire policier que la République voulait exporter en Tunisie ? Silence, les journalistes de connivence n’ont rien à dire à ce sujet, encore moins sur l’homme interpelé aux abords d’immeubles, où dans l’un d’entre eux, en plein air, on commémorait un deuil. Toujours est-il qu’excédés par tant de tapage olfactif suffocant, quelques membres de la famille Hadji osèrent protester. Faire comprendre aux pandores qu’ils s’éloignent pour respecter le deuil de Namir, 20 ans, décédé le 9 août d’un accident de moto, s’est vite avéré de l’ordre de l’incompréhensible pour leurs neurones. On n’interpelle pas la police, c’est une provocation ! «Ils nous ont provoqué comme des cow-boys et les enfants comme les femmes furent gazés avec des bombes lacrymogènes».

De barres en barres d’immeubles, l’information puis la mobilisation se sont répandues. Attroupements, protestations, altercations, les flics devaient dégager. Marre des humiliations et des contrôles intempestifs ! Indisposés, les mercenaires de l’Etat n’entendaient pas se retirer en bon ordre mais maintenir leur ordre. Des renforts ! 250 policiers et robocops munis de canons lance-à-eau, grenades, flash ball furent rapidement sur les lieux. Diligenté, un hélicoptère tournoya au-dessus du quartier afin de prendre des clichés des délinquants potentiels. La protestation s’est vite transformée en colère, heurts et affrontements. Ils durèrent, pour le moins, toute la nuit du 12 au 13. Seize policiers blessés, incendies, mais force est restée à la loi républicaine. Les photos aériennes peuvent parler pour qu’un peu plus tard, en comparution immédiate, pleuvent les condamnations sans appel.

Mais, dès le 14 août, à l’image de l’ordre militarisé, dans le quartier, Manuel Valls, ministre de l’intérieur, de l’immigration et de … l’insertion ( !) est venu plastronner. Il avait prévu de parcourir les lieux de la République bafouée. Mal lui en prit ! Sous les huées, bousculé, il annula sa visite à pied. Il dut battre en retraite, encadré, protégé par des gardes mobiles. Il n’était pas question qu’il réponde aux interpellations populaires. Auprès des médias, présents, il eut néanmoins le temps de s’apitoyer sur le sort des policiers blessés : «c’est intolérable», promettant de surcroît à la corporation des cow-boys «des moyens supplémentaire » et, fanfaron, d’assurer «je ne suis pas venu ici pour reprocher quoi que ce soit à la police». Le changement dans la continuité sarkozyste était assuré, la BAC et les CRS rassurés.

Toutefois, le Maire PS de la ville, un certain Gilles Demailly, du bout des lèvres, devait reconnaître : «L’intervention de la police n’était pas appropriée dans une situation de deuil. Beaucoup de gaz lacrymogène a été utilisé, ce qui a été perçu comme une agression». On lui souhaite d’en faire l’expérience pour mesurer que la tranquillité gazée est de l’ordre du possible, même sans situation de deuil !

Des braises qui couvent et des flics pyromanes

Le quartier Nord, dit Fafet Brossolette, c’est 25 000 habitants, un chômage qui atteint plus de 40 % et, pour les jeunes de 18 à 25 ans, plus de 60 %, une zone vouée à la paupérisation (63 % de non imposables, 1/3 sous le seuil de pauvreté). Selon le témoignage d’un ex «grand-frère» : «depuis les années 2000, c’est le vide, il n’y a plus d’éducateurs, de prévention sociale». Cette année plus de 1000 jeunes se sont présentés à la Mission Locale… pour (presque) rien. Même le Maire PS, lui le décideur, d’avouer : «Les appartements n’ont pas été rénovés, les crédits à l’humain (sic) sont insuffisants, les associations sont en train de fermer». En fait, nombre de services sociaux publics ont été privatisés «délégués» à des associations puis leurs subventions se sont taries. De toute évidence, ni les élus locaux ni l’Etat ne se sentent responsables. Que l’on aimerait voir les habitants du quartier décortiquer le budget municipal et mettre en évidence les subventions toujours octroyées aux associations «honorables» et autres prestations de prestige. Depuis qu’ils sont discriminés, ils pourraient s’emparer de leur histoire. Car, ce quartier en a une, celle de ses révoltes sporadiques. Déjà en 1982, suite à des provocations policières et injures raciales, une manifestation spontanée est venue protester devant la préfecture. Puis, il y eut 1984, 1997, 2007, 2009, sans compter 2005. Et il y a son origine.

La honte de la «France exemplaire» et son actualité.

C’était en 1962, aussitôt après l’indépendance de l’Algérie. Il existait sur le site du quartier actuel une prison désaffectée pour cause d’insalubrité. Un millier de harkis, comme pour les remercier d’avoir combattu pour l’intégrité de la France coloniale, y furent confinés, une famille par cellule. Cela dura 3 ans… avant l’érection des premières barres HLM. Puis, d’autres populations issues de l’immigration vinrent les rejoindre. Les Trente Glorieuses furent vécues comme un bref répit avant que la cité de relégation devienne celle où s’entassent la précarité, la pauvreté, presque tous des faciès étrangers1. La politique dite de la Ville n’a guère amélioré ce paysage urbain, si ce n’est par l’intrusion régulière et intempestive des Robocops.

Il paraît que la France républicaine, de Sarko à Valls, veut «rétablir la confiance entre les jeunes et la police…» Pour l’heure, elle le fait en surentraînant les CRS et la BAC à la guérilla urbaine ! Notre savoir-faire en «contrôle des foules  s’exportait d’ailleurs avant l’éclosion des révolutions arabes. Reste qu’en Afrique du Sud, Ségolène Royal2 est peut-être partie en éclaireur pour porter «l’ordre juste» vis-à-vis des mineurs grévistes qui se sont fait récemment massacrer à Marikana (44 morts) ?

Quant au ministère de la parole, il s’est mis à débiter sa volonté de faire. Quoique le capitaine pédalo et son acolyte Lamy (ministre délégué à la Ville) se sont mis à mouliner à l’envers. Il est urgent d’attendre «une grande concertation nationale». Non, il n’y aura pas de plan Marshall des banlieues. Mais l’on nous promet un projet de loi pour le … 1er semestre 2013. Des «emplois francs» (du collier) pour les entreprises qui, exonérées de «charges» (encore !), embaucheraient des jeunes des quartiers. Et qui plus est, austérité oblige, une cure d’amaigrissement des aides octroyées aux territoires ghettoïsés. Comprenez, l’empilement des mesures est incohérent, il faut simplifier, cibler les aides, n’en accorder que pour les cas les plus dramatiques. Bref, face au tonneau des Danaïdes3, les Socialos s’apprêtent à boucher les plus gros trous en regardant les autres s’agrandir. 751 Zones Urbaines Sensibles (ZUS) au sein desquelles existent 435 ZRU (Zones de redynamisation urbaine) et 2 493 quartiers en CUCS (contrats urbains de cohésion sociale), c’est trop ! Toute cette novlangue et les pauvres mesures qu’elle contient prouvent, s’il en est besoin, l’insensibilité de la classe dominante et de ses politiciens à la pauvreté, à la précarité et aux discriminations. Elle accompagne la décohésion sociale et la «dynamitation» urbaine. Les habitants de ces quartiers ont raison de se révolter vis-à-vis des situations qu’on leur impose. L’on ne peut que déplorer le peu de solidarité politique, active, à leur égard.

Gérard Deneux le 24 août 2012
1 Lire le livre de François Ruffin « Quartier Nord » Fayard (2006)
2 La Vice présidente de l’Internationale Socialiste préside la réunion de l’IS en Afrique du Sud
3 Mythologie grecque. Nom des cinquante filles du roi d’Argos, Danaos, qui, toutes, à l’exception d’Hypermnestre, tuèrent leurs époux la nuit de leurs noces. Elles furent condamnées, dans les Enfers, à remplir d’eau un tonneau sans fond.